LA « (FAST)-FASHION DURABLE » 

fast fashion durable

Incroyable et (presque) vrai ! La marque préférée de soutifs de maman aurait inventé la fast-fashion écolo. Décryptage.

Légende photo : DURABLE ET NFT_ La nouvelle ligne made in Etam sera-t-elle aussi éthique que ses Non-Fungible-Tokens ?

Peut-on vraiment faire de la fast-fashion une mode durable ? Autrement dit, en bombardant les consommateurs de campagnes de pubs et en présentant de nombreuses collections tout en respectant l’environnement, Laurent Milchior, co-gérant de la marque de slibards Etam, surfe sur le succès de son dernier défilé, le grandiloquent Etam Live Show 2022. Il y présente une collection de bodys de luxe sous forme de NFT avec la possibilité pour le public de découvrir les coulisses du défilé à travers des lunettes « intelligentes ». Eh oui, la marque créée à Berlin en 1916 vient d’inventer le Futuroscope de la dentelle.

À cette occasion, le sémillant co-gérant déclare « Il faut une forme de fast-fashion qui soit durable ! » C’est à ce moment que j’ai tiqué. Ces deux termes sont tellement paradoxaux qu’ils sonnent comme une blague de Sacha Baron Cohen. L’ingénieur de la lingerie green prend également le soin de souligner que la mise en place d’une telle révolution, « ça prend forcément du temps ». Évidemment…

Ces derniers temps, de nombreuses marques de prêt-à-porter expriment leur volonté de produire plus vert depuis quelques années. Prenez We Care, l’engagement éco-responsable du groupe Etam, et de sa dernière marotte : la lingerie en NFT. Pour faire simple, un NFT est un fichier numérique unique auquel on associe un certificat d’authenticité. Dans le cadre d’Etam, la marque a créé des bodys. La cliente reçoit donc le fichier et le body physique auquel le NFT est lié. Seulement voilà, la création et la vente d’un NFT est, elle aussi, énergivore. Résultat : la production d’un seul NFT nécessite plus de 200 kg de gaz carbonique. Si les collections NFT venait à se multiplier chez Etam, leur impact écologique serait désastreux et irait à l’encontre de ce que prône M. Milchior. À ne rien comprendre, car l’entreprise certifie avoir réduit de 50% ses émissions depuis 2017 et s’engage à les baisser encore de 40 % d’ici 2030. Bon.

TRANSPARENCE LOUABLE

On retrouve la rubrique We Care en bas de la page d’accueil du site – écrit en tout petit. Bref, difficile de tomber dessus par hasard. Cette politique se déploie sur trois axes dont celui de concevoir des produits plus respectueux de l’environnement. Un produit est éco-responsable s’il répond à au moins un des cinq critères définis par Etam. Parmi eux, la composition du produit contient 50 % de fibres éco-responsables ou est confectionné en France. Etam propose même aux clients de visiter virtuellement trois de ses usines à l’étranger. Cette transparence est louable ; malheureusement elle n’est pas mise en avant, seulement 4 % des visiteurs du site s’y intéressent. Niveau composition des vêtements, on valide pour la laine recyclée et le coton bio. Le tableau se ternit quand on lit viscose ou cupro. Certes, ces fibres sont issues de matières végétales ou animales, mais on y ajoute des solvants chimiques. En clair, ce ne sont pas des fibres « vertes » ; avoir une origine organique ne suffit pas. Enfin, Etam recycle les matières synthétiques, c’est le minimum à mettre en place pour une marque de textile qui se veut plus écolo.

Loin d’être parfait, cet engagement We Care est quand même cohérent. On aurait presque envie de féliciter Laurent Milchior pour son effort ! Même si, il le reconnaît lui-même, ce que veulent les consommateurs, c’est avant tout de la nouveauté en abondance, il n’a pas l’intention d’aller à l’encontre de la demande. Avant même de recycler ou de chercher à produire plus vert, ne faudrait-il pas simplement chercher à produire moins pour polluer moins et réduire les déchets causés par les invendus ? C’est encore trop tôt pour ces entreprises qui produisent plus écolo pour vendre toujours plus, plus, plus. La planète, elle, n’attend pas.


Par
Anna Autin (avec Mathis Raymond)