LES BRAS-CASSÉS DE MCKINSEY

Bras cassés mckinsey

Cabinets de conseil : la solution miracle à toutes les galères de l’État ? L’économiste le moins dumb de France debunk pour nous la plus grosse fake news de ces dernières années.

Légende photo : BONNET D’ÂNE_ Point de chute rêvé pour les jeunes padawan sortis d’école de co à une époque, les cabinets de conseil attirent désormais plus de cancres que de vrais talents. 

À quoi servent les cabinets de conseil ? À expliquer à l’État, tout en étant payés à prix d’or, « comment faire mieux avec moins ». Avec quelle méthode ? Des « solutions toutes faites » fournies « clés en main » et généralement présentées sur un beau PowerPoint. Avec « l’affaire McKinsey », cabinet de conseil étant intervenu au plus haut niveau de l’État français pendant la pandémie tout en pratiquant des stratégies d’optimisation fiscale (un peu comme un fermier qui voudrait traire une vache tout en refusant de la nourrir), la place des cabinets de conseil dans le secteur public a défrayé la chronique. Selon un rapport du Sénat de mars 2022, les dépenses en missions de conseil de l’État ont dépassé le milliard d’euros en 2021.

Une question importante nous vient à l’esprit : pourquoi l’État, alors qu’il a de hauts fonctionnaires en son sein, formés dans les mêmes grandes écoles que les consultants des cabinets de conseil, a-t-il besoin de payer grassement des missions auprès du secteur privé ? Il faut bien comprendre qu’à la tête de l’État, beaucoup de hauts fonctionnaires partagent les vertus des techniques super-managériales du secteur privé. Beaucoup sont persuadés que le secteur public a tendance à gaspiller de l’argent et que le recours aux cabinets de conseil permet une meilleure gestion des ressources (c’est sûrement l’effet tableur Excel). En réalité, ces hauts fonctionnaires partagent la même idéologie que les consultants qu’ils embauchent. Il suffit de lire les rapports de Bercy ou de la Cour des comptes pour comprendre leur vision de la politique économique. Ils veulent imposer à la société, sous couvert de neutralité, la réduction du nombre des fonctionnaires, l’augmentation du temps de travail pour les enseignants, le contrôle des chômeurs, le recul de l’âge de départ à la retraite, la baisse des pensions, la réduction des durées d’hospitalisation, la baisse des dotations aux collectivités locales, etc. En fait, les hauts fonctionnaires demandent aux cabinets de conseil de faire le sale boulot (valider ce qu’ils pensent) tout en les payant avec l’argent du contribuable.

PRATIQUE DU PANTOUFLAGE

Le haut fonctionnaire et le consultant sont interchangeables. Même études, même costume, même montre, même vision de la société, mêmes vacances. Si on vous avait montré la tête de notre Président quinze ans plus tôt en vous demandant s’il est président de la République ou président d’un gros cabinet de conseil, il aurait été difficile de répondre.

D’ailleurs, en France, la généralisation de la pratique du pantouflage entraîne un mélange des genres extrêmement malsain entre grandes firmes et haute fonction publique. Notre Président, inspecteur des finances puis banquier chez Rothschild avant d’être ministre de l’Économie, en est le meilleur exemple. Il faut bien garder à l’esprit que, dans notre pays, il est possible de diriger la Sécurité sociale un jour, puis le lendemain de travailler pour un grand assureur privé. Tout comme il est possible de passer de la législation fiscale à la direction fiscale d’un grand groupe. Le recours aux cabinets de conseil n’est qu’une preuve supplémentaire de la déroute d’un État qui perd la notion d’intérêt général.

Bon, vous allez me dire qu’il y a pire. On peut être commissaire européenne à l’Action pour le climat comme Connie Hedegaard, puis après rejoindre Volkswagen (un an après le scandale – déjà oublié – des moteurs truqués pour sous-estimer la pollution). Ou encore pire, être président de la Commission européenne comme José Manuel Durão Barroso, puis obtenir un poste de président chez Goldman Sachs. Et après ça, certains s’étonnent que les théories du complot foisonnent sur les réseaux sociaux…

 

Par Thomas Porcher