HENRI PROGLIO : « LES JOYAUX DE L’INDUSTRIE NE SONT PAS ÉTERNELS… »

En France, le capitaine d’industrie fait partie des espèces disparues sous les présidences Sarkozy et Hollande. Pour comprendre les raisons de cette mise à mort, notre reporter politique a retrouvé Henri Proglio, le charismatique « self-made » boss de Veolia et d’EDF (années 1990-2014). Le sujet du jour ? La perte des « joyaux de la couronne » (le titre de son livre). Attention, entretien thermonucléaire ! 

« Je suis seul dans ma chanson, prisonnier à l’extérieur, qui est au bout du refrain ? » (paroles Pascal Mounet). Antibes, Alpes-Maritimes. Raymond Peynet et ses amoureux, Nicolas de Staël et son désespoir, Jean Michard-Pellissier et son fils le regretté Hubert, alias Pelmiche, avocats gaullistes qui arrangèrent les affaires narcotiques des Stones confinés à Villefranche-sur-Mer, le Festival de Jazz, la datcha de Britney Spears, Henri Proglio. Enfant de vendeurs de fruits et légumes du marché Masséna, HEC entré à la Compagnie Générale des Eaux comme attaché, il a sauvé la vieille maison des sottises de Jean-Marie Messier et l’a transformée en géant, Veolia, avant de diriger EDF.
Proglio fait fantasmer. Moins pour son physique à la Roy Scheider que pour la puissance qu’on lui prête. Homme secret, au point de publier ses mémoires en plein confinement quand les librairies étaient fermées, il parle toujours à voix basse, je n’aimerais pas être son chargé de clientèle au Groupement interministériel de contrôle. L’attachée de presse de l’éditeur semble presque inquiète de la publicité qui pourrait être faite à l’ouvrage. Son récit, passionnant et accablant, vaut autant pour ce qu’il dévoile que ce qu’il laisse entrevoir (si vous avez prévu de voter Balladur l’an prochain, réfléchissez). Proglio raconte l’intégration modèle des Italiens de la Riviera. Il décrit aussi les hauts-fonctionnaires défroqués, la noblesse de cour et l’effondrement industriel du pays, d’Alstom en Technip jusqu’à la tentative de privatisation d’ADP et bientôt l’équarrissage d’EDF.
Un de mes meilleurs amis, économiste, a une règle : ne jamais investir dans une boite dirigée par un énarque ou un polytechnicien. Ça lui réussit très bien. Découvrir la bouille de Messier le mois dernier en couverture des Echos Week-end, revenu inchangé, tel les émigrés de 1815, distribuer ses bons points à l’économie nationale, c’est aussi violent que de militer à l’UNEF et voir son harceleur récompensé aux Trophées de la mixité. Début 2000, quand tout le monde le trouvait trop puissant, invité de la semaine des Inrockuptibles j’écrivais : « Il est cuit, comme avant lui Haberer et Pétriat, concessionnaires de marchés publics se rêvant condottieres d’industrie ». Le paragraphe avait sauté à la maquette, l’hebdomadaire étant à l’époque particulièrement rockuptible. Celui qui, été 2002, avait dû quitter Vivendi la crotte au derrière, s’apprête à khashoggiser Veolia et Suez, avec des airs de vieux sage. « Henri !!! Henri !!! Au secours !!! » 

Bertrand Burgalat



Pourquoi ce livre ?
Henri Proglio : Je ne voulais surtout pas faire un bouquin de souvenirs, parce que ça ne sert à rien. Il y a trente ans, quand les Américains venaient dans notre pays, ils me disaient à quel point ils étaient émerveillés par la créativité de la France et par l’existence ici de leaders mondiaux dans à peu près tous les domaines industriels. On a vu s’effondrer nombre d’empires dont il ne reste plus de trace. Si vous allez en Crète, on vous fait visiter le Palais du Roi Minos. Là, il n’y a rien, même pas un souvenir. Ces pans entiers de l’industrie française, qui ont été balayés par l’Histoire, n’ont pas disparu : j’ai été sollicité par un groupe indien pour faire partie de leur comité stratégique, ils ont racheté récemment ce qui restait de la sidérurgie française, ils se portent très, très bien ! Ce livre, c’est donc pour jeter une bouteille à la mer.

Qu’est-ce qui a provoqué cet effondrement ?
C’est l’invasion des systèmes économiques par une élite issue de la haute administration.

Cela n’existait pas déjà, ce lien entre le pouvoir et les grandes entreprises, du temps de Pierre Guillaumat et de Sylvain Floirat ?
Il y avait de vrais industriels, qu’on appelait capitaines d’industrie quand ils réussissaient, qui menaient des aventures industrielles. Sylvain Floirat, c’était un aventurier qui avait créé un empire, Matra, et qui l’a confié ensuite à un homme qui n’était pas non plus un technocrate, Jean-Luc Lagardère. Un empire qui aura bientôt totalement disparu, mais ça, ce n’est pas la faute de la technocratie, c’est celle de l’héritage. On a une dictature de la haute technocratie d’État qui a envahi le système. Il y a une tendance naturelle à confier le destin de ce pays à ces gens qui sortent de l’Inspection des finances, du Conseil d’État ou du Corps des mines, et ont été formés dans les cabinets ministériels. On en voit le résultat. Vous ajoutez un américanisme galopant, les États-Unis envahissant le monde de manière pacifique avec la gouvernance, la compliance et toutes les règles qui encadrent les entreprises cotées, et vous arrivez à un constat d’échec effrayant.

« LES BANQUIERS D’AFFAIRES N’ONT DE BANQUIER QUE LE NOM …»

 

Ce constat d’échec n’empêche pas certains personnages qui ont tout foiré, comme Messier, de continuer à sévir…
Ah surtout pas ! Polytechnicien, énarque, inspecteur des finances, il incarne ce système. Essayez de retirer de ses propos une conviction, vous n’y arriverez pas. Ces gens-là ne sont pas forcément mal intentionnés, ils ne croient en rien, ils n’ont pas de vision.

Il reste persuadé d’avoir eu raison avant tout le monde avec ses lieux communs sur le numérique… 
Il partage avec certains de nos dirigeants actuels l’absence d’affect, qui fait leur force. Ils n’ont ni convictions ni regrets, ça rend tout possible.

Comment y remédier ?
Je crois aux vraies convictions partagées. Cette caste qui méprise le reste du peuple finira par être balayée. Quand, comment, je ne sais pas.

Et l’inversion des rapports entre l’entreprise et la banque d’affaires ?
Normalement, la finance est au service de l’économie, aujourd’hui l’économie est au service de la finance. Les cours de bourse n’ont plus aucun sens, aucun phénomène concret n’atteint les sphères financières, on va de spéculations en spéculations, de bulle en bulle. La finance est respectable, comme toutes les disciplines techniques. Quand ça devient une fin en soi c’est plus préoccupant. Les banquiers d’affaires n’ont de banquier que le nom, ce sont des conseillers financiers. Un banquier, c’est quelqu’un qui prête de l’argent, les banquiers d’affaires, eux, ne prêtent rien.

Dire que Messier a une banque, c’est un abus de langage. Ce qui est aussi contradictoire avec la justification du capitalisme, c’est l’irresponsabilité et la légèreté de ces dirigeants médiocres. Vous écrivez que certaines valeurs individuelles sont incompatibles avec la conduite d’une grande société. On n’est pas loin du Bushido ou de l’officier en première ligne. Slim Pezin, qui a été le directeur musical de Claude François, explique souvent que si l’idole pouvait se montrer odieux avec son entourage, c’est parce qu’il était odieux avec lui-même, qu’il s’infligeait une discipline de fer…
Pour moi l’autorité nait du respect des autres, pas de la contrainte, ni de la crainte. Chez Veolia j’ai beaucoup fait en matière d’apprentissage, on essayait de donner un sens à l’expression ascenseur social dans notre centre de formation, qui allait du CAP au Bac +5. Quand je remettais les prix, on me demandait souvent des conseils pour réussir et je répondais : « Avant de vous demander si vous méritez la reconnaissance de vos chefs, ce qui est la règle dans le monde actuel, posez-vous la question de savoir si vous méritez le respect de vos collaborateurs. Les gens qui vous tirent vers le haut c’est très bien, mais ceux qui vous portent, c’est beaucoup plus important, car ils sont plus nombreux, plus stables et plus fidèles. » Savoir si je pouvais être digne du respect des gens que je dirigeais, c’est ça qui m’a porté toute ma vie.

On ne voit pas où les caciques actuels pourraient avoir appris ces choses-là…
Je ne vais pas comparer un chef d’entreprise à Napoléon, mais qu’est-ce qui fait que, malgré ses déconvenues et les défaites, ses soldats l’adoraient ? C’est parce qu’il vivait à leurs côtés, qu’il était avec eux. Franchet d’Espérey disait : « Quand on est officier de la Légion, on n’a pas besoin de se retourner pour savoir si les hommes vous suivent ». Si les équipes ont le sentiment que vous êtes simplement guidé par la Bourse, par les aléas et les opportunités, que vous n’avez pas une vision à laquelle vous les associez…

henri proglio technikart
LE PDG ET SON DOUBLE_
Nostalgique d’un temps où la France pouvait encore être fière de son parc industriel, l’ex-boss de Veolia souhaite aujourd’hui enrayer son lent démantèlement.


Mais aujourd’hui, dans les affaires, le modèle de commandement c’est plus Gamelin que Chateau-Jobert… 
Dans le CAC 40, si vous cherchez les capitaines d’industrie il n’y en a pas beaucoup. Un type comme Carlos Tavares, qui n’est pas spécialement jovial, en est un. Ghosn, qui était peut-être un dictateur, aussi.

Que pensez-vous de l’offensive de Veolia sur Suez ?
Du mal. J’ai consacré 39 ans de ma vie à Veolia, j’ai embauché et formé Frérot, alors après il paraît qu’il faut tuer le père, rien de surprenant à ça. Cette opération est un non-sens qui va fortement impacter le métier de la délégation de service public, créé au XIXe siècle, qui implique à la fois des compétences et une compétition. Si vous n’avez pas de compétition je ne vois pas pourquoi vous délègueriez à une entreprise privée un monopole public. Sous prétexte de renforcer Veolia, on va pousser à la régie la plupart des collectivités locales qui ne veulent pas, et on le comprend, d’un monopole privé. Et cela ne se limitera pas à la France, puisqu’on n’aura pas de vrai concurrent mondial. Cette opération est en train d’abîmer les deux groupes dans leur essence même. En 2005, quand il avait été question d’associer nos activités à l’étranger, elles étaient alors complémentaires. Ils ont finalement préféré fusionner Gaz de France avec Suez pour éviter que Suez se fasse acheter par les Italiens. Ils ont évidemment ruiné Gaz de France, comme ils ont ruiné tout le reste.

Et aujourd’hui c’est le démantèlement d’EDF…
Ça fait trente ans que l’Allemagne cherche à le faire. Grand pays industriel, ils connaissent l’importance de l’énergie dans cette compétition. La France possède un atout considérable, EDF, grâce au nucléaire et à l’hydraulique. Il y a eu un triple pari en 1946 : donner à la France une indépendance énergétique, une compétitivité dans ce domaine, et à tous les Français un service de l’électricité de même qualité et de même prix. Cinquante ans après, non seulement le pari a été gagné mais on est deux fois et demi moins cher que l’Allemagne. Ce constat fait l’admiration du monde entier et l’agacement de Berlin. Ça ne s’arrange pas quand, pour des raisons purement politiciennes, Merkel se met en tête de lancer l’energiewende, catastrophe absolue qui met au tapis les deux gros électriciens du pays, fait exploser le coût et les émissions de CO2. Comme il leur est impossible de revenir en arrière, la seule issue est de tuer la concurrence et EDF. 

On a accepté ?
Bon an mal an, la France a résisté. Arrive le candidat Hollande. En 2012 le PS négocie un accord avec les Verts. Le chef de la délégation du PS est Michel Sapin. Un membre de la délégation EELV pousse le bouchon et, au milieu de la nuit, Sapin lui dit « Je vous lâche 24 réacteurs nucléaires ». La moitié du parc nucléaire ! L’émissaire manque de tomber à la renverse, il avait pour mission d’en obtenir deux. Il reste deux heures en interruption de séance tellement il se marre. Président d’EDF, je n’ai pas le droit d’intervenir dans la campagne, mais j’ai quand même 180 000 personnes qui peuvent légitimement se demander pourquoi le chef ne dit rien. À une question de lecteurs du Parisien sur le sujet je réponds : « Si on arrête le nucléaire c’est un million d’emplois détruits ». Hurlements des socialistes. Hollande fait cette déclaration historique : il y a deux mecs que je vais virer immédiatement si je suis élu, c’est Squarcini et Proglio. J’ai tenu jusqu’à la fin de mon mandat. Hollande, réalisant plus tard que Sapin avait signé n’importe quoi, rectifie le tir en disant « deux réacteurs ». Lesquels ? Il cherche la centrale la plus ancienne, c’est Fessenheim. On venait de la rénover complètement à grand frais. Hollande a tout promis, jusqu’à l’inversion de la courbe du chômage, alors va pour la fermeture de Fessenheim. Mais c’est l’actuel Président qui a tenu cette promesse insensée de son prédécesseur.

J’ai l’impression qu’on démolit le nucléaire au moment où il peut venir à bout de ses défauts.
Il faut maintenant qu’on arrive à transformer les déchets radioactifs en matière première, d’où l’importance des réacteurs à neutrons rapides, qui vont transformer les déchets en combustible. Sauf qu’en France on a arrêté toutes les recherches et toutes les expérimentations. On n’existe déjà plus dans le nucléaire. L’EPR est en difficulté, et on mise encore tout dessus. Le modèle nucléaire français risque d’être remplacé par le russe et le chinois, et les Américains qui vont s’y remettre.

Est-ce que l’écologie politique n’est pas ce qui a fait le plus de mal à la planète depuis 45 ans ? La phobie du nucléaire a fait progresser les énergies fossiles, la voiture électrique fait croire à une alternative au rail, les attaques contre la construction de lignes ferroviaires, le folklorisme architectural et la décentralisation ont permis en creux le mitage et la destruction des centre-villes, les lois réglementant les grandes surfaces ont amplifié la corruption des élus locaux, etc. À propos de Davos et Greta Thurnberg vous parlez de dictature de l’insignifiance…
Les écolos sont sympathiques, on leur a expliqué que le vent, le soleil et les vagues peuvent subvenir aux besoins énergétiques de la planète, c’est assez rassurant mais ce n’est pas vrai. La technique les laisse totalement indifférents. Si vous me demandez si les énergies dites renouvelables sont une solution, je vous réponds que c’est une mauvaise réponse à une bonne question. Elles ne sont pas là quand on en a besoin, on n’a pas résolu la question du stockage, les batteries et la production photovoltaïque sont un désastre environnemental, et je n’aimerais pas m’occuper du démantèlement du parc éolien, avec des pales de 32 mètres en matériaux composites indestructibles…

« POUTINE ? JE L’AI TROUVÉ À CHAQUE FOIS TRÈS TIMIDE. »

 

Et l’hydrogène, ça va marcher ?
Je n’y crois pas du tout, c’est un piège à subventions. Il faut beaucoup d’électricité pour fabriquer de l’hydrogène, il n’y en a pas à l’état pur. La France, qui n’est pas le pays qui a dépensé le plus en la matière, a accordé aux énergies dites nouvelles 50 milliards de subventions en dix ans, autant que coûterait le grand carénage du parc nucléaire. Pour produire 2,5 % de l’électricité française depuis 10 ans… 

La commission européenne ne nous aide pas à y voir plus clair ?
Les pays européens ont tendance à faire désigner des seconds couteaux à Bruxelles, à l’exception des Anglais, qui faisaient nommer des gens pervers, totalement acquis aux Britanniques, qui voulaient récupérer le système européen à leur profit. 

Quand j’ai entendu Nathalie Loiseau fanfaronner à la radio, quelques heures avant que le Royaume-Uni signe l’accord sur le Brexit, en disant que Boris Johnson était en train de pleurer sa race tellement on l’avait dérouillé, j’ai compris que les Anglais avaient gagné.
Avec eux, dès qu’un contrat est signé il est rediscuté, c’est pourquoi il doit comporter des poison pills, afin qu’il ne soit pas contesté sur ses clauses principales. Les Anglais quittant Bruxelles laissent la place aux Allemands. Qu’est-ce qui les gêne ? Leur politique énergétique, qu’ils ont complètement ratée. Et EDF. J’avais amené EDF dans un partenariat de gazoduc paneuropéen avec les Russes, South Stream. Les Allemands ont réussi à faire échouer ce projet. Mais depuis qu’ils ont abandonné le nucléaire en 2012, ils ont rouvert leurs mines de lignite et de charbon, ils ont doublé leurs émissions de CO2 et le prix de l’électricité. Ils ont donc absolument besoin de gaz. D’où leur besoin d’un nouveau réseau, Nord Stream 2, passant par la Mer Baltique. Ils sont en guerre avec les Russes sur les droits de l’homme et à peu près tout, sauf sur le gaz. Nous on est plus malins que ça : les Américains nous disent qu’il faut faire la guerre aux Russes, au lieu de laisser les Allemands tranquilles on interdit Nord Stream 2, on vexe les Allemands et ils assassinent EDF. Il y a une volonté farouche de Bruxelles, sous les ordres de Berlin, d’assassiner EDF tant qu’on n’aura pas lâché sur Nord Stream.

Est-ce qu’on n’a pas surestimé Merkel ? Parce que les réformes structurelles, c’est son prédécesseur Schrœder qui les a faites, ce qui l’a amené à être battu…
Vous savez où il est Schrœder ? Il est président de Nord Stream. C’est là que l’Allemagne est raisonnable, parce qu’ils savent qu’ils en ont besoin.

Comment parvenez-vous, en tant qu’ancien président d’une entreprise nationale, à travailler avec le pouvoir actuel en Russie, c’est à dire avec l’ancien appareil du KGB ?
Il est partout le KGB, moi ça ne me gêne pas. Quand j’étais PDG d’EDF j’avais comme interlocuteur Rosatom. Les Russes ont un système nucléaire qui a été entièrement repensé après Tchernobyl, et qui aujourd’hui est remarquable.

Vous racontez dans votre livre le clan Eltsine, voyant Gorbatchev entrer dans la pièce, la quitter aussitôt en le traitant de traître. Qu’est-ce qu’ils lui reprochaient ?
Ils lui reprochaient d’avoir cassé l’Union Soviétique comme continuation de l’ancien Empire russe, et laissé le pillage s’installer par les oligarques.

henri proglio technikart
AVEC LES MAINS_
Lors de cette masterclass accordée aux lectrices et lecteurs de Technikart, M. Proglio prodigue quelques conseils au Président du Syndicat national de l’édition phonographique.


Et Poutine ?
J’ai eu l’occasion de le voir plusieurs fois, et à chaque fois je l’ai trouvé très timide.

On ne peut pas en dire autant de Raffarin avec la Chine et les transferts de technologie. Mata-Hari a été fusillée pour moins que ça…
Vous donnez beaucoup de crédit à Raffarin…

Je n’ai pas dit qu’il s’y connaissait en technologie ou qu’il parlait chinois, mais la France se vante souvent de construire douze kilomètres de ligne à grande vitesse, et ensuite…
La Chine c’est le quart des habitants de la planète, refuser de vendre à l’Asie c’est compliqué. Ce qui importe c’est d’être constamment en avance de phase, d’exporter des matériels, donc des technologies, mais en ayant un temps d’avance dans vos centres de recherche et dans vos projets. Au moins vous leur vendez des équipements, sinon ils se les procurent quand même. Ils achètent tous les modèles d’avions, tous les modèles de centrales nucléaires du monde. Ils voient tout ce qui se fait, puis ils font leur réacteur à eux, qui est un concentré des meilleures techniques existantes dans le monde.

La question subsidiaire : comment trouvez-vous la décision rendue hier pour les écoutes de Sarkozy avec son avocat ?
Je suis assez scandalisé par le principe. Les filets dérivants, le fait de piéger qui que ce soit en le mettant sur écoute pendant dix-huit mois, ça me dérange, et là, en plus, c’est un délit d’intention. Dans quel pays au monde ce serait acceptable ? C’est une honte. 

Le très vertueux Benoît Hamon, dont la compagne fait bénéficier un grand groupe de luxe de ses talents d’influence, avait eu cette phrase élégante qui nous rappelle de bons souvenirs : « Si on n’a rien à cacher, il n’y a pas de problème à être écouté ».
Notre photographe : Même le juge Van Ruymbeke a déclaré qu’il n’aurait jamais épluché les fadettes d’un avocat…
Henri Proglio : Les professionnels de la magistrature savent que c’est inique. Un juge est là pour faire respecter le droit, s’ils se mettent à faire le droit et la loi…

Quand j’avais vingt ans ça m’arrivait d’être écouté, par la fine équipe de l’Élysée ou le juge Bruguière. S’il y a un truc qui n’apparaît jamais dans les fiches d’interception, c’est l’humour, et Thierry Herzog en a beaucoup. Aujourd’hui j’aimerais bien être plus souvent écouté, en tout cas pour mes disques.

Les joyaux de la couronne, avec Pierre Abou, (Robert Laffont, 312p, 20€.)


Entretien Bertrand Burgalat
Photos Florian Thévenard