R.I.P, LE GAP DE LA SORBONNE ?

Quand ils ont fermé le magasin GAP du centre commercial Créteil-Soleil, nous n’avons rien dit, nous n’allions jamais à Créteil-Soleil. Quand ils ont fermé le magasin GAP de la rue de Rivoli, nous n’avons rien dit, nous n’allions jamais rue de Rivoli. Quand ils ont fermé le magasin GAP de la place de la Sorbonne, il ne restait plus personne pour protester à part nos chroniqueurs Sacha et Augustin…

Il y a quelques semaines, le magasin GAP de la place de la Sorbonne fermait définitivement ses portes, pour laisser place à King Jouet. Nous, intellectuels, sommes effarés.
Là où s’élevait la liberté, la création, se prélassent désormais des peluches Simba et R2D2, papattes et mains bioniques liées au service de l’américanisation galopante du quartier latin sous les oripeaux du ludisme tout-puissant d’une civilisation dégénérée.
King.
Jouet.

Non content de s’en prendre à nos retraites, les tarés aux commandes ont donc ouvert la voie à la monarchisation ludocrate de nos enfances.
Où sont les anciens étudiants de la Sorbonne, les Sartre, les Scorsese, les Zidane ? Ils se retournent dans leurs tombes.
Des peluches, place de la Sorbonne… Mais vous avez quel âge, Madame Hidalgo ?

Déjà avec la fermeture de Delaveine on avait pris un sacré coup sur la gueule, mais avec Gap, c’est toute l’âme du quartier qui s’en est allée.
Pas envie d’être tristes ce soir, et pourtant…

Pourtant le constat est glaçant, surtout pour ceux comme nous qui viennent du retail : il n’y a désormais plus aucun magasin d’habits place de la Sorbonne à part les totebags Vrin.
Et puis avec Gap, c’est aussi Gap Kids qui a disparu, et il n’est plus rare désormais de croiser sur la place des hordes de mômes nus, frigorifiés, mendiant quelque guenille à des pédophiles soixante-huitards se paluchant au reflet des vitrines empeluchées.
Alors, de quoi King Jouet est-il le nom ?
Qui est donc ce « roi » ?

C’est Gabriel Matzneff.


Par Sacha Béhar et Augustin Shackelpopoulos
Illustration Hélène Guimberteau