RESPECT, ÉGALITÉ, GALIPETTES… BIENVENUE DANS UN MONDE QUI SAIT KEN

monde qui Ken

C’est bien connu, les plus grandes révolutions se font au pieu. fini, les coups d’un soir bancals, fini, les « friends with benefits » décevants… depuis le phénomène barbie, la sex life de chacun et chacune obéit à un nouveau contrat, plus équilibré, plus soft et plus franc. où est-ce qu’on signe ?

Tout commence quelque part vers mai dernier, un peu avant, ou bien après, (j’avoue avoir perdu la notion du temps lorsque les journées se sont rallongées et que 25 degrés est devenu frisquet). Mais même si l’exactitude de ma mémoire est à discuter, je me rappelle très bien être tombée sur cette affiche promotionnelle du film Barbie de Greta Gerwig : « Elle c’est Barbie, lui c’est (lire « sait ») juste Ken ». Je me souviens surtout m’être dit petit 1) que le jeu de mot était bien trouvé et d’avoir, petit 2) grommelé : « Si seulement c’était vrai… » Un peu plus tard, en juin (ou toujours en mai ?!) un sondage IFOP se retrouve dans toutes mes veilles d’actualités. « La Gen Z (jeunes de 18 à 24 ans) fait moins l’amour qu’avant ». En fait, c’est carrément 43 % d’entre eux qui n’ont pas couché durant l’année 2022. Au même moment, Le Point et Cluster 17 sortaient leur enquête « La sexualité des Français » basée sur un échantillon de 1600 personnes. Les jeunes femmes Gen Z interrogées y affirment à 52 % « sans importance » le fait d’avoir des relations sexuelles. Les questions fusent. Les jeunes sont-ils sexuellement mieux servis par eux-mêmes ? Le sexe (hétérosexuel) est-il trop compliqué à concilier avec l’égalité ? Le surplus de choix propulsé par les applications a-t-il tué la libido de la jeunesse ?

Mais si elles sont plus de la moitié des jeunes femmes françaises à se passer de sexualité, quelque chose a bien dû se passer. Ce sont donc vers elles que nous nous sommes tournées. Les filles, pourquoi on arrête de coucher ?

SEXE ET PETITS DÉSASTRES

Dans les films américains, le passage à l’âge adulte tient en trois choses distinctes, mais étroitement liées : la graduation, la première voiture, et le sexe décomplexé. Sauf que depuis quelques années, un délaissement est aussi remarqué du côté du permis de conduire. Alors que coucher et conduire la fenêtre ouverte représentaient le Graal de la liberté pour une génération pas si éloignée c’est à se demander : la Gen Z a-t-elle arrêté de rêver ? Iris, 24 ans, en master de Science Politique à la Sorbonne, préfère saisir la piste de la perte d’insouciance. À ce sujet, Flore Cherry, journaliste spécialisée sexo et amour ajoute qu’ « il s’agit d’une génération qui comme jamais auparavant s’est trouvée confrontée aux enjeux du monde, et à ses réalités. L’écologie, le Covid, l’égalité des sexes, des salaires, les luttes politiques … Rien n’est plus léger ». Cette perte de légèreté, Iris la ressent particulièrement lorsqu’il est question de rencontres via des applications. Bien que dans l’étude Le Point et Cluster 17, 56 % des jeunes de 18 à 24 ans affirment avoir recours aux applis, l’idée du coup d’un soir Hinge reste plus attrayante que ne l’est parfois la réalité selon la jeune femme. « Je veux dire, on a tous regardé le docu du Tinder Swindler (documentaire Netflix sorti en 2022, racontant l’histoire d’un escroc notoire qui aurait utilisé l’application de rencontre Tinder pour vivre une vie de luxe tout en escroquant des femmes à travers l’Europe, ndlr), ou entendu toutes les histoires d’arnaques, trafics d’organes et tout ce qu’il y a de plus glauque. J’avoue que je préfère connaître un minimum mon partenaire pour m’éviter les détraqués », plaisante Iris avec une pointe de sincérité. Pour Capucine, diplômée de marketing à l’UQAM (Université du Québec à Montréal), à la perte d’insouciance sexuelle de la Gen Z, s’ajoute aussi la responsabilité face aux risques de santé. « C’est plus de risques qu’autre chose, quand on y pense, de coucher avec quelqu’un qu’on ne connaît pas vraiment. Les IST, les agressions, les pratiques forcées… Ce sont des choses qui existent, qui font peur et repoussent aujourd’hui », déplore la jeune femme de 22 ans en se pinçant les lèvres avant d’ajouter l’index levé que : « Quand même, un coup d’un soir de temps en temps ça peut être sympa ! Le coup d’un soir n’est pas le problème finalement. Le problème sont les règles établies de ce dernier. Je ne veux juste plus baisser mes attentes. »

power couples
POWER COUPLES_
À trois siècles de différence, Barbie (à gauche) et Catherine II (à droite, dans la série The Great), ont secoué les codes de la relation amoureuse – et sexuelle (« quand je veux, et si je veux »). Pas de panique, les gars, c’est aussi pour vous qu’on fait ça.

 

LA HOOK-UP CULTURE A TROP DURÉ

Le sex-friend a connu la consécration dans les années 2010. Les films Sexe entre amis avec Mila Kunis et Justin Timberlake, ou Sex Friends avec Nathalie Portman et Ashton Kutcher en sont les démonstrations de pop-culture les plus probantes. Le fait que ces deux films soient sortis à tout juste quelques mois d’intervalle prouve dans quelle atmosphère sexuelle se trouvaient à cette époque les Millennials. Mais « le sexfriend a mal vieilli » affirme Flore Cherry. Le deal était clair : casual sex ; sans attache, sans sentiment, sans promesse. En gros, on couche ensemble, c’est bien le temps que ça dure, mais pour l’amour du ciel, pas de pathos ! Un état d’esprit difficilement concevable aujourd’hui.

triangulation sexuelle
TRIANGULATION_
Dans le prochain film de Luca Guadagnino, Challengers, Zendaya, en joueuse de tennis surdouée, montre que la prise de pouvoir commence au pied du lit. Rise and shine, ladies.


« On revient de la hook-up culture (de brèves rencontres sexuelles sans engagement entre des personnes qui ne sont pas des partenaires romantiques ou qui ne se fréquentent pas, ndlr) qui ne véhiculait pas beaucoup de considération. Normalisées par le boom des applications de rencontre, je pense que le respect et le plaisir n’étaient pas forcément au rendez-vous de ces pratiques. Il y a une sorte de déception du coup d’un soir ou du sex friend, qui n’a pas tenu ses promesses », ajoute la spécialiste. Pour Capucine « le modèle sur lequel on a bâti notre sexualité (nous les filles), ce n’est plus vraiment ce à quoi on veut aspirer. Tout le monde sait aujourd’hui à quel point l’accès au plaisir est différent pour les femmes en comparaison aux hommes. Si on couche pour “un coup d’un soir”, on le fait rarement pour assouvir une pulsion ou pour jouir, c’est même plutôt souvent la conclusion inverse. Alors faire semblant pour quelqu’un qui ne nous apprécie pas vraiment, et qui ne nous rappellera sûrement pas le lendemain… Franchement, je pense qu’on n’a plus trop envie », analyse la jeune femme de 22 ans qui a souvent été blessée par des situations de ce genre. Iris ajoute dans la lignée de Capucine que « nous sommes une génération assez portée sur la santé mentale et l’épanouissement personnel. Alors c’est un peu étrange lorsqu’on commence à s’aimer et se célébrer en tant que femme de laisser quelqu’un qui ne nous estime pas vraiment nous traiter comme il le souhaiterait. Pas vrai ? » À méditer.

 

« JE NE DIRAIS PAS QUE JE COUCHE MOINS, MAIS PLUTÔT QUE JE COUCHE MIEUX… » 

 

COUCHER MOINS, COUCHER MIEUX

S’assurer une sexualité légère mais respectueuse, papillonnante mais satisfaisante…Ce n’est pas une mince affaire. Une chose est sûre : le sexe, c’est la liberté ! Si tant est que le plaisir soit partagé. « Maintenant, je n’ai plus honte de mettre mes bases », assure Capucine. « En fait, je ne dirais pas que je couche moins, mais plutôt que je couche mieux , ajoute la jeune femme. Je dis ce que j’aime, ce que je n’aime pas pour m’assurer au moins un bon moment. (…) D’expérience, à part si on tombe sur le plus immature du quartier, le message passe plutôt bien et au contraire débloque un peu l’aspect impersonnel du casual sex. Les mecs aussi sont en quête de repères ». Ce sur quoi met le doigt Capucine, c’est précisément ce qui a valu (entre autres) de vives critiques au Barbie de Greta Gerwig. Le succès Warner Bros (1,34 milliard au box-office) dépeint les mecs comme idiots, stupides, ridicules… En somme, des imbéciles heureux qui ne se sentent pas concernés, et qui même s’ils le souhaitaient seraient trop bêtes pour y prétendre. Mais c’est tout le contraire que la jeune génération souhaite impulser. La communication s’invite dans les relations hétérosexuelles de la Gen Z.

Alors même si « ce n’est que Ken », avec Barbie à ses côtés et sans avoir à être dans des draps roses édulcorés, les parties de jambes en l’air seront enfin placées sous le thème de l’égalité.


Par Carla Thorel
Photos Jeanne Pieprzownik

 

LE NOUVEAU CONTRAT DE L’ÉGALITÉ SEXUELLE

Je soussigné(e) ………………………………. m’engage à :

  1. Ne pas zapper la phase séduction : avant toute chose, je n’oublie pas les classiques old-school comme le pied sous la table, le ping-pong de regards, le rire stupide… Ce sont des essentiels.
  2. Faire dans la finesse : même si j’ai fini ma soirée de la veille avec un(e) inconnu(e), je suis élégant(e), je lui prépare un smoothie anti-gueule de bois, et je lui demande s’il ou elle a bien dormi.
  3. Être philo-sexuel : c’est vrai, je n’ai pas atteint le septième ciel, mais ce n’est pas une raison pour me comporter comme un(e) malpropre. Je rentre chez moi, je relis Marc-Aurèle et je relativise : il n’y a pas que le coït dans la vie. 
  4. Ne négliger aucune zone érogène : elles sont propres à chacun(e). Potasser les manuels d’éducation sexuelle, c’est une chose, les appliquer avec circonspection, en est une autre. J’écoute et je dirige aussi, pour atteindre le nirvana en osmose avec l’autre.
  5. Ne pas être un message crypté : plutôt que de « cultiver le mystère » et de laisser l’autre deviner en ramassant ci-et-là des signes que je brouille consciencieusement, je le dis, tout simplement.
  6. Être picky (mais pas trop) : je peux exiger le meilleur pour moi (parce que je le vaux bien), mais je ne juge pas le bodycount de mon ou ma partenaire(s).
  7. Penser au plaisir de l’autre et de jouir de celui-ci : j’ai conscience que le sexe auto-centré n’est plus à l’ordre du jour : place au sexe en harmonie où le plaisir de l’autre est au centre du plaisir tout court.

Fait à ……………., le ……/……/…….

Signature précédée de la mention « lu et approuvé » :