LEONIE BENESCH : « L’INDUSTRIE DU CINÉMA EST VRAIMENT FOUTUE »

en première ligne film

Découverte dans Le Ruban blanc de Michael Haneke, l’Allemande Leonie Benesch, 34 ans, s’est imposée comme une des grandes actrices européennes, à l’instar de Vicky Krieps ou Renate Reinsve. Dans En première ligne, elle est simplement magnifique.

D’où venez-vous ?
De Hambourg. Mais nous avons beaucoup déménagé. La ville où je suis restée le plus longtemps, c’est Londres, où j’ai vécu pendant huit ans… 

À neuf ans, vos parents vous inscrivent dans une école de cirque. C’est le commencement de tout ? 
Oui, je le crois. Ce fut ma première expérience de jeu en public, et j’étais très motivée, c’était vraiment mon choix, pas celui de mes parents. Je marchais sur une corde, je jonglais, c’était facile, j’adorais performer devant des gens. 

Vous débutez dans Le Ruban blanc de Michael Haneke, à 17 ans ! 
À 13 ans, j’avais une agente mais il ne s’est jamais rien passé. Mon agente m’a gardée et j’ai passé un nombre incalculable d’auditions pour Le Ruban blanc. Pour le tournage, je n’avais aucune comparaison avec d’autres films, donc je pensais que c’était normal (rires). Je n’ai aucun problème avec l’autorité si c’est justifié, j’aime qu’un réalisateur sache vraiment ce qu’il veut. Je n’aime pas les gens cruels, mais j’apprécie ceux qui ont une vision claire de ce qu’ils veulent, et Michael sait VRAIMENT ce qu’il veut ! Il était adorable. 

Vous sentiez-vous à votre place sur le plateau ? 
Absolument. C’était magnifique, même si j’étais effrayée, car j’avais très peur de ne pas être au niveau. Mais Michael me rassurait tout le temps. Je me souviens que mon agente m’avait dit de faire attention car on ne tombe sur une expérience pareille, aussi exigeante et forte, qu’une ou deux fois dans sa vie. Elle avait raison ! 

Vous avez déclaré que votre job, c’était de bosser, d’être à l’heure et de connaître vos répliques. C’est sur Le Ruban blanc que vous l’avez appris ? 
Non, je l’ai réalisé quand j’avais suivi des cours dans une école d’art dramatique en Angleterre, où j’ai beaucoup appris sur mon métier. Haneke avait engagé une prof pour me faire répéter et me préparer. 

Vous avez monté les Marches au festival de Cannes pour Le Ruban blanc, qui a obtenu la Palme d’or.
Oui, c’était affreux (rires) ! Je ne savais absolument rien ! J’étais une gamine de 18 ans. J’avais un appareil dentaire, je n’avais jamais mis de maquillage, je n’y connaissais rien en mode. J’ai découvert le film là-bas. Pendant deux jours, je me suis transformée en tomate timide et apeurée. Quand le film a gagné la récompense suprême, je ne savais même pas ce qu’était une Palme d’or… 

C’est ce film qui vous a décidé à continuer dans cette voie ? 
Je suis retournée en Allemagne pour passer mon bac, puis, j’ai emménagé à Berlin, et je suis allée en Angleterre, dans cette école d’art dramatique, pour faire correctement les choses. J’adore l’approche des Anglais vis à vis de ce métier. Tu peux être doué, mais chez les Anglais, il faut bosser encore et encore. Et ça, j’aime ! 

En 2016, on vous retrouve dans la série The Crown.
Le réalisateur était Stephen Daldry (le metteur en scène de Billy Elliot, NDR) et ce fut une expérience merveilleuse, même si le rôle était minuscule. Pour cette série télé, nous avions énormément de temps et d’argent, c’était dingue. Et Stephen est un magnifique metteur en scène, il prenait tout le temps dont il avait besoin pour nous diriger. 

Vous étiez magnifique dans le film La Salle des profs. Vous vous êtes préparée avec des enseignants pour votre rôle ? 
Absolument pas, je n’avais pas le temps (rires). Et tout ce dont j’avais besoin de savoir était dans le script. Je me suis rappelé des mes années de collège, quand nous poussions un prof à bout et qu’il perdait son autorité. Le réalisateur, İlker Çatak, m’a très bien dirigée, ainsi que les enfants. J’ai adoré tourner ce film et je pensais qu’il serait vu par cinq personnes. Son succès, les prix et la nomination aux Oscars, tout cela m’a fait énormément plaisir. Et comme j’étais de tous les plans, ça a été très bon pour moi ! 

C’est cette performance qui vous a valu un rôle dans le film américain 5 Septembre
Non, La Salle des profs n’était pas encore sorti. Grâce à mon école anglaise, je parle plutôt très bien la langue, c’est peut-être pour cela que j’ai été prise. 5 Septembre revient sur la prise d’otages des Jeux olympiques de  972, à Munich, et Tim Fehlbaum a réuni un casting international, avec beaucoup d’hommes, mais très talentueux. Il fallait vraiment être au niveau. Mais il y avait vraiment beaucoup de testostérone sur le plateau… 

On parle d’En première ligne où vous incarnez une infirmière ? Vous allez me dire que vous n’avez pas du tout côtoyé de personnel hospitalier pour préparer votre rôle ? 
J’ai suivi des infirmières pendant cinq jours et j’ai regardé. Le script était parfait et le challenge était de faire croire que j’étais infirmière depuis une dizaine d’années. Je voulais qu’une véritable infirmière puisse y croire quand elle verrait le film. Les gestes des infirmières sont très précis, rapides, quasiment chorégraphiés, et il fallait que l’on croie que je faisais tout cela automatiquement, alors que je récite mes dialogues. On avait une consultante médicale sur le plateau, avec 25 ans d’expérience. Je me suis beaucoup entraînée à la maison. Pour l’instant, je n’ai pas de mauvais retours sur ma performance, alors que avons fait plusieurs avant-premières avec des infirmières… 

Combien de temps avez-vous tourné ?
Cinq ou six semaines, dans un ancien hôpital, à Zurich. 

Quels sont vos projets ?
J’ai l’impression que l’industrie du cinéma est vraiment foutue, mais je reçois encore des projets, ça va toujours pour moi. Mais c’est de plus en plus difficile de trouver de l’argent pour des projets novateurs, des films d’auteur, on ne fait plus que des putain de remakes et des grosses merdes commerciales. 

Et vous ne voulez pas en faire ? 
Sauf si je suis obligée, je dois payer mon loyer. Je travaille pour l’argent, je n’ai aucun problème avec cela, même si je ne me vois pas vraiment dans un film Marvel… Je suis juste atterrée par le niveau du cinéma, cette industrie va très mal et c’est encore plus vrai aux États-Unis. J’ai un agent là-bas, mais ce que je reçois n’est pas vraiment passionnant. 

Quels sont vos projets ?
J’ai tourné une série télé, Prisoners, avec Tahar Rahim. Il est magnifique. Pour le reste, je ne sais pas…


En première ligne
de Petra Volpe
En salles le 27 août


Par Marc Godin