POURQUOI LES HOMMES PRÉFÈRENT LES GROSSES*

les hommes préfèrent les grosses

*LÈVRES, BIEN SÛR_ Comme le dit Lucasdorable  (ci-contre) : « Les femmes n’ont plus le monopole de la chirurgie esthétique. » Vive les injections pour tous ?

Terminé de voir des femmes botoxées sur tous les posts Instagram : aujourd’hui, place aux hommes ! Les barrières sautent de plus en plus ces dernières années pour le sexe masculin qui, lui aussi, a des complexes à corriger. Technikart passe au bistouri ce phénomène. 

Perché sur ses cuissardes à hauts talons, la démarche droite, le regard fier mais avec le sourire, Lucasdorable, comme il se fait appeler, s’avance pour me parler de lui. À 22 ans, il est le nouveau visage de la gent masculine, il bouscule les codes sur les réseaux sociaux et s’arme de son humour décoiffant pour s’assumer pleinement. À commencer par la médecine esthétique à laquelle il a eu recours malgré son jeune âge. « J’ai toujours été honnête par rapport à la médecine esthétique. J’ai voulu avoir des grosses lèvres parce que je n’en avais pas. Je me contentais de tricher avec le maquillage, puis j’ai eu l’occasion de pouvoir en avoir de plus grosses, donc je l’ai fait. » Il me dit y avoir eu recours pour s’aimer mieux, s’embellir. Résultat : il arbore une bouche plutôt proéminente sous son rouge à lèvres mat et ses pommettes saillantes, qu’il trouve déjà presque dépourvues de leur acide hyaluronique. Sachant que le produit de synthèse que l’on injecte est identique à celui créé par le corps, son efficacité se limite à quelques mois pour une moyenne de… 400 euros. Oups. 

JEUNISME EN FORCE

Mais si Lucas n’a aucune honte à le montrer et à en jouer, d’autres hommes sont beaucoup plus pudiques sur la question, bien qu’ils soient de plus en plus nombreux à se tourner vers cette médecine. Il le sait très bien, il chamboule les codes de l’homme « viril ». Ce n’est pas pour autant qu’il en fait la promotion. Pour lui, les injections ne sont pas des « seringues magiques », il en parle en toute transparence pour permettre d’aiguiller les gens le plus intelligemment possible.  Ce qui ne l’empêche pas de sentir un changement général : « Les hommes prennent davantage soin d’eux et sont plus préoccupés par leur physique. Dans la com’ c’était plus la femme qui était censée prendre soin d’elle. Alors que non, tout le monde peut le faire. Et les hommes commencent à s’en rendre compte ». Effectivement, d’après l’American Society of Plastic Surgeons, le nombre d’hommes qui font des injections a augmenté de 99 % en 20 ans : plastic is in (ce n’est pas très Greta tout ça…) ! 

Ce qu’approuve notre spécialiste Alexandre Duvernois, chirurgien esthétique tourné vers la greffe capillaire. À la fameuse clinique des Champs-Elysées, passage obligatoire pour tout candidat de télé-réalité qui se respecte, il voit un nombre croissant d’hommes débarquer, et pas seulement à cause des réseaux sociaux. « Pour les hommes, le tabou saute notamment depuis la crise sanitaire. Les gens veulent être beaux. Avec le télé-travail, ils ont pris un peu de poids, ils voient leur tête dans les miroirs, leurs défauts… » Pourtant, rien de narcissique là-dedans : c’est purement cérébral. Notre cerveau s’habitue à l’image que l’on renvoie sur Zoom et les écrans à longueur de journée. Une image de nous en action, plus seulement figée parfaitement en selfie. Se débarrasser d’une disgrâce physique ou du poids des ans n’est plus une préoccupation exclusivement féminine. « Avant, les hommes mettaient 300 euros dans une chemise qu’ils avaient du mal à fermer. Et ils se sont finalement dit “ma première chemise c’est mon corps”. Maintenant, ils enlèvent la graisse avant d’aller acheter leur chemise ! », assène le docteur. Il insiste bien sur le fait que chez les hommes ou les femmes, ce qui prend réellement de l’ampleur c’est ce phénomène de « jeunisme ». Mais pour lui, « la mode de la beauté » a toujours existé, « il n’y a que les critères qui changent, et la technologie. » 

DE LA DOUCEUR DANS UN MONDE DE BRUTES 

Au fond, une question subsiste. Mis à part la pandémie, l’influence des réseaux sociaux, les figures emblématiques comme Olivier Rousteing, pourquoi les hommes se mettent autant à la chirurgie esthétique ? Et qu’en reste-t-il à la fin ? La docteure Thérèse Awada pense qu’en plus de toucher à la surface du corps, cette médecine mobilise la part profonde de l’âme et atteint au plus loin notre intimité. Elle apporte un peu de douceur post-genrée dans un monde de plus en plus froid et brutal. La chirurgienne explique dans un entretien pour La Pause Philo : « Pour moi, l’élément fondamental, c’est le temps : entendre et accepter un diagnostic, ça prend du temps ; se réparer, ça prend du temps ; guérir, ça prend du temps. Si on veut des relations humaines, il faut du temps humain ». Il semblerait finalement que tout comme avec le maquillage pour Lucas, qui se sent « plus à l’aise avec huit litres de fond de teint sur la figure », la chirurgie n’est pas forcément un bouclier mais une manière de se sentir mieux dans sa peau. Finalement,  la chirurgie esthétique serait plus efficace qu’une séance chez le psy… à condition de bien vouloir considérer le prix psychique. Alors, vous aussi, vous êtes prêts à réparer votre corps et votre esprit ? 


Par 
Margot Pannequin
Photo Alexandre Lasnier