ZZZ… ZZZ… ALLÔ POKÉMON DODO ?

ALLO POMEMON_269 technikart

Grâce au nouveau jeu mobile Pokémon Sleep, dispo cet été, vos marmots pourront bientôt poursuivre leur insatiable quête d’abrutissement en dormant. C’est pas super, ça ?

« Votre routine du soir vous ennuie ? Vous pouvez désormais rendre votre sommeil divertissant avec Pokémon Sleep ! » Si le monde des rêves était l’une des dernières zones intouchées par la main du capitalisme cognitif, la méga-franchise Pokémon a trouvé la solution pour y remédier. Après avoir généré plus de 100 milliards en une vingtaine d’années avec des créatures adoptées par toute une génération, et un univers décliné sur tous les formats, Pokémon veut pénétrer nos songes, et nous faire jouer en dormant. Peut-être se seront-ils inspirés des « sleepfluencers » de TikTok ou Twitch, qui gagnent jusqu’à 30 K par mois en proposant à leur audience de troubler leur sommeil contre du fric… À l’inverse, on attrape ici des Pokémon en fonction de la qualité de son « dodo », classé en trois catégories : Ptidodo, Bondodo, Grododo. Comme c’est mignon.

COSPLAY ALEXA

Pour jouer, il faut dormir avec le bigo sous l’oreiller, pour « enregistrer et mesurer votre sommeil », mais il est aussi possible d’acheter un boîtier connecté en forme de Pokéball, à garder dans le lit. Cet artefact « vous permettra d’entendre la voix adorable et familière de Pikachu », qui « vous préviendra quand il sera l’heure de vous lever ou d’aller vous coucher. » On va donc tenter d’habituer des gamins à dormir avec une sorte d’assistant vocal grimé en Pikachu, qui leur susurre des consignes à suivre. Aura-t-on bientôt dans nos lit des versions cosplay de l’assistante virtuelle Alexa ? Après être arrivés dans nos salons via la télé, puis dans nos chambres via l’ordi portable, la société du spectacle poursuit son ingression jusque dans nos plumards, via les smartphones et objets connectés. Nous autres travailleurs de la donnée – inconscients de notre état – pouvons donc enfin bosser sur nos heures de sommeil.

DOUBLE VISAGE

Car si l’objectif affiché est de nous inciter à mieux dormir, l’objectif dissimulé est surtout d’aspirer nos données. Et il y a du précédent chez Niantic, le développeur du jeu, également derrière Pokémon Go. Son patron est John Hanke, ancienne éminence grise de Google Earth et Google Maps, ayant été financées par la CIA, et qui a trempé dans le scandale Wi-Spy – les voitures de Google Street View qui aspiraient les données des réseaux Wifi sur leur passage. John Hanke est un homme qui aime valoriser l’inattendu. Il a déjà transformé notre planète en business avec Google Earth. Il a réussi à faire parcourir des dizaines de milliards de kilomètres aux joueurs de Pokémon Go, les transformant en caméra de surveillance sur patte. Et avec Pokémon Sleep, il surfe sur la vague du techno-hygiénisme moderne, et nous offre un beau cheval de Troie de vertu. Prochaine étape, la gamification de la mort ? Mortel !

 

Par Jean-Baptiste Chiara