MORY SACKO : STYLE À LA CARTE

MORY SACKO

Il s’est d’abord fait connaître grâce à ses interventions lumineuses à Top Chef (2020), puis avec l’ouverture de son restaurant MoSuke en septembre 2020 (il obtient une étoile Michelin quatre mois plus tard). Rencontre avec Mory Sacko, le chef le plus stylé de Paris (la preuve, il est habillé par la Maison Valentino). Interview sur mesure. 

Tu as ouvert ton restaurant, aussitôt étoilé, juste avant le deuxième confinement. Prêt pour la réouverture ? 
Mory Sacko : On a ouvert les intérieurs le 9 juin mais on a encore des petits travaux à faire, il nous faut un peu plus de temps d’ici la rentrée de septembre…

Ces travaux étaient-ils déjà prévus avant ?
On les avait prévus pour cet été mais on profite de ce temps pour les faire maintenant. De toute façon on n’a pas besoin de plus de place pour l’instant : on fait de la street-food à emporter en ce moment, avec des burgers.

Et qu’ont-ils de si spécial, ces burgers ?
Déjà, le pain qu’on utilise, du pain bretzel, assez riche. À l’intérieur, on met du poulet frit à la japonaise avec de la chapelure panko et tempura : on garde un peu l’identité du restaurant. Ils sont accompagnés de frites de patate douce au paprika et d’une sauce cajun, en douceur.

Ce projet de street-food à emporter, MoSugo, est né pendant le confinement. Tu comptes le développer après ?
Absolument ! En tout cas, j’en ai envie. On va essayer d’ouvrir une première adresse avec ce nom dans le quartier, pour que je ne sois jamais loin. Ce serait au début de l’année prochaine. Puis on verra comment ça prend… 

Manteau en laine imprimé VLTN Times All over VALENTINO,
Veste 2 boutons et pantalon en laine à carreaux VALENTINO,
Chemise en popeline de coton blanc VALENTINO
Sneakers Crochet gris et kaki VALENTINO GARAVANI


Et d’autres projets sont-ils nés pendant le confinement ?
MoSugo, déjà ! Sinon, surtout rouvrir le restaurant MoSuke. Et on a continué à travailler la carte.

Tu as également continué ton projet TV avec Cuisine ouverte ?
Oui ! Pour l’instant, le but est de boucler tous les épisodes (là, je pars en filmer un au Pays basque) pour que je puisse être tranquille quand les restaurants rouvriront. 

La télé, c’est important pour un chef ?
Oui, surtout que je me suis lancé dans la cuisine en regardant des émissions de cuisine à la télé ! C’est un autre métier : quand on cuisine à la télé, c’est tout autre chose. Et, en fin de compte, ça enrichit la carte. 

« UNE PIÈCE DE CE STYLE SUR UN LOOK NOIR BRUT, ÇA VIENT DONNER DU CARACTÈRE : COMME EN CUISINE. »

 

Tu sortais beaucoup durant ta période au Royal Monceau (2012-2014). C’est à ce moment-là que ton attrait pour la mode est né ?
Je m’y intéressais déjà avant. La mode suit la même logique que la cuisine : on prend un tissu – moi, ce serait une carotte – et tout est possible à partir de cette matière première. Ce qui est passionnant, c’est de remonter le fil et de se demander tout ce qu’il s’est passé, tout le processus créatif. Le parallèle est assez juste : il y a un esprit et toute une équipe qui réalise. 

Et quand tu es invité à un dîner, comment t’habilles-tu ?
Ça dépend où ! Pour un dîner mondain, je serai sur du noir. Une chemise un peu loose avec un pantalon noir, et j’aime bien aussi avoir des boots ou des converses avec une tenue habillée. Et de petites pièces uniques et originales, typiquement j’aime beaucoup la marque Maison Château Rouge, qui a une petite identité afro. Une pièce de ce style sur un look noir brut, ça vient donner du caractère : comme en cuisine. 

Chemise à manches courtes en twill de soie, imprimé Valentino Foulard Archives VALENTINO,
Ceinture en cuir noir et boucle V logo VALENTINO GARAVANI


Sur ton menu, quels sont les plats les plus stylés ?
Le homard ! Il y a de belles teintes, du rouge, puis on vient l’associer avec des fleurs de tagète qui sont oranges, bleues… On a une décharge de couleurs assez belle. Sinon, on a le poulet yassa dans un autre style, très sobre, avec des jeux de poudres, des condiments… Le homard ce serait la haute couture et le poulet… le quotidien !

Et comment faut-il s’habiller pour venir dans ton restaurant ?
Comme on veut ! C’est très important pour moi qui ai travaillé dans des palaces dans lesquels il y a des dress codes. Je suis quelqu’un d’accessible et plutôt simple, je voudrais qu’ici ce soit pareil. On peut venir en jogging comme en smoking, tout fonctionne. Donc venez comme vous voulez !

« LA MODE SUIT LA MÊME LOGIQUE QUE LA CUISINE. »

 

Tu dis souvent ne pas vouloir d’une croissance trop rapide. Tu as du mal à déléguer en cuisine ?
Je considère que le restaurant a ouvert il y a deux mois seulement (avant le confinement, ndlr), on est donc encore en phase d’ouverture avec l’équipe. On doit développer la cuisine, gagner en maturité, en organisation. Il faut que je sois présent durant cette période afin que l’équipe continue à monter les échelons.

Le management en cuisine a longtemps été dur, mais on t’imagine bienveillant. Comment fais-tu pour travailler dans la douceur ?
Il est vrai qu’en cuisine, il y a quelque chose à casser sur le management. On a l’impression qu’un chef doit systématiquement être dur. Certes, c’est un métier qui favorise la sévérité : on a une exigence maximale, une immense concentration et la pression est à la fois physique et psychologique puisqu’on est jugé – on doit s’adapter au client. Selon moi, la dureté n’est pas nécessaire : on se crispe et finalement on fait des erreurs, on se retrouve dans un circuit qui n’est pas vertueux. Si je prends l’exemple de Thierry Marx, qui est dans un management positif : il est loin d’être laxiste. Il a tendance à dire qu’il faut être dur avec les faits et bon avec les gens. Quand un collaborateur fait une erreur, ce ne doit jamais être personnel. Il y a quelque chose de générationnel aussi. Toute ma génération de chefs est moins dans cette dynamique un peu violente. 

C’était une sorte de mentor pour toi, Thierry Marx ?
Oui, complètement. Je considère avoir eu une immense chance de pouvoir apprendre les bases de chef et de manager à ses côtés. J’étais prédisposé à ce style de management avec mon caractère et le fait d’avoir pu l’apprendre d’une manière beaucoup plus théorisée et concise m’a permis de structurer sur mon équilibre en tant que chef. 

Comment t’es venue l’idée de mixer culture française, japonaise et africaine dans ton restaurant ?
Ça m’est venu assez naturellement, dans le sens où ça compose mon identité. L’Afrique, c’est mes origines, mes parents, tout ce que j’ai connu pendant mon adolescence. La France, c’est mon pays de naissance. Le Japon m’a toujours fasciné et dans ma cuisine, naturellement, dès que je préparais un plat, je finissais toujours par une petite touche japonaise. Ici, au restaurant, on ne parle pas de fusion mais de conversation. On voyage au fil du menu et c’est à son terme qu’on se rend compte de la globalité. On commence souvent en entrée par la douceur avec le Japon. Plus on va aller vers les plats chauds, plus ce sera l’Afrique avec la chaleur, la puissance aromatique, le piment. Arrivés sur le dessert, on revient sur la France. La dominante change au fur et à mesure. 

Veste croisée 4 boutons et pantalon en laine mohair noir brodés de fleurs ton sur ton VALENTINO,
Chemise en popeline de coton blanc VALENTINO


Il y a un menu végétarien dans ta carte. Pour toi, le végé, c’est le futur ?
Le full végétarien, je ne suis pas forcément pour. Je suis cuisinier, je suis un vrai carnassier, mais je comprends le besoin de réduire la portion d’animal dans l’assiette. Le menu végétal, je voulais le faire tout de suite pour être en mesure d’accueillir les végétariens. Et puis c’est stimulant ! En Afrique, il y a certaines cuisines comme en Éthiopie, qui sont complètement végétariennes. Finalement, je m’amuse beaucoup dans le végé parce que je cherche des alternatives qui s’avèrent souvent intéressantes. Je le prends comme un jeu et ça me permet de chercher de nouvelles idées. 

Tu expérimentes quel plat en ce moment ? 
Le gros dossier, c’est d’essayer d’adapter nos recettes éthiopiennes en amuse-bouches. Cette recette est l’équivalent du dahl mais en Éthiopie, avec un bon mélange d’épices. J’essaye d’en faire une tartelette avec une pâte qui n’a pas de gluten. 

Tu ambitionnes d’avoir plusieurs lieux. D’ici combien de temps ? 
Pour l’instant, il faut que ce soit dans le quartier pour que je sois proche mais, peut-être par la suite, m’étaler en France et même à l’étranger. Aller sur le continent africain c’est une évidence, et pourquoi pas aux États-Unis. Mais pour l’instant, on reste à Paris !

Restaurant MoSuke
11, rue Raymond Losserand, 75014 Paris
www.mosuke-restaurant.com 

Entretien Léontine Behaeghel