Le chorégraphe Rachid Ouramdane dirige Chaillot – Théâtre national de la Danse depuis 2021. Partenariat avec Poush et ouverture du théâtre à l’art populaire sont ses maîtres mots. Interview face à la tour Eiffel.
Vous défendez l’ouverture du palais à l’art populaire. Quelles sont ses manifestations contemporaines ?
Rachid Ouramdane : « Culture populaire », c’est un mot un peu daté. Aujourd’hui, je parle plutôt de « culture pop » : vivante, avant-gardiste, revendicatrice. À Chaillot, ça veut dire accueillir le voguing de Lasseindra Xclusive Lanvin ou la Coupe du monde de danse électro. Le populaire, ce n’est plus une affaire de classe, c’est créer des liens entre la culture classique les cultures émergentes dont beaucoup sont liées à la révolution numérique
Comment créer le dialogue entre les réseaux sociaux et Chaillot ?
Les réseaux sociaux sont une autre scène. Avec Chaillot – Expérience et le Trophée Danse & Diversité avec la fondation Culture et diversité, on crée des passerelles entre le plateau et le digital. L’idée, c’est de faire dialoguer ces mondes en donnant la parole à celles et ceux qui inventent de nouvelles formes, en ligne comme sur scène.
Apprend-t-on à agir différemment lorsqu’on arrive à la tête de l’unique théâtre national consacré à la danse, Chaillot ? Vous étiez auparavant directeur du CCN2 de Grenoble.
J’ai beaucoup appris au CCN2. C’est un territoire complexe, avec des lieux enclavés et une ville contrastée. J’ai aimé y développer des projets, comme des colonies de vacances artistiques pour les jeunes qui ne peuvent pas partir, ce que j’ai amené ici (Chaillot Colo, ndlr). Toute cette façon « d’aller vers », en démultipliant à l’égard des habitants les propositions artistiques, a construit mon parcours.
Quand en 2023, vos subventions ont été coupées, quelle a été votre réponse ?
Quand les subventions ont baissé, on n’a pas cherché à se plaindre, mais à s’adapter. L’effort a été collectif : toutes les équipes ont réfléchi à d’autres manières de produire, de diffuser, de partager. On maintient nos engagements dans les quartiers populaires – les jumelages, les projets comme le festival En Cage, dans le cadre d’un jumelage territorial avec Angoulême par exemple. Côté création, on repense aussi nos décors, pour qu’ils soient plus légers, moins coûteux à fabriquer et plus faciles à faire voyager. Et avec la Fondation de Chaillot, on développe de nouveaux partenariats pour soutenir ces projets autrement. Finalement, c’est une contrainte qui nous pousse à inventer de nouvelles solidarités.
Comment ?
Les coupes budgétaires nous obligent à repenser nos manières de faire, mais pas à renoncer. À Chaillot, on essaie de transformer ces contraintes en moteur de créativité. On mise sur des formats plus souples et sur la circulation des œuvres et des artistes. On développe par ailleurs notre laboratoire numérique CALIPSO car une nouvelle économie de l’immersion en ligne se développe.
Il y a trois ans, vous avez fait naître le partenariat entre Chaillot et Poush. La genèse de cette collaboration ?
Avec les rendez-vous Chaillot Invite, nous inventons de nouveaux projets avec des partenaires venus d’horizons différents – de la Maison des Pratiques Artistiques Amateurs de Paris, aux Inrocks, du Centre Pompidou à POUSH pendant la semaine d’Art Basel, ces invitations permettent aux publics de découvrir des œuvres inédites dans un cadre différent.
Vous avez été l’un des cinq chorégraphes de la cérémonie des JO. Qu’avez-vous à répondre à ceux qui l’ont trouvé woke ?
Ce que Thomas Jolly a fait, c’est de défendre une nation qui continue de revendiquer et de célébrer sa dimension plurielle et égalitaire. Reconnaitre la différence et dialoguer avec elle, la mettre en scène pour apprendre à vivre ensemble, c’est un effort, à la limite un acte de résistance qui est profondément nécessaire aujourd’hui.
Par Alexis Lacourte
Photo Michael Huard




