Nous pensions les connaître par cœur. Seb, 29 ans, près de 200 vidéos à son actif et presque six millions d’abonnés, superstar de YouTube, l’un des premiers à avoir fait basculer l’humour français sur Internet. À ses côtés, Sofyan, 30 ans, créateur polymorphe et entrepreneur insatiable, multipliant les projets : boîtes de prod, applis, formats souvent en avance sur leur temps (les deux avaient créé Vertical, un réseau où l’on scrollait des vidéos verticales à l’infini… bien avant qu’un certain géant venu de Beijing ne s’en empare). Deux figures pionnières de la même scène, devenues au fil du temps des amis bien décidés à créer ensemble.
Derrière toute success story, il y a une envie larger than life. Ici, celle de deux garçons ayant grandi sous le regard scrutateur d’Internet. Ayant vu cet écosystème passer d’une poignée de créateurs artisanaux à une véritable machine où chaque seconde d’attention compte, eux prennent le parti inverse : suivre leurs envie, et créer des objets moins éphémères.
Avec Souvenirs, le fabuleux voyage de Seb et Sofyan, leur nouvelle série documentaire produite pour Canal+, Seb et Sofyan signent un virage inattendu. Huit épisodes tournés à travers le monde, sans script et sans filet. Le voyage comme une expérience humaine qui rappelle que la mémoire se construit autant dans les grands paysages que dans les instants minuscules.
Ces Souvenirs racontent une nouvelle forme de voyage qui nous parle à tous : ralentir, reprendre le temps, redonner du poids aux rencontres humaines. Dans un monde saturé de contenus jetables, c’est une manière de dire que le plus précieux n’est pas dans la performance, mais dans le partage.
La veille de leur départ pour de nouvelles épopées, nous les retrouvons en terrasse, un allongé à la main… L’enregistreur est prêt, partons en world-trip avec eux.
Souvenirs, le fabuleux voyage de Seb et Sofyan
Le 15 et 29 octobre 2025 à 21h sur Canal+ et disponible sur l’application Canal+
Souvenirs, c’est une mini-série documentaire en huit épisodes qui retrace vos voyages (Corée du Sud, Roumanie, Inde et Afrique du Sud) vos découvertes et vos rencontres. Quelle était l’envie derrière ce projet ?
Seb: Vivre le voyage tel qu’il est, dans sa forme la plus honnête, sans courir après la dinguerie ou le buzz. Être présent, ouvert aux rencontres, aux imprévus… On avait fait un gros travail de préparation en amont, ce qui nous a permis d’être 100 % dans l’instant. C’est un luxe, bien sûr, mais ça nous a permis de nous concentrer uniquement sur ce qu’on vivait et sur la personne avec qui on le vivait.
Sofyan: C’est avant tout un format nouveau pour nous : pas de script, pas de texte, juste notre envie de découvrir des cultures de façon organique. On n’avait pas l’ambition d’être éducatifs, mais à force de rencontre et d’expériences, tu te rends compte qu’on apprend quand même pas mal.
On n’est donc pas dans un show, mais plutôt dans une plongée presque intime dans votre amitié, unis par le voyage ?
Sofyan: Exactement, ce sont des moments disparates : un souvenir drôle, un autre touchant, un truc insolite, parfois plus spirituel… C’est un mélange qui raconte la vie telle qu’elle est au travers de nos rencontres.
Seb: En Afrique du sud, on a découvert un mot qui résume bien cette série : « Ubuntu ». Qui veut dire : « Tu n’existes pas seul, tu n’existes que parce que les autres existent. » C’est ce qu’on a voulu transmettre en voyageant à deux, mais tournés vers les autres.
Pour vous deux, grands amoureux de l’écriture et du montage, c’était un exercice de lâcher-prise d’apparaître à l’écran de manière aussi spontanée ?
Seb: Clairement. On est des mecs qui aiment quand tout est carré : nos contenus sont écrits, scénarisés, toujours très travaillés. Là, c’était différent : on s’est autorisés des moments de liberté et de pure spontanéité où on se laisse surprendre. Franchement, c’était libérateur. C’est important aussi que les gens nous voient comme ça : moins dans le contrôle, plus dans le lâcher-prise, c’est tout aussi cool.
Sofyan: Dans l’époque actuelle et les attente des formats, pensés pour les réseaux sociaux, c’est un peu une rééducation pour nous : accepter que tout ne doit pas être plus grand, plus fort, plus fou.
« UNE ODEUR, UNE RUE, UNE BABIOLE… ÇA PEUT TE MARQUER À VIE »
Qu’est-ce que c’est, pour vous, un « souvenir » ?
Sofyan: Peut-être la chose la plus importante dans une vie. Tout, même l’échec, devient un souvenir. Parfois tu crois vivre un moment incroyable et tu l’oublies. Et d’autres, beaucoup plus simples, te marquent à vie. Une odeur, une rue, un objet… ça n’a de valeur que pour toi, alors, quand en plus tu le partages avec quelqu’un, ça devient un lien indéfectible.
Pourquoi avoir choisi les objets pour raconter vos souvenirs ?
Seb: C’est une façon de cristalliser la mémoire : un hommage au souvenir, incarné par un objet parfois pas très sexy, mais chargé de sens. Aujourd’hui, tout est dématérialisé : tu pars en vacances, tu prends tes photos, tu balances un dump sur Insta et basta. Alors qu’un objet posé sur l’étagère de ton oncle, qui a une histoire sans queue ni tête… ça, c’est précieux. Avec Souvenirs, on voulait retrouver ça : redonner une matérialité à la mémoire.
Vous aviez déjà voyagé ensemble ?
Sofyan : Beaucoup ! On était même allés en Inde il y a dix ans pour un projet. Et depuis, on a nos entreprises, nos petites vies, et on commençait à moins partager de moments forts comme ça. Donc, il fallait que ça réexiste, il fallait qu’on re-bouge ensemble, qu’on re-voyage ensemble. C’était un peu l’idée de départ. Et de fait, étant donné qu’on est créateurs de contenus et qu’on a la chance d’avoir des outils de production ainsi qu’un diffuseur qui peut nous accompagner, on a pris le luxe de se dire « faisons-le et filmons-le ».En fait, on a transformé cette idée perso qui était juste de se retrouver… en un projet qui nous tient d’autant plus à cœur que le fil rouge, c’est notre amitié.
La série est produite pour Canal +, pourquoi avoir choisi ce format d’exploitation ?
Sofyan : Vu l’ambition du projet, c’est-à-dire faire une série consistante, nous ne voulions pas nous perdre et honnêtement, on a très vite compris qu’on aurait besoin d’être accompagnés pour ne pas faire les erreurs classiques. La série, mais surtout le documentaire, est un exercice vraiment différent et nouveau pour nous.
Seb : On a vu pas mal de diffuseurs, et c’est Canal qui a cru en nous. Comme on a grandi avec leurs formats, c’était presque un honneur que le projet les touche. Ils ont été hyper ouverts : on leur proposait nos idées farfelues, ils disaient « faites-le, on verra ». La liberté de ton, de rythme, de créativité, ce n’est pas un mythe, ils nous l’ont vraiment laissée. On aurait pu aller voir une grosse plateforme américaine, mais elles auraient imposé leurs codes et ça aurait dénaturé notre vision. Canal, eux, nous ont surtout apporté leur expérience : rendre fluide une série en huit épisodes, c’est un vrai savoir-faire, et ce n’est pas donné à tout le monde.
Quel a été le leitmotiv en travaillant sur la série ?
Sofyan : Essayer d’être le plus proche possible de la vérité en retranscrivant au mieux ce qui a été vécu. Y compris, parce que ça reste du voyage, tous les imprévus auxquels on se trouve confrontés.
Tout en essayant d’éviter les scènes trop attendues…
Sofyan : Oui, montrer la street-food à New Delhi peut vite devenir un cliché. Est-ce que ça sert de montrer cette réalité-là avec notre filtre d’occidentaux ? Ou y a-t-il d’autres choses à découvrir ? Donc le twist – quand on est à New Delhi, avec énormément de monde, la chaleur, les voitures de partout, on n’entend rien –, c’est qu’on veut tenir le stand. Le but de la série, ce n’était pas du tout d’être éducative, mais, in fine, à force d’essayer des trucs, on en apprend beaucoup. Donc là, on a appris à préparer des plats dans la rue.
Seb : Et on a eu des clients ! En vrai, je me dis « putain, j’ai vendu des sandwichs dans les rues de New Delhi ». Le plus cool, ça a été de comprendre la recette du « Chaat Fruit ». En gros, c’est une espèce de patate mélangée à des fruits. Avec des épices, du sucre, du citron… Bon, on a raté la recette, mais ils avaient quand même l’air d’apprécier.
Vous vous connaissez depuis onze ans. Comment vous êtes-vous rencontrés ?
Sofyan : Sur Internet, on faisait la même chose. On vient d’une époque où, mine de rien, il n’y avait pas énormément de gens qui faisaient ce qu’on faisait. Les premiers qui commençaient à faire des vidéos sur Internet, se contactaient logiquement entre eux.
Seb : On s’est rencontrés pour de vrai lors de l’organisation d’une convention. Il y avait tous les créateurs de contenus français, donc une vingtaine quoi… Et entre nous deux, ça a matché direct. Moi, j’avais mon premier appartement à Paris, fraîchement acquis après avoir quitté la Dordogne.
Sofyan : Et son appart parisien est rapidement devenu mon pied-à-terre. Je venais de Nîmes et dès que je montais à Paris, je dormais chez Seb.
Seb : Lui et Maxence (youtubeur des débuts devenu chanteur, ndlr) ont dû vivre un an chez moi. C’était un pied-à-terre pour tout le monde : si tu passais à Paris, tu dormais à la maison, le temps que tu veux. C’était un peu la coloc du début d’une partie du YouTube français. Plein de gens sont passés par cet appartement.
Sofyan : Son appart, c’était l’épicentre du YouTube français !
Maintenant, avec les carrières que vous avez – et après toutes les expériences dans lesquelles vous vous êtes lancés en dix ans –, comment vous définissez-vous ?
Sofyan : Avant toute chose, on est des créateurs de contenus. Même si le mot n’est pas joli, c’est ce que nous faisons. Avant, en effet, youtubeur, c’était la création de contenus seulement pour cette plateforme. Maintenant, le contenu est partout. Le pricipal, c’est que nous restons des esprits créatifs.
Seb : Tout ce que fait un créateur de contenus frôle parfois le taf entrepreneurial, parfois le travail artistique – mais c’est toujours une forme de création.
Tous deux, vous êtes des « digital artists » ?
Seb : Mais voilà, des digital artists en vadrouille ! Ça devrait être ça le terme pour des créateurs comme nous ! Mais il y a un truc un peu chelou en France où tu n’as pas envie de te définir artiste. Donc, c’est un nom qu’on ne peut pas se permettre d’utiliser.
Pourtant, certains de vos contenus sont artistiques.
Seb : J’espère. En tout cas, c’est ce qu’on essaie de faire. En ce qui me concerne, une vidéo un peu touchante, homemade, où le truc est crafté et que la personne y a mis son âme, je vois ça comme un produit d’art. À partir du moment où tu parles vraiment de toi-même, que tu es sincère, et que tu essaies de raconter quelque chose avec un message et des émotions, je trouve que c’est une démarche d’auteur. Que ce soit de la vidéo, de l’écrit ou une oeuvre d’artiste plasticien…
Vous êtes depuis toujours dans une forme de storytelling.
Seb : Absolument. En fait, on construit les histoires d’une manière à ce que la personne qui regarde soit suffisamment en immersion pour ressentir des émotions…
Et comment avez-vous vu ce secteur évoluer au fil des années ?
Sofyan : Nous, on était aux prémices de la chose. Maintenant, ça va mille fois plus vite. Avant, une tendance sur internet durait plusieurs années. Puis c’est tombé à six mois et maintenant 48 heures. À peine arrivée, tout devient has-been !
Seb : Au début, il y avait vraiment une notion de famille, on se connaissait tous, c’était un peu magique. Aujourd’hui, c’est une industrie. C’est un peu triste, mais c’est le cycle normal de n’importe quelle innovation qui explose. La télé a dû connaître la même histoire : quelques pionniers, puis des générations qui s’empilent petit à petit, l’audience qui montent, les nouveaux acteurs qui entrent en jeux et ça devient une grosse machine.
Quel est le secret pour continuer à être au top et à prendre du plaisir ?
Sofyan : Je crois qu’il faut s’écouter, s’amuser et ne pas être trop gourmand. On a toujours suivi ce qui nous paraissait cool à l’instant T sans se laisser trop influencer par une stratégie de tendances alambiquée. Sur Internet, les gens n’aiment pas que tu tires sur un fil juste parce que « ça marche », sans aimer ce que tu fais.
Seb: D’ailleurs, ce qui le font ne tiennent jamais longtemps.
On sent que vous ne produisez que des contenues, qui vous passionnent.
Seb : J’ai parfois pris le temps de réfléchir à ce que je voulais vraiment, et ça m’a évité pas mal d’erreurs. Ça m’a permis de me réajuster, avec mes envies comme avec celles du public. L’essentiel, c’est d’être confiant, mais aussi assez lucide pour entendre quand quelque chose cloche. Le vrai danger, c’est de se laisser griser quand ça marche et de foncer tête baissée. En vrai je crois que c’est le cas sur tous les aspects de nos vies.
Sofyan: Si tu sors un truc qui ne te ressemble pas ou que tu t’affilies a une entité un peu vaseuse, les gens le sentent direct et là, c’est vraiment cringe.
Justement, en grandissant avec votre carrière et en étant très exposés, comment avez-vous appris à gérer votre rapport aux marques ?
Seb: Évidemment, on choisit bien : ça dépend des valeurs. Personnellement, je mets direct de côté les marques qui ne me parlent pas. Par contre, les sponsors sont nécessaires, je suis accompagné sur chacune de mes créations de contenues par des partenaires que j’aime.
Ça a toujours été compris par votre public ?
Seb: À l’époque, non, les gens hurlaient au scandale quand tu sponsorisais tes vidéos, on te voyait comme un filou. Mes premières OPs, c’était des fragments de secondes en douce parce qu’on essayait de camoufler, mais ça ne marchait jamais donc ça agaçait tout le monde…
Sofyan : Au début, c’était dur : personne ne comprenait l’économie du truc. Mais génération après génération, ça s’est démystifié. Aujourd’hui, tout le monde sait comment ça marche : derrière une vidéo YouTube, il y a une économie, des rouages, et ce n’est plus un secret pour personne.
Aujourd’hui, il y a une espèce de transparence absolue ?
Seb: Aujourd’hui, créer du contenu est tellement accessible que tu es obligé de comprendre l’économie derrière. Et c’est génial : des gamins de 14 ans ont déjà les clés que nous, on n’avait pas. Ils savent ce que sont les frais de société, comment ça tourne… alors que nous, quand on a monté nos structures, on n’y connaissait rien.
Il me semble que vous avez aussi eu d’autres projets entrepreneuriaux ensemble ?
Sofyan: Les gens ne le savent pas, mais on a tenté un milliard de trucs. Et c’est même rare que ça aille jusqu’au bout. On a monté une agence de pub, bossé sur des concepts… À deux, ou avec d’autres associés. On avait même créé une appli où tu pouvais scroller des vidéos verticales avant TikTok…À l’époque, personne n’y croyait.
Seb : On a partagé tellement d’idées et d’amour de la création, que, même quand ça ne donnait pas quelque chose de concret, ça nous a toujours stimulé.
Et vos envies pour la suite ?
Seb: Je pense que l’un comme l’autre, cette série nous a permis de comprendre pas mal de choses. On a passé des années à écrire, cadrer, contrôler. Mais parfois, se laisser surprendre par le moment, ça suffit.
Sofyan: On aimerait vivre encore plus de surprises, de respiration et de liberté, pour aussi apporter cette énergie à nos créations. Être 100% soi- même, je pense que c’est vraiment ça l’idée.
Entretien Max Malnuit
Photos Axel Vanhesshe
DA Matthias Saint-Aubin
Stylisme Anaïs Dubois
Makeup Shana Montier
Souvenirs, le fabuleux voyage de Seb et Sofyan
Le 15 et 29 octobre 2025 à 21h sur Canal+ et disponible sur l’application Canal+