GILLES CHABRIER, EDMOND DE ROTHSCHILD HERITAGE : « RAFFINEMENT DISCRET »

Gilles Chabrier technikart

Depuis 2015, la Maison Edmond de Rothschild Heritage s’associe à l’artiste verrier Gilles Chabrier pour les bouteilles de sa collection « One ». Résultat ? Quatre opus où le vin se fait art. Interview millésimée.

En 1986, vous dévoilez votre première exposition qui connaît un grand succès. Votre formation ?
Gilles Chabrier : J’ai appris la sculpture au jet de sable dans l’atelier familiale, près de Bastille. J’ai hérité d’un grand savoir-faire exigeant, transmis sur plusieurs générations. J’ai débuté dans les années 1980, au moment du renouveau du verre. Les « grands travaux » de l’ère Mitterrand ont été un tremplin décisif.

Pour les vins Edmond de Rothschild Heritage, vous avez créé quatre collections de bouteilles, pour quatre millésimes de la maison. Était-ce un défi d’envergure ?
Créer un flacon déjà plein, c’est un exercice à part. C’est une gymnastique intellectuelle qui me force à repenser complétement mes gestes. Contrairement à la sculpture, où l’on part d’une matière vide, ici, il faut composer avec un contenant existant, chargé de sens. C’est un dialogue constant entre la main, le vin et le temps. Ici, le vin n’est pas qu’un produit, c’est un processus artistique, une écriture du temps : le luxe ne vaut que s’il est incarné et il faut le représenter en ce sens.

Au début des années 2000, vous rencontrez Ariane de Rothschild, Présidente du Directoire d’Edmond de Rothschild Heritage, qui marque un tournant dans votre carrière. Qu’ont apporté son regard et ses idées à votre travail ?
Ariane de Rothschild a apporté un regard d’une grande exigence. Elle est attentive au moindre détail, à la précision du geste, à l’intention qui sous-tend chaque création. Cela m’a profondément structuré, notamment pour le travail sur les flacons du Château des Laurets Sélection Parcellaire. Contrairement à la sculpture, où le geste devient instinctif, je reste ici en vigilance constante.

L’Opus 4 marque une rupture : il est recouvert de cire rouge. Pourquoi avoir « caché » le verre pour la première fois ?
Je ne suis pas timide quand je suis à l’atelier : j’y vais, je me lance et j’ose. Ariane de Rothschild aime cette générosité dans le geste et dans la matière. La cire est un acte de confiance : elle recouvre, mais ne masque pas. Elle incarne le mystère, la densité d’un millésime exceptionnel. En tant que sculpteur, il m’est parfois difficile de transposer fidèlement mon geste artistique dans les contraintes de l’embouteillage. Il peut s’écouler dix, voire quinze ans entre une intuition, une première demande, et la matérialisation réelle de la bouteille.

Vous avez également créé des flacons pour les parfums Caron, Maison de Haute parfumerie rachetée en 2018 par Ariane de Rothschild.
Avec les parfums Caron, c’est une autre histoire sensorielle. Ariane de Rothchild revient de ses voyages avec des images, des sensations, des carnets. Elle me montre des photos, me raconte ses impressions…et à partir de cela, je crée. Les flacons deviennent une traduction en verre de ses récits.

Vos projets futurs ?
L’entrée du Baccarat Hotel de Rome…

 

Par Paulina Beaudlet
Photos Jeanne Pieprzownik