MARC CHAYA, ARTISTE DANS L’ÂME : « UN HOMME PEUT PORTER UN PARFUM FLORAL »

Francis Kurkdjian

marc chaya technikart LA RENCONTRE

Marc Chaya, partie cachée du duo qu’il forme avec Francis Kurkdjian, a longtemps souffert de ne pas travailler dans le milieu artistique. Il rencontre Francis Kurkdjian en 2003, et de cette amitié va naître le magnifique projet de la Maison Francis Kurkdjian. 
« Quand je l’ai rencontré, j’ai appris qu’il était le créateur du Mâle de Jean Paul Gaultier, d’Armani Mania, d’Eau Noire pour Dior et ils faisaient tous partie de ma collection de parfums ! Nous partagions la même définition du luxe et nos compétences commerciales et créatives étaient complémentaires. Nous recherchions tous les deux du changement dans nos carrières. Nous avons progressivement construit notre projet et c’est en 2009 que nous avons co-fondé Maison Francis Kurkdjian. »

Photo François Berrué

Avec Francis Kurkdjian, Marc Chaya est la moitié d’un des duos les plus complémentaires que le domaine de la parfumerie connaisse. Entretien enivrant.

La Maison Francis Kurkdjian, que vous avez créée avec Francis Kurkdjian en 2009, n’a jamais voulu de partenaires avant LVMH. Dans une interview, vous dites que c’est le seul que vous envisagiez parce qu’ils travaillent déjà avec des parfumeurs. Maintenant que vous avez intégré le groupe en mars 2017, comment vous apportent-ils leur savoir-faire ?
Marc Chaya : Nous bénéficions toujours de notre liberté créative et entrepreneuriale ainsi que d’un accès aux meilleurs talents et infrastructures. Nous avons ainsi pu développer des capacités supplémentaires dans des domaines tels que l’image, le numérique et le digital, et bénéficions d’un soutien opérationnel de pointe pour accompagner notre expansion internationale, notamment sur certains territoires clés tels que l’Asie. 

Et quelles sont les ambitions internationales de la Maison Francis Kurkdjian ? 
De continuer à créer une expérience exaltante pour nos clients à travers le parfum. Nous lancerons également un site dédié entièrement au marché américain début 2022. Notre futur sera totalement omnicanal.

Quelle est votre vision du secteur de la parfumerie de 2021 ? En 2022 ? Et en 2025 ?
Nous sommes dans un univers plus stable que la mode. Certains parfums, parmi les plus connus, connaissent le succès depuis plus de 100 ans. Il faut noter également que 2020, l’année de la pandémie, a démontré à quel point le parfum faisait partie de notre vie et contribuait à notre bien-être, puisque les ventes de parfums ont résisté à la crise. Concernant notre Maison, elle a même connu une croissance dynamique. Celle-ci devrait se maintenir sur les années à venir, bien au-delà de 2025. Du point de vue de la création, il y a une vraie bascule des codes de la parfumerie, notamment liée au genre attitré. 

Et d’ailleurs, les parfums Gentle Fluidity font partie de vos iconiques. Pourquoi avoir choisi des parfums mixtes ? Comment le profil des consommateurs et consommatrices de ces parfums évolue-t-il ? 
Gentle Fluidity s’inscrit dans ce mouvement sociétal du gender fluid, respectant la liberté de chaque individu à être ce qu’il est. Ce duo de parfums au nom identique est composé des quarante-neuf mêmes ingrédients mais révèle deux identités olfactives différentes, toutes deux sans genre attitré. Francis Kurkdjian est un observateur de la société qui l’entoure et de ce monde qui évolue. Il questionne l’identité de genre et propose une réponse olfactive.

Comment se fait-il que l’on associe traditionnellement des odeurs à la masculinité et d’autres à la féminité selon vous ?
Je pense que c’est avant tout une question de culture et d’histoire. Si on remonte au XVIIIe siècle, les hommes en Europe portaient de longues perruques, du maquillage, de la poudre et des talons et cela n’était pas perçu comme féminin. Ils portaient des parfums à la rose ou des eaux de Cologne qui ont toujours été unisexes. Aujourd’hui, un homme peut porter un parfum floral sans remettre en cause sa masculinité. Même les femmes s’approprient des parfums étiquetés masculins. L’essentiel reste que le parfum nous plaise et soit en harmonie avec celui ou celle qui le porte.

Comment procédez-vous pour la partie story-telling autour d’un parfum ? 
Le point de départ est l’inspiration de Francis Kurkdjian. Il pense d’abord à un nom, puis démarre la composition et me propose sa nouvelle création. C’est de la création que découle toute notre stratégie marketing. Prenez Baccarat Rouge 540 par exemple. Le nom de ce parfum émane d’une question posée par Francis aux artisans sur l’origine de ce rouge si emblématique de la cristallerie. Il s’agit de la métamorphose d’un cristal clair qui, mêlé à une poudre d’or de 24 carats et porté à une fusion progressive de 540 degrés, se pare d’un habit rouge éclatant. 

Quelle est selon vous la fragrance de 2021 ? Et 2022 ?
C’est avant tout une question de goûts personnels. Le parfum idéal reste celui avec lequel vous vous sentez en harmonie, celui qui complète votre personnalité et qui vous rend heureux. 2021 est une année de rebond et d’espoir et je suis très optimiste pour 2022. Ce serait donc pour moi des parfums de liberté, de joie de vivre et d’épanouissement !

www.franciskurkdjian.com


Par Margot Pannequin
Photo : Yagiza Studio