Pionnière de l’art lunetier à la française, la marque d’optique marseillaise J.F. Rey fête cette année ses quarante ans. L’occasion pour son directeur général, Fabrice Albert, de faire le bilan de décennies d’innovation et d’élégance. Interview frenchie.
J.F. Rey existe depuis 1985. Quel est le bilan de ces 40 années d’innovation ?
Fabrice Albert : L’innovation, même après quarante ans, c’est se réinventer tous les jours, aller chercher de nouvelles techniques, de nouveaux matériaux, de nouveaux brevets. On peut réinventer les charnières, la façon d’assembler, etc. Aujourd’hui, c’est l’impression 3D qui arrive dans le secteur d’activité. La réalité augmentée est aussi à prendre en compte, elle sera intégrée aux verres, mais il faudra aussi qu’on puisse l’intégrer aux montures.
Comment définiriez-vous votre marque ?
Notre ADN, c’est l’innovation, l’audace et surtout l’excellence.
Un exemple d’audace chez vous ?
Oser des associations de couleurs inattendues, c’est notre manière de surprendre en permanence.
Et l’excellence ?
C’est avant tout la qualité. L’optique, c’est de l’artisanat. On s’efforce d’être des artistes, mais nous sommes des artisans avant tout. L’excellence, ce sera aussi la qualité de nos services, notre capacité à accueillir et accompagner nos opticiens et nos clients.
Depuis votre arrivée chez J.F. Rey, il y a plus d’un an, vous parlez beaucoup de la French touch de la lunetterie.
À mon sens, la French touch se révèle dans l’audace créative. Il y a quarante ans, deux révolutions ont secoué le marché de l’optique. D’abord, l’arrivée des griffes, avec Emporio Armani, puis Gucci, Chanel, etc. Et puis la création de tout le mouvement de la French touch. La lunette est passée du statut de prothèse médicale à celui d’accessoire de mode, complétant la personnalité des porteurs. Et cette nouveauté, on la doit aux Français.
Lesquels en particulier ?
Ce sont des noms très connus, comme Alain Mikli qui s’est associé à Stark, Anne & Valentin, et puis Jean-François Rey, créateur de la marque J.F. Rey. Tous ceux-là ont participé au raffinement, à l’audace, à la création dans le domaine de la lunetterie, avec cette volonté de donner au porteur de lunettes la possibilité de mieux voir et d’être mieux vu.
Comment J.F. Rey apporte la French touch au reste du monde ?
Pour le reste du monde, l’optique française, c’est le luxe accessible, c’est le chic. Et c’est cet équilibre entre audace, innovation et raffinement qui a fait notre succès et qu’il faut continuer à chercher. D’où notre volonté de réinvention constante, même si une monture J.F. Rey se reconnaît au premier coup d’œil.
Comment maintenez-vous cet équilibre entre artisanat et modernité ?
C’est tout l’enjeu de notre profession. L’artisanat, c’est de continuer de faire des petites séries pour que chaque porteur puisse se sentir unique et singulier. On ne multiplie pas les séries à l’infini. Quant à la modernité, nous intégrons autant que possible toutes les nouvelles technologies, donc le digital, et côté fabrication et côté vente.
En quoi êtes-vous une marque de luxe accessible ?
Nos fabrications, tout en se donnant pour ligne directrice le chic et le raffinement, doivent être destinées au plus grand nombre. Nous faisons en sorte que les prix ne s’envolent pas, que les arbres ne montent pas jusqu’au ciel comme on dit.
Qu’en est-il de la durabilité, chère à la Gen Z ?
Pour nous, c’est de maintenir une position inverse à celle du greenwashing, avec trois grands axes : rapatrier toutes nos productions en France le plus vite possible. Parce que l’empreinte CO2 est en majeure partie générée par le transport. Relocaliser est le premier geste concret pour réduire notre empreinte carbone. Le second se rapporte aux matériaux, lesquels utiliser, comme l’acétate dont l’empreinte CO2 est moindre selon les provenances. Il y a aussi tout l’entourage de la lunette, les PLV (publicité sur lieu de vente, ndlr), les cartons, etc. Là aussi, nous nous inscrivons dans une véritable démarche RSE. Le troisième axe, c’est l’effort mis sur la possibilité de réparer les lunettes, démonter un morceau de la charnière, changer une vis, etc.
Quelles sont les tendances lunette pour les six prochains mois ?
On ressent que les lunettes sont plus légères, moins épaisses. Après des années d’oversize, on observe un retour vers des lignes moins grandes et plus légères. On note le retour, doucement, du métal. Je dirais que globalement l’industrie de l’optique tourne entre le plastique et l’acétate d’un côté, et le métal de l’autre. On remarque aussi une façon un peu plus élégante de travailler les branches. Enfin, toujours dans la même logique de distinction à la française, les logos se voient de moins en moins. En tant qu’indépendant, cette tendance nous fait très plaisir, et s’inscrit aussi dans notre philosophie globale : une recherche d’excellence au service de l’élégance.
Par Laurence Rémila & Violaine Epitalon
Photos Basile Bertrand