PIO MARMAÏ, ACTEUR AUGMENTÉ : « C’EST L’ULTIME POUVOIR… »

Pio Marmai

Bientôt superstar (et déjà supersmart), Pio Marmaï, 36 ans, est à l’affiche de « Comment je suis devenu super-héros », giga-production bénéficiant d’une diff’ internationale (merci Netflix), qui risque de le propulser dans le club très fermé des acteurs aussi art et essai que bankable. Entretien métaphysique. 

2021, l’année Pio Marmaï ? Acteur aussi cérébral que physique, à l’aise sur les planches (il aurait dû retourner au théâtre l’an dernier pour Le Misanthrope), comme sur les plateaux des plus grosses prods, notre coverstar a longtemps été le secret le mieux gardé du cinéma français. Cet « actor’s actor » (comme disent les Anglo-Saxons de ces comédiens surtout aimés de leurs pairs) aura à s’habituer à la reconnaissance grand-public très prochainement : celle-ci risque de lui tomber dessus d’un film à l’autre. Déjà que nous sommes 38 millions (!) à être tombés sous le charme de sa prestation dans la série En thérapie. Combien serons-nous quand l’ambitieux Comment je suis devenu super-héros, dont il tient le premier rôle, débarquera sur Netflix le 9 juillet ? Pour rappel, le film sera alors disponible  en streaming dans 190 pays : exposition instantanée. Sans oublier le métier : à quand un César (il a déjà été nominé à deux reprises) pour ce comédien tout-terrain ?

Nous le retrouvons un dimanche après-midi du mois de mai (sa seule dispo alors qu’il se trouve en plein dans un tournage, eh oui, encore un) à côté du studio de notre photographe. Et, comme à chaque fois que nous le croisons, il se montre affable, drôle (très) et pro. En un mot ? Supersmart. 

La dernière fois que nous nous étions vus, en fin d’année dernière, tu disais vouloir te réserver du temps avec ta famille, loin des plateaux, avant d’enchaîner les gros projets… 
Pio Marmaï : C’est ce que j’ai fait. Là, je sors de trois mois de tournage avec Tempête (de Christian Duguay), sur les courses de chevaux, c’était long. Et je commence D’Artagnan fin août (le premier des deux volets des Trois Mousquetaires que réalisera Martin Bourboulon pour Pathé, ndlr). J’y joue Porthos, celui qui met des coups de poing à tout le monde, et qui est assez drôle. Je ne serai pas tous les jours sur le plateau, j’aurai des plages de repos. Et puis, comme je suis un peu hyperactif, ça me fait du bien de travailler, aussi. 

Médecin de nuit d’Élie Wajeman, réalisateur que tu retrouves près de dix ans après Alyah, vient de sortir. Quelle est la principale différence entre le Pio Marmaï de 26 ans de l’époque et celui d’aujourd’hui ?
Oh putain ! Ça fait déjà dix ans ? Étonnamment, c’est passé extrêmement vite, car ma vie a été bien fournie en matière de travail, de rencontres… 

Mais encore ? 
Je me sens plus à l’aise dans l’univers dans lequel j’évolue et plus précis dans mon savoir-faire d’acteur. J’ai l’impression d’être mieux au service des metteurs en scène et je sais à peu près ce que je ne veux plus faire. Par exemple, certaines directions de films qui me plaisent moins aujourd’hui. Ceci dit, j’aimerais explorer tout ce qu’il est possible de faire en France.

Ce qui explique ta présence en tête d’affiche de Comment je suis devenu super-héros (de Douglas Attal), une prod à 15 millions d’euros, riche en effets spéciaux.  
C’est vrai que c’est une idée assez singulière. On a mis beaucoup de temps à développer le projet, que ce soit dans l’écriture, dans le montage, dans le tournage aussi. Il y a énormément d’effets spéciaux. 

Et tourner des scènes sur fond vert, c’est pas trop barbant ?
Je ne dirais pas ça comme ça. Il faut se projeter dans quelque chose de fini, c’est un exercice assez troublant qui demande beaucoup d’imagination à plein d’égards. 

Ta « première fois » sur fond vert, c’était pour le Santa & Cie d’Alain Chabat (2017) ? 
Absolument ! Enfin, c’était plutôt des fonds bleus, il y en avait tellement (comme Alain était lui-même vert sur ce film, on ne pouvait pas mettre de fond vert). La scène où l’on monte dans une montagne de cadeaux, tout était faux. Alors la « projection mentale », tu as intérêt à l’avoir. Tu es entouré de bleu, y a un mec avec un ventilateur en face de toi, et tu dois te dire : « Je suis dans un sapin de 900 mètres de haut fabriqué à partir de huit milliards de cadeaux »… C’était assez vertigineux, mais ça marche au montage. 

Alors que sur Super-héros, certains des effets spéciaux sont réalisés « à l’ancienne ».  
Oui, avec des effets spéciaux à base de câbles, etc., faits directement sur le plateau, pas en post-prod. Et du coup, tu découvres des métiers du cinéma que tu n’avais jamais vu avant.  

Pour Super-héros, tu faisais partie du projet depuis le début.
Douglas Attal m’avait envoyé le scénario deux ans avant qu’on tourne. Son projet a effrayé beaucoup de gens parce que c’était ambitieux, audacieux, un peu casse-gueule. Le film a failli ne pas se faire d’ailleurs. Au tout début du truc, on était juste deux : Douglas, dont ça allait être le premier long, et moi, avec un scénario toujours en écriture… Alors, le voir terminé – et en plus, le résultat est bon –, c’était un moment assez touchant. 

En ce moment, dès qu’un réal’ cherche un acteur pour un rôle un peu physique, il fait appel à toi. 
Ah ?

C’était le cas avec En liberté ! (2018) de Pierre Salvadori, même si le rôle se jouait avec énormément de second degré. 
Oui, il y avait pas mal de bastons. Mais c’est un autre rapport à l’action que dans Super-héros. En liberté !, c’était un film avec énormément de texte ; l’écriture de Salvadori est très complexe. Une comédie d’auteur écrite demande une technicité de langage assez pointue, une fluidité difficile à trouver. 

Tu fais comment ?
Je ne me moque jamais des personnages que je joue. Les propositions sont excessives, mais s’il n’y a pas d’empathie, si ce n’est pas incarné, ça ne fonctionne pas. 

Pour préparer Les Trois Mousquetaires, tu fais comment ?
Déjà, depuis janvier, je me suis mis au cheval : il y aura beaucoup de cascades et je n’aurai aucune doublure. 

Des cascades dangereuses ?
Si tu tombes, tu te fais rouler dessus par une dizaine de chevaux, alors… (rires.) Mais c’est payant : à l’image, c’est toujours impressionnant. C’est de l’ordre du pilotage auto : je n’ai jamais été dans la compétitivité, mais là tu te laisse prendre au jeu qui est assez grisant. 

Après le blockbuster sur Netflix, la super-prod Les Trois Mousquetaires… As-tu l’impression d’avoir franchi un cap professionnel cette année ?
Un peu, oui. Ma position n’est plus tout à fait la même qu’avant : je fais des films plus gros, j’ai plus de responsabilités… C’est déjà une chance exceptionnelle, mais je n’ai pas l’impression que ma vie change : je ne suis pas harcelé en permanence et j’ai toujours le même rapport au travail, aux choix que je fais. 

Ceux-ci ne changent pas ?
Fondamentalement, non. Après, quand on est sur une grosse machine, c’est agréable, aussi, de se dire qu’on n’est pas à cinq dans un 3m2 en se posant la question de comment on va gérer l’héritage de la grand-mère (rires). Je ne vais pas non plus me consacrer uniquement à des grosses prods, mais ça fait du bien de temps en temps. 

Tu as toujours enchaîné les rôles légers avec d’autres, plus sombres, comme Médecin de nuit qui vient de sortir. 
J’ai cette chance de pouvoir le faire et de pouvoir être assez loyal avec les metteurs en scène. Je me rends compte que je retravaille souvent avec les mêmes personnes. Là, je vais retravailler avec Salvadori, j’ai aussi retravaillé avec Élie Wajeman, avec Rémi Bezançon, et là je viens de retrouver Audrey Diwan pour son second film (L’Événement)… 

Tu continues à réparer des bécanes quand tu ne tournes pas ? 
Oui, même si je n’ai plus mon entreprise (Le Garage de M. Pickles à Aubervilliers, ndlr), je le fais pour moi, de manière intime. 

Tu as toujours la Gold Wing ?
Oh yes ! Avec le lecteur cassettes. Et là, je me suis acheté une moto de rallye. En fait, sur les tournages, il y a de longues phases d’ennui durant lesquelles tu attends. Et sur chacune, je me trouve une nouvelle passion fulgurante. Ça peut être les voitures télécommandées, les drones, les maquettes… Sur le dernier, je me suis passionné pour le rallye. Je regardais les vidéos techniques sur YouTube, je me projetais moi-même dans le désert…

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TECHNIKART 250


Entretien Léontine Behaeghel & Laurence Rémila
Photos Eddy Brière
MUHA Margaux Rousse Malpat