Vu au New Morning, daoud est à entendre en live (où il mélange one-man-show timide et drôle, et jazz groovy, ultra rythmé). À rebours des codes du jazz, rencontre avec un musicien sûr de lui, à quelques jours de son live au Nice Jazz Fest.
Ton surnom : « L’enfant terrible du jazz français ».
Daoud : C’est ironique. J’aime jouer au méchant. Mais c’est davantage une façon d’exprimer que je fais de la musique, du jazz en particulier, sans faire de compromis.
Faire du jazz implique de faire des compromis ?
J’en ai eu l’impression, dans la forme et dans le fond. Je me suis créé une réputation par les réseaux sociaux, ce qui ne se faisait pas dans le jazz. Puis, musicalement, il y a la lignée, le respect des générations, la tradition et l’histoire… Coltrane ! Davis ! C’est plus présent que dans les autres styles musicaux.
Tu as sorti ton premier album, GOOD BOY, par tes propres moyens. Succès au-delà de tes espérances ?
Et de celles de tout le monde ! Je l’ai enregistré en deux jours, à la suite d’une résidence, puis j’ai pris la sortie de cet album très au sérieux.
C’est-à-dire ?
J’ai passé huit mois à le promouvoir intensément sur les réseaux sociaux. Heureusement, j’ai évité des erreurs grossières, mais j’en ai fait d’autres…
Lesquelles ?
Eh bien, je n’ai pas acheté d’abonnés ou de likes, parce que, même si les gros labels font ça, c’est complètement contre-productif. Meta le sait et défavorise in fine la visibilité de ton compte. Et puis, ça ne vaut strictement rien. Un bot ne viendra pas me voir en live. En erreur, j’ai surtout parfois mal ciblé, mais finalement, l’album a fait beaucoup de bruit.
Ton enseignement ?
Les artistes font leur musique, puis laissent leur projet se défendre presque de lui-même, et regrettent enfin d’être des poètes maudits. Je ne voulais pas de ça : au contraire, j’ai fait de la promotion de mon projet un job à temps plein.
Avec Photons, Léon Phal ou Fellas, tu fais partie de la nouvelle génération du jazz français. Votre point commun ?
Notre démarche n’est pas un rejet total de la tradition, puisqu’on continue d’utiliser les codes de l’improvisation et de l’interaction avec les musiciens qui font qu’on aime le jazz, mais je ne me sens pas obligé de coller à quoi que ce soit, sinon faire une musique puissante, mêlant toutes mes influences : hip-hop, électro, métal…
Le point de départ ?
Robert Glasper, qui, dès 2007, a mélangé rap, musiques électroniques, à un moment où le jazz était dans une phase de conservatisme. C’est comme dans tout : quand un genre perd de la vitesse, il y a une vague hyper traditionnelle. On s’attend à ce que les musiciens deviennent des historiens de leur genre.
À Paris, La Gare/Le Gore participe du développement de cette scène. À Toulouse, quel est le point névralgique de l’avant-garde jazz ?
Le Taquin, un club associatif qui fait entre 150 et 200 concerts par an, entre la nouvelle garde expérimentale et des New-Yorkais qui passe par là, pour couper entre Paname et Barcelone.
Le 24 juillet prochain, tu seras au Nice Jazz Festival. Quels sont les artistes de cette édition que tu ne veux pas manquer sur scène ?
Jorja Smith ! Il y a Raye également. Et China Moses, parce que c’est le sang de la veine absolue. Avec Jean-Michel Proust, le président de l’Académie du jazz, ce sont les deux personnes qui m’ont le plus soutenu. Vive China !
Ton deuxième album, ok, sortira le 29 août, cette fois avec le label allemand Act. La suite ?
Promouvoir cet album, développer la scène toulousaine… Tout fracasser ?
Par Alexis Lacourte
Photo Axel Vanhessche