MÉLANIE BOUTELOUP & JEAN-BAPTISTE DE BEAUVAIS : « LA MUSE D’AUJOURD’HUI »

Mélanie Bouteloup & Jean-Baptiste de Beauvais

Mélanie Bouteloup et Jean-Baptiste de Beauvais, respectivement responsable des expositions et directeur des études aux Beaux-Arts de Paris, présentent « Chère Melpomène », un condensé de la jeune garde internationale en dialogue avec le passé. Rencontre in situ.

École, lieu de création et musée, avec « Chère Melpomène », quelle est votre ambition pour les Beaux-Arts de Paris ?
Jean-Baptiste de Beauvais : Elle est un prolongement de notre travail de dialogue entre la création contemporaine et les 450 000 œuvres de notre collection.
Mélanie Bouteloup : C’est une petite biennale, un printemps des Beaux-Arts, avec plus de 130 œuvres et 80 artistes. On a créé une exposition où se mêlent les œuvres de nos étudiants, de nos enseignants, celles d’artistes internationaux et reconnus, et des œuvres de la collection afin de réfléchir à ce que serait une muse, aujourd’hui. On a souhaité s’amuser avec l’idée de l’antiquité, incarnée par Melpomène, dont le moulage, destiné à l’étude, à longtemps siégé dans notre salle d’exposition. On a aussi voulu interroger le concept de muse, figure historique de l’inspiration pour l’artiste, à l’origine, également, du musée.

L’artiste et vidéaste Seumboy introduit l’exposition par une vidéo sur l’intérêt d’utiliser et de revisiter l’histoire, pour créer de nouvelles mythologies.
JBB : Les étudiants s’interrogent énormément sur la question de savoir comment se réapproprier l’histoire, pour créer à nouveaux frais. Ces nouveaux récits ne se créent pas à partir d’une autorité surplombante, qui obligerait à aller vers une unique direction, mais s’écrivent avec la volonté de lire autrement le passé. À ce titre, l’œuvre de Daniel Assogo (Atelier Mimosa Echard, 3e année, Autoportrait : Souvenirs de Mahungu, 2023, Huile sur toile voir le tableau ci-contre, ndlr), jeune étudiant aux Beaux-Arts, est fascinante.

Le livre Dictée de Theresa Hak Kyung Cha, dans lequel l’auteure sud-coréenne réécrit l’histoire des neuf muses de la mythologie grecque, a été à l’origine de cette exposition. Quelle est la place de l’écriture aux Beaux-Arts ?
MB : Nos étudiants écrivent de plus en plus. Il y a donc plusieurs interventions écrites dans l’exposition, comme si on était sur les ruines d’un récit homogène qui a longtemps dominé, pour aujourd’hui multiplier les voix.
JBB : On a constaté dans l’école que de plus en plus d’étudiants écrivent sans que ce soit leur pratique première. Si cela semble être un à côté, pour nous, c’est significatif et clé.
MB : Pour notre prochaine exposition, on veut travailler sur la poésie contemporaine. Elle est devenue un moyen d’expression qui draine une nouvelle force de créativité.

Parmi les œuvres, il y en a une de l’artiste Guo Fengyi, catégorisée art brut. Ce langage artistique s’institutionnalise. Qu’est-ce que cela dit de l’art contemporain ?
MB : La Biennale de Venise l’a clairement exprimée. On commence à ouvrir le champs de l’art contemporain aux artistes étrangers et à l’art brut, ce qu’expriment par exemple les expositions à Pompidou, « Paris noir », et Bourse de Commerce, « Corps et âmes ». En 2012, j’avais ainsi organisé la Triennale avec Okwui Enwezor comme commissaire d’exposition, un moment où l’on a montré plein d’artistes qui ne circulaient pas beaucoup en France. Depuis, les institutions s’ouvrent et regardent plus loin. Aux Beaux-Arts, on souhaite participer de cette réécriture de l’art moderne. Cette exposition en est l’un des traits.

« Chère Melpomène », du 9 avril 2025 au 1 juin 2025, 13 quai Malaquais, 75006 Paris.

Par Alexis Lacourte
Photo Aurélien Mole