LA RELÈVE

SOLÈNE LESCOUëT technikart

Découverts en marge des dernières Fashion Week, ces créatrices et créateurs nous dévoilent leur pièce fétiche de la saison. Références à noter !

 

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SOLÈNE LESCOUËT : « UNE MODE QUI RALENTIT »

SOLÈNE LESCOUËT

Ayant fait ses armes chez Chanel puis Lanvin, Solène Lescouët, 28 ans, lance sa marque éponyme en 2020. Et fait rimer couture et « no future »

Pour la vidéo de présentation de ta dernière collection, The Tales of Solène, tu as choisi le thème de la danse. Pourquoi ?
Solène Lescouët : J’ai voulu m’inspirer d’un film britannique que j’adore : Les Contes d’Hoffmann (Michael Powell et Emeric Pressburger, 1951). Ce film est inspiré de l’opéra et fait référence au ballet de danse classique. J’ai ajouté un effet de transformation, avec des passages plus techno, plus contemporains, tout cela mélangé au punk des coupes de cheveux, le tartan, et l’énergie.

Toute la collection est dans des tons roses…
Cette couleur me rappelle la douceur de la jeunesse, et le contraste avec le punk me paraissait intéressant à travailler.

Le motif tartan et l’esthétique punk sont tes marques de fabrique.
Le tartan, c’est un vrai état d’esprit. J’ai toujours adoré ce tissu. Il représente le côté punk de ma marque, mais j’adore le mélanger à d’autres tissus plus chics…

À quoi doit servir la mode ? 
C’est une manière de vivre, de se comporter, et même de penser. Faire passer un message à travers un vêtement est ce qu’il y a de plus intéressant. Mais c’est aussi une façon de déclencher une émotion… que ce soit la joie, le rire, les pleurs, ou la provocation ! 

La mode du futur ?  
Peut-être une mode plus digitale, même si j’adore les shows. Et des pièces plus fortes, il faut retourner aux vraies bases du vêtement, à la couture par exemple. Et surtout, une mode du futur serait une mode qui ralentit.

www.solenelescouet.com

Par Anna Prudhomme
Photos : Arnaud Juherian

« SORTIR DES SENTIERS BATTUS ! » : WALK IN PARIS

WALK IN PARIS technikart

En 2013, Gary Neveu et le danseur Léo Walk créent Walk In Paris. Dix ans plus tard, elle s’impose comme la marque préférée des jeunes créas.

Votre marque en quelques mots ? 
Gary Neveu : Un walker, c’est une personne qui aime l’aventure, se surpasser, et découvrir ce qu’il y a de mieux en lui. Walk in Paris, c’est donc un état d’esprit : s’amuser et sortir des sentiers battus ! 

Ce qui inspire vos collections ? 
Ce qui nous entoure. On a une grosse communauté de jeunes créatifs qu’on implique dans tous les autres aspects de la marque. Léo a sa compagnie de danse, La Marche Bleue, donc on fait des vidéos, des soirées, des festivals… Ça fait partie intégrante de la marque.

Où produisez-vous ? 
Il y a dix ans, on faisait tout à l’arrache et on était sur du made in China ou Pakistan. En 2018, on a commencé à se renseigner et on a vu que beaucoup de streetwear de qualité était fait au Portugal. Depuis, on y fait quasi-tout.

Vos matériaux préférés cette saison ? 
Je dirais le jean. C’est un matériau noble, qui vieillit bien, et dont la couleur évolue. 

L’utilité de la mode ?
Ado, j’ai essayé plein de styles vestimentaires différents, ça m’a permis de savoir qui j’étais, et qui je voulais être.

Des projets en cours ? 
On prépare une nouvelle veste en collaboration avec Schott, et une grande soirée pour fêter les dix ans de la marque cet été.

Le futur de la mode ?  
J’espère que la fast-fashion va mourir ! Je pense que les gens sont prêts à réfléchir à leurs vêtements comme un investissement durable.

www.walkinparis.fr

 

Par Anna Prudhomme
Photos : Arnaud Juherian

VINCENT GARNIER PRESSIAT : « BOURGEOIS… ET BDSM ! »

Vincent Garnier Pressiat

A 28 ans, cet ancien assistant de John Galliano chez Margiela impose sa marque éponyme à coups de collections chics et libérées

Quelles ont été les inspirations de cette dernière collection ? 
Vincent Garnier Pressiat : Le film Belle de Jour (Luis Buñuel, 1967), une histoire de bourgeois qui, explorant Paris, se retrouvent dans les bordels à Pigalle. Le Carmen, là où j’ai organisé le défilé de la fashion week de février, est une ancienne maison close, très connue comme lieu de fête, fin XIXème siècle. Toute cette bourgeoisie venait s’y libérer, dans une ambiance sexy, limite BDSM ! 

Et comment définirais-tu Pressiat en une phrase ? 
C’est… élégant, chic et provocant! 

Le choix de Pigalle ? 
Quand je suis arrivé à Paris, j’étais en coloc’ ici et il faut dire que tout dans ce quartier m’inspire… Le côté un peu boudoir, les lumières rouges et chaudes.

Une matière de prédilection ?
J’utilise beaucoup le vinyle, et pour cette dernière collection, on a travaillé un effet de velours. C’est noir, très profond, et de bonne qualité, rien à voir avec le vinyle des sex-shops !

La provenance des tissus ?
Beaucoup viennent de déstocks ou de fournisseurs à Paris, mais je travaille aussi avec la Corée, ils ont des tissus techniques, novateurs et de qualité. Après, je fais du made in France, pour mes costumes, vestes et tout ce qui est haute couture, of course ! 

Le rôle de la mode selon toi ? 
C’est un outil pour se sentir bien, powerful et avoir confiance en soi. C’est libérateur.

La mode du futur selon toi ? 
Il faut qu’on arrête tout ce mass-market… Esthétiquement, je crois à un retour vers quelque chose de plus élégant, plus soutenu…

www.pressiat.com


Par Anna Prudhomme
Photos : Arnaud Juherian

ICHIYO TAGUCHI : « ÉPOUSER NOS COMPLEXITÉS »

Ichiyo Taguchi

Mi-japonaise, mi-coréenne, la créatrice s’est formée chez Schiaparelli avant de se lancer en solo en 2021. Le slogan de la marque Ichiyo ? « Joy of being women ! »

L’inspiration derrière ta dernière collection ?
Ichiyo Taguchi-Ichiyo : A Letter From… s’inspire des contrastes inhérents au féminin. Ces pièces en reconnaissent et célèbrent les multiples facettes. Cette collection est donc un encouragement à épouser nos complexités !

Ton rapport au vêtement ?
S’habiller c’est comme jouer un rôle. Quand je choisis des tenues, je m’amuse à imaginer la vie des différents personnages que j’incarne.

Ton tissu préféré cette saison ?
J’ai commencé à utiliser un tissu développé avec un fournisseur japonais, un contre-collé de georgette (tissu de crêpe fin, ndlr) et de dentelle. J’ai pensé la « Illusion jacket » avec ce tissu, une veste où l’on croit voir tous les détails de construction. Pour être honnête, je suis obsédée par ce tissu en ce moment !

Le made in France ?
Nous, on fait 95 % à Paris, et le reste en Europe. On garantit un savoir-faire de qualité, tout en conservant une conscience éthique et écologique. On utilise majoritairement des matériaux de deadstock et on réalise aussi une partie de notre production à la demande pour éviter les surplus.

La mode du futur ? 
Des pièces intemporelles avec des vêtements qu’on garderait à vie.

www.ichiyo-fr.com


Par Anna Prudhomme
Photos : Arnaud Juherian

UMLAUT : « MIXER CUIRS ET TISSUS FLUIDES…»

Umlaut

Lancée en 2020 par trois copines, Eloïse Bombeau, Zélie Israel et Emma Panchot, Umlaut s’engage contre la surproduction. Robes ou bustiers, chacune des pièces est intemporelle et… éco-responsable.

Les inspirations derrière vos collections capsules ?
Umlaut : Notre processus créatif commence toujours par les matières qu’on trouve. Étant donné qu’on ne travaille qu’avec des matières recyclées – des fins de série de maisons de couture –, c’est ce qui définit le type de matières et la gamme de couleurs pour chaque capsule.

Vos associations de matières préférées en ce moment ?
On aime mixer les cuirs et tissus fluides, en particulier la soie. Dans la nouvelle collection, on retrouve des empiècements en cuir associés à des draps de laine d’été très fins.

Tout est made in France ? 
Oui, presque 100 % en région parisienne. Tous nos tissus viennent d’associations, start-ups ou entrepôts qui les récupèrent auprès des grandes maisons. Ces tissus sont dormants, et peuvent venir de France comme d’Italie, du Japon ou du Portugal.

Et les cuirs ?
La plupart du temps, les grandes maisons françaises les font produire en Italie. Chez Umlaut, on n’achète jamais de cuirs neufs, mais ceux voués à l’abandon. On travaille uniquement avec des matériaux récupérés. 

Le futur de la mode selon vous ? 
Plus de marques upcyclées. On a accès à tous ces rouleaux, on voit à quel point c’est énorme. Toutes ces marques qui se lancent et produisent de nouvelles matières, stop !

Un espoir ?
Que les métiers d’art, qui sont extrêmement importants dans la qualité du vêtement, reviennent en force.

www.umlautparis.com


Par Anna Prudhomme
Photos : Arnaud Juherian

ALICE VAILLANT : « SUPER FLOU ET SUPER STRETCH ! »

ALICE VAILLANT

Après avoir travaillé pour Jean Paul Gaultier et Nina Ricci, la créatrice de 27 ans s’est fait remarquer avec Première Danse, une collection tout en dentelles, moumoutes et volants

Tu as été danseuse à l’Opéra de Paris avant de lancer ta marque en 2020. Quels rapports tes vêtements entretiennent-ils avec la danse ? 
Alice Vaillant : J’ai passé presque douze ans en collants et justaucorps. Je me souviens avoir porté des petits corsets, mais être super libre dans les mouvements des bras et des jambes. J’aime ce contraste entre le super flou et le super stretch, et c’est cette dualité que je cherche à recréer dans mes collections.

Ta matière de prédilection cette saison ?
La dentelle – ou les bandes de dentelle, plus précisément. Elles font partie des codes de la marque. Elles viennent de Calais, principalement de deadstock, et chaque bande a une taille et un design différent !

Le mantra maison ?
Quand je pense des pièces, je réfléchis à la façon dont on va pouvoir se sentir à l’aise tout en étant mise en valeur.

Vaillant, made in Europe ?
Oui, avec 20-30 % fait en France. On a créé tout un circuit de production dans le Nord, nos usines de dentelle à Calais, l’usine de teintures, mais aussi celle des prototypes. C’est un circuit qu’on est en train d’améliorer parce que plus les quantités augmentent, plus il faut le renforcer ! 

La mode du futur selon toi ? 
Plein de choses doivent être complètement repensées. Surtout dans les calendriers des présentations, productions et sessions de ventes des collections. Tout est lié, et c’est la course. Il est difficile de sortir de ce système, mais il faut bien commencer quelque part ! 

www.vaillantstudio.com


Par Anna Prudhomme
Photos : Arnaud Juherian