Quand le printemps réchauffe les cœurs, il dégèle aussi les cartes bancaires. La consommation post-hivernale n’est pas qu’un réflexe pavlovien, c’est une tendance, une vibe, un comeback en baskets neuves. Zoom sur ce réveil des clics selon Webloyalty.
Avril 2025. Vous venez à peine de digérer la galette des rois que déjà les pubs pour les week-ends en Toscane et les compléments bien-être saturent votre timeline. Instinctivement, vous cliquez. Un billet de concert pour juillet ? Banco. Une crème détox aux extraits de yuzu ? Pourquoi pas. Une nouvelle paire de baskets ? Allez. Ce n’est pas de l’irrationalité, c’est de la Spring Consumption. Et ça tombe bien : Webloyalty vient de sortir son dernier panel de données, et tout indique que le e-consommateur post-crise ressort de sa grotte.
Depuis un an, le storytelling global est simple : inflation, guerre, insécurité énergétique, anxiété climatique. Ambiance fin de partie. Pourtant, le e-commerce, ce phénix digitalisé, résiste. Mieux : il se recompose. Les chiffres parlent : alors que le secteur du sport enregistrait -21 % en janvier 2025 (gloups), il remonte direct à +12 % en février. La billetterie ? -46 % en janvier (re-gloups), puis +13 % en février. Ça tangue, certes, mais ça avance. On ne se laisse pas abattre. « On observe une forme de résistance émotionnelle dans les comportements d’achat. Les gens veulent encore se projeter, se faire plaisir, malgré le contexte », explique Rodolphe Oulmi, DG de Webloyalty France. Le printemps devient alors une soupape : pas une fuite, mais une renaissance.
PETIT PLAISIR RÉGULIER
Attention cependant : on ne parle pas d’une orgie consumériste à la Trente Glorieuses. Le Webloyalty Panel révèle un phénomène intéressant : le panier moyen baisse, mais le nombre de commandes grimpe. Exemple : le secteur bien-être passe de 223 € en 2023 à 189 € en 2025. Mais les acheteurs, eux, affluent. C’est l’ère de la micro-consommation répétée, du petit plaisir régulier. Une huile essentielle par-ci, un massage express par-là. La dépense se fait agile, presque furtive. Comme si consommer devenait un acte de résistance passive à la déprime ambiante. « Le printemps ne fait pas seulement éclore les fleurs, il fait aussi éclore les envies. On voit clairement un regain de petites dépenses mieux réparties, avec un rapport à l’achat plus mesuré, mais tout aussi vital », analyse Rodolphe Oulmi.
Même logique côté voyage : la fréquence d’achat reste stable (2,7 achats par an en 2025, contre 2,8 en 2024). Et ça s’accélère : +23% entre février et mars 2025. Le fantasme d’évasion reste intact, même sous contrainte budgétaire. Parce qu’on ne négocie pas avec les rêves.
SAISONNALITÉ 2.0
Ce qui ressort aussi de l’étude Webloyalty, c’est la réaffirmation d’un phénomène qu’on croyait relégué aux soldes d’été : la saisonnalité. En 2024, 50 % des achats de billetterie se concentraient entre septembre et décembre. Traduction : l’achat événementiel suit encore les cycles du réel. On ne consomme pas tout le temps pareil. L’idée du « always-on » marketing en prend un coup : les gens ont toujours leurs saisons internes. Et le printemps, dans cette cartographie mentale, reste le moment de renaissance de la consommation. « Le digital n’annule pas les rythmes naturels. Au contraire, on observe que même dans le e-commerce, les pics de consommation sont profondément liés aux saisons, aux rituels collectifs », note Rodolphe Oulmi.
On assiste peut-être à la fin d’une ère : celle du survivalisme consommateur, où l’achat n’était plus qu’un acte rationnel de gestion de pénurie. La Spring Consumption remet du désir dans le clic. Pas dans un excès bling ou fast-fashion – ce serait has-been – mais dans une logique de recentrage : mieux vivre, mieux ressentir, mieux sortir.
C’est particulièrement visible dans les secteurs loisirs et culture : panier moyen en hausse (de 166 € à 185 € entre 2023 et 2025), fréquence d’achat stable. Ce n’est pas le grand n’importe quoi, c’est le choix réfléchi de ceux qui préfèrent une expo immersive ou un week-end nature à une crypto douteuse ou une énième appli inutile. « Cette reprise de la consommation culturelle, c’est le signe que les gens ne veulent pas seulement vivre, mais ressentir. Il y a un besoin d’intensité, de lien, de plaisir – même en période d’incertitude », souligne Rodolphe Oulmi.
Et que dire du sport ? En janvier 2025, les achats dans le secteur du sport ont augmenté de 19 % par rapport à décembre 2024 : le « new year, new me » fait des siennes, et le consommateur n’hésites plus à mettre le budget pour soutenir ses envies de reprendre en main son activité physique. Et ça n’est pas si éphémère qu’on le pense : 5 % de plus entre février et mars. On y croit.
HÉDONISME SOFT
La Spring Consumption, c’est peut-être ça au fond : la revanche d’un hédonisme soft, qui résiste à la fois au déclinisme ambiant et à la frugalité punitive. On consomme avec soin, mais on consomme quand même. On sait que tout est fragile, mais on s’autorise une soirée, un voyage, un massage. On clique, donc on est. Le printemps 2025 marque le retour de cette pulsion vitale, contrebalançant deux années de crispation. Et si le e-commerce en sort plus humain, plus cyclique, plus aligné avec les rythmes naturels, c’est peut-être que le digital, finalement, commence lui aussi à suivre les saisons. « Le e-commerce de 2025 n’est pas un rouleau compresseur, c’est une respiration, conclut Rodolphe Oulmi. Et cette respiration est plus forte que jamais au printemps. »
Par Louis Bretagne