«LA FAMILLE, C’EST MORTEL ! » : MATHIEU MADENIAN, PARRAIN DU STAND-UP

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Les darons vous gonflent et les petits vous fatiguent ? Faites comme Mathieu Madenian dans Spectacle familial, son réjouissant stand- up sur les affres de la vie de famille : dites-leur ô combien vous les aimez, ne ratez pas une réunion… et tenez les un minimum à distance. Comme le font les membres de la cosa nostra ?

L’ancien sniper de l’actu aurait-il rangé son flingue ? Mathieu Madenian, 43 ans dont une dizaine à balancer de la vanne politique sur scène, nous attend au bar du No.Pi, l’élégant lounge rock de la place de Clichy. La veille, nous découvrions son nouveau show au Théâtre de l’Oeuvre (Paris IX).
Dans Spectacle familial, ce pro de la chronique se raconte pour la première fois. Ses proches dans le Sud, son enfance dans les années 80 ou ses questionnements de jeune quadra installé à Paris, chaque thème est abordé avec une tendresse communicative – tout en évitant la mièvrerie.
Paradoxe. À une époque où le lien social se délite et où le modèle familial est de plus en plus rejeté (Madenian le rappelle sur scène : aujourd’hui, même les retraités se mettent à divorcer), les valeurs associées à la famille, elles, celles de « co-dépendance bienveillante » pour parler comme les gourous du développement personnel, ont le vent en poupe comme jamais… Y compris chez les comiques les plus blasés ? À bien décrypter son spectacle, oui.
Les boissons arrivent, l’ex-chroniqueur de Drucker (et toujours-collaborateur de Charlie Hebdo) se soumet à notre interrogatoire « famille, je vous haime »…

Vous êtes actuellement à l’affiche de votre troisième stand-up, Spectacle familial, dans lequel il est surtout question de famille. Et aujourd’hui, on vous retrouve en parrain mafieux pour ce shooting. L’humour parisien, c’est la cosa nostra ?
Mathieu Madenian : C’est quoi ma mafia, c’est ça votre question ? Celle de Bagnolet : on est… un. J’y suis un peu seul ! C’est l’avantage d’être un parrain solo, il n’y a personne à tuer. Sinon, c’est un peu le Comedy Club ou, dernièrement, le Panam Art Café qui rassemble des jeunes humoristes qu’on aide à préparer leur propre petit spectacle.

Donc vous êtes le parrain et eux, les capos ?
Eux, ce sont les capos qui dans quelque temps vont prendre la place du parrain en étant plus marrant que lui ! (Rires.)

STAND-UP
Notre cover-star en plein entraînement pour son show du star.


Ressort de votre spectacle une certaine nostalgie des années 80. Qu’y avait-il de si merveilleux dans le Perpignan de ces années-là ?

On était jeunes ! On ne se demandait pas ce qu’on allait faire plus tard, il y avait toujours à manger. C’est les parents qui avaient des soucis. Le seul souci qu’on avait, c’était comment on allait s’amuser. C’est incroyable ! C’est peut-être pour ça que je joue la comédie, pour continuer à m’amuser. Ma vie, c’était jouer au basket, voir des potes, draguer des filles…

À quel moment vous vous êtes dis « je vais être comique » ?
Petit, j’avais vu Albert Dupontel faire Rambo dans l’émission Carnaval de Patrick Sébastien. J’ai eu un coup de foudre pour ce type et je me suis dit : je veux faire ça comme métier. Je voyais mon père à l’époque qui rigolait sur des Louis de Funès et je me suis rendu compte du pouvoir qu’avait ce mec sur mes parents : les faire rire. À partir de là, c’est comme un muscle. Il y a très peu de talent dans ce métier, c’est juste du travail.

Ça revient souvent chez les comiques, cette histoire de faire rire le père afin de dialoguer avec lui…
Ce n’est pas anodin de monter sur scène et de se mettre « en danger ». On cherche un public. J’ai des souvenirs de repas de famille où mon père me mettait sur la table en me disant : « vas-y fais rire la famille ».

Votre père, c’est votre premier manager?
C’est le premier et ce sera le dernier ! Si je meurs avant lui, c’est lui qui organisera mon enterrement avec un best-of de mes sketchs. Et il fera payer ! C’est sûr qu’il fera payer… (Rires.)

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MAINS SALES
Avec tous ces virus qui traînent, mieux vaut se laver les mains en rentrant du travail.


Votre famille a réagi comment quand vous vous êtes lancé ?
J’ai fait de longues études pour être avocat. Lorsque j’ai tout plaqué, ça a été compliqué avec mes parents pendant plus d’un an. J’ai eu de la chance d’être engagé sur Un gars une fille, ce qui m’a permis de payer mon loyer sur Paris. Pour les Arméniens, dès qu’on voit au générique un « ian », t’as réussi. Mais j’ai surtout de la chance d’avoir des parents qui sont heureux que j’essaie d’être heureux.

« J’ENTERRE DE L’ARGENT DANS MON POTAGER À BAGNOLET. »

Ça vous a pris quelques années avant de percer. Comment le vivaient vos parents ?
J’arrivais à boucler les fins de mois, parce que c’est un métier où tu arrives à te débrouiller. Je faisais des saisons d’animation dans des villages de vacances l’été, le soir je jouais au chapeau… On trouvait des combines.

Vos parents sont à la retraite ?
Mon père est à la retraite depuis cinq, six ans mais il continue à bosser. Il fait partie de ces gens qui voient leur vie au travers de leur boulot sinon ils s’éteignent. Et ma mère se plaint. C’est une fine équipe.

Et vous vous retrouvez à leur expliquer la réforme ?
Même pas ! On ne parle pas de ça. Moi, pour le coup, je n’aurai pas de retraite. J’ai commencé à gagner ma vie quand j’avais 35 ans… Non, j’enterre de l’argent dans mon potager à Bagnolet.

Vous nous donnez l’adresse ?
Je ne le dirai jamais… Mafia arménienne !

Vous vous retrouvez à leur expliquer des choses politiques ? Vous êtes plus engagés qu’eux ?
Non en fait, eux sont engagés, je suis engagé et ce sont des sujets qu’on essaie de ne pas croiser. C’est comme ces réunions de famille à Noël : il vaut mieux se taire.

Et pourquoi ce spectacle sur la famille à 43 ans ?
Je ne sais pas du tout. Parce qu’en plus je m’aperçois, à la fin du spectacle, que j’ai une famille normale par rapport à certaines personnes. Mais c’est peut-être aussi pour ça que je le fais, c’est pour parler avec vous et me dire « En fait mais ils sont bien, pas pire que les autres! ».

En quoi votre regard sur la famille a changé depuis vos 18 ans ?
Je ne voyais que la mienne de famille et quand t’es gosse t’es un peu un con donc les premiers boucs émissaires, ce sont tes parents. Ton père est con et ta mère est conne. Plus tu grandis, plus tu prends du recul. Tu te dis que quelque part, ils sont pas mal. Ils sont toujours ensemble, ils tiennent le coup.

La suite à lire dans le dernier Technikart N°238 disponible en kiosque.

Technikart 238 Madénian


Entretien Laurence Rémila

Photos Eddy Brière
MUHA Gabrielle Hoarau-Kozo
Merci Le NO.PI 3 Place de Clichy, 75008 Paris