Véritable rock star, Kristen Stewart était au festival de Deauville pour présenter sa première mise en scène, The Chronology of Water, l’acte de naissance d’une grande réalisatrice.
Vous êtes à Deauville pour présenter La Mécanique des fluides. Pourquoi avez-vous mis en scène ce livre autobiographique de Lidia Yuknavitch ?
Kristen Stewart : Le livre parle de plusieurs sortes d’abus, l’abus de substance diverses et variées, l’abus sexuel…, mais aussi comment on peut on peut survivre, se réinventer, se faire un nouveau corps, de nouveaux souvenirs, une nouvelle vie. Le livre a vécu dans mon subconscient, j’ai été comme sonnée. Je le ressentais comme un cri de révolte. Certaines œuvres d’art vous encouragent à trouver votre propre voix, c’est l’une des raisons pour lesquelles ce livre a fait l’objet d’un tel culte. Il est inclusif, il nous reconnaît, il reconnaît nos corps d’une manière incroyablement frappante et physique.
Avec sa structure non linéaire, le livre fût-il difficile à adapter ?
J’ai bossé huit ans sur ce projet et je l’ai écrit et réécrit pendant six années. Le livre est une mosaïque, très fragmenté, avec des éclats d’enfance, des images, mais il se devait d’avoir sa vie propre, sa propre mémoire, sinon, cela n’aurait pas marché. Pour être fidèle à ce livre tellement étrange qui parle d’itérations, il fallait le déconstruire, puis le bâtir à nouveau. Le langage du film se devait d’être puissant, sur le plan visuel et sonore, il devait sonner comme une maison hantée… À un moment, c’était tellement compliqué que j’ai appelé Pablo Larrain qui m’a conseillé de me fier à mon instinct. Et, fuck it, c’est ce que j’ai fait ! L’histoire de Lidia Yuknavitch est aussi la nôtre. Elle est passée par des tas d’épreuves, mais je voulais surtout décrire la façon dont elle s’en est sortie.
Pour ce film, vous avez déclaré que vous arrêteriez de jouer jusqu’à ce que vous puissiez le réaliser.
J’ai été un peu aidée par un de mes frères en cinéma, un producteur français (Charles Gillibert, producteur de Sils Maria ou De Humanis Corporis Fabrica, ndlr). Il me voyait trépigner et dire que j’allais abandonner mon métier d’actrice. Ce que je n’aurais jamais fait, car j’adore mon boulot ! Mais je sentais qu’il fallait que je me mette à crier, et j’ai été entendue par la bonne personne.
Pourquoi avoir choisi Imogen Poots pour le rôle principal ?
Elle est tellement forte, tellement spectaculaire, je voulais bosser avec elle depuis si longtemps… Nous avons le même âge, nous avons vécu les mêmes choses en même temps, nous avons réalisé les rêves des autres, nous sommes entrées dans leurs petites boîtes. Elle n’a peur de rien, c’est vraiment une actrice avec une grosse bite.
Vous montrez des scènes que l’on n’a pas vraiment l’habitude de voir au cinéma, les règles, la cyprine… Est-ce un film politique ?
Regardez le temps que j’ai mis à monter ce film, huit années, parce que je parle de viol et de règles. Mais c’est fini les secrets. Je ne me sens pas particulièrement rebelle, il fallait le faire ! Depuis que les femmes existent, nous sommes opprimées, on nous dit de nous taire, nous portons une honte profonde. Ce fardeau commun irrigue la conscience collective féminine. Je pense qu’avoir un corps féminin est déjà un acte politique ! J’explore le corps féminin dans toute sa beauté, sa magnificence, mais je montre aussi ces choses dégoûtantes, douloureuses, qui en sortent. Je voulais réaliser un film qui soit un corps, un film qui saigne, donc c’est bien sûr un acte politique. Il y a cette scène où Imogen se caresse, on voit qu’elle est totalement trempée et elle sent sa main. C’est l’un des trucs les plus sexy que j’aie jamais vus.
C’était un mini budget ?
Je l’ai tourné pour rien, ça a été incroyablement dur, putain ! Honnêtement, à la fin, j’avais l’impression d’avoir cent ans et d’avoir filmé Apocalypse now, même si je n’avais pas d’hélicos ! Ce fût le job le plus dur de ma vie !
The Chronology of Water de Kristen Stewart
En salles le 15 octobre
Par Marc Godin
Photo Chanel