Hier, elle était à Tokyo pour jouer Mary said what she said, dans la mise en scène de Bob Wilson. Demain, elle sera à Lyon pour remettre un prix à Michael Mann. Et aujourd’hui, Isabelle Huppert fait fait escale à Paris pour la promo de La Femme la plus riche du monde, de Thierry Klifa, où elle incarne une milliardaire librement inspirée de Liliane Bettencourt. Rencontre.
Quand on voit La Femme la plus riche du monde, on se dit que c’était une évidence que vous incarniez Liliane Bettencourt.
Isabelle Huppert : Ah oui ? Eh bien pour moi, ce n’était pas évident, pas du tout. C’est gentil de me dire cela, c’est un beau compliment… Le film est une extrapolation de faits supposés réels. Thierry Klifa a beaucoup travaillé le scénario et a trouvé le ton juste : celui de la farce, de l’outrance, qui permet d’introduire de la cruauté. Ce scénario, c’était notre porte d’entrée à tous pour inventer nos personnages.
Qu’est-ce qui vous a convaincue de vous lancer ?
L’envie de travailler avec Thierry, évidemment, mais surtout la lecture du scénario, qui m’a rassurée, qui donnait clairement une direction qui me semblait bonne.
Les costumes vous ont-ils aidée pour trouver votre personnage ?
Le costume est toujours important, c’est le premier indice que l’on donne au spectateur. Ici, mon personnage change tout le temps de costume. La coiffure et les costumes sont très importants, c’est même ce que va changer aussitôt le photographe incarné par Laurent Lafitte.
Les dialogues que vous balancez avec Laurent Lafitte, en photographe inspiré de François-Marie Banier, ce ping pong verbal, est vraiment jubilatoire. Il y a eu de l’improvisation entre vous ?
Bob Wilson me disait souvent de sa très belle voix « acting is improvising ». Et il avait raison. Jouer, c’est de l’impro, inventer dans l’instant. Mais au cinéma, on improvise rarement. Le talent consiste à faire croire que tout l’est.

Pendant le film, j’ai beaucoup pensé à Mankiewicz et à Aaron Sorkin et son fameux « walk and talk ».
Il y a une énergie, un rythme, une insolence, comme dans les comédies américaines. Cela donne de la vitalité aux personnages et évite l’écueil du sentimentalisme. C’est une comédie que l’on peut voir aussi comme une tragi-comédie.
À la fin du film, on ne sait pas trop ce qui lie votre personnage à celui de Laurent Lafitte.
C’est tout le sujet. Comment nommer cette relation ? Amitié pure ?Amour ? Manipulation ? Vénalité ? Moi, je crois qu’il y a un grand sentiment entre ces deux êtres.
Votre filmo est vertigineuse : Haneke, Verhoeven, Chabrol, Mendoza, Cimino, Hong Sang-soo… , mais aussi des comédies grand public comme La Daronne. Vous aimez ce grand écart ?
Oh, ce n’est pas vraiment un grand écart. Il y avait déjà des moments drôles dans La Pianiste. Je n’ai jamais dressé une frontière étanche entre drame et comédie.
Est-ce que l’on vous dirige encore ?
M’a-t-on jamais dirigée ? A-t-on jamais dirigé un acteur ? C’est à la fois simple et compliqué. C’est le cinéma qui nous dirige. Le cinéma est un langage et si on le comprend, tout devient facile.
Qu’est-ce qui vous pousse encore ?
Rien. Je peux avancer toute seule (rires). Ma chance, c’est de rencontrer ceux qui me proposent des films et c’est irrésistible.
Vous venez de reprendre Mary said what she said au Japon, dans la mise en scène de Bob Wilson.
Je l’ai joué quatre fois à Tokyo. Bob inventait un monde à la fois abstrait et vivant, c’est ce que j’éprouvais comme actrice et spectatrice. J’avais commencé à travailler avec lui en 1993, sur Orlando. Je reprendrai Mary said what she said en France, en 2027.
La semaine dernière, vous étiez au défilé Balenciaga. C’est important la mode ?
C’est très agréable, c’est du plaisir. Et le plaisir, c’est important, je ne connais pas de choses plus importantes…
Quels sont vos projets ?
Je joue Bérénice, mis en scène par Romeo Castellucci, que je présenterai à Taïwan. Et je viens de terminer un film d’Asghar Farhadi (Un héros, Une séparation, NDR).
La Femme la plus riche du monde de Thierry Klifa
Sortie en salles le 29 octobre 2025
Par Marc Godin
Photos © Manuel Moutier




