ALI RAMI, LE SERIAL ENTREPRENEUR : « LA JEUNESSE N’EST QU’UN MOT »

Ali Rami

Nous avons rencontré le cofondateur de Mansa, première solution de financement pour les indépendants et TPE, à l’occasion d’un sondage exclusif sur les jeunes et le travail.

Rares sont les occasions de rencontrer de véritables artisans d’avenir. Ali Rami incarne parfaitement le propos qu’il défend et pourrait être l’ambassadeur de cette nouvelle envolée de l’entreprenariat et du travail indépendant. Il monte sa première entreprise à 16 ans avec deux associés de son âge et cherche déjà à répondre à des problématiques concrètes pour sa génération, en créant un service quotidien de synthèse de la presse, afin d’accompagner les étudiants qui préparent les épreuves de culture générale. Cette plateforme réunira plus de 10 000 utilisateurs réguliers. Fort de ce succès, et alors qu’il rentre à Sciences Po après son bac, il s’intéresse de près au phénomène de croissance exponentielle des créations de TPE (très petites entreprises) et partage avec ses associés l’ambition de faire les choses en grand. À 21 ans, il fait le choix de quitter l’école pour se consacrer entièrement à la nouvelle entreprise dont il est à la tête : Mansa. Leur mission ? Accompagner et proposer des solutions de financements aux indépendants et petites entreprises. Calme et mesuré, il semble maîtriser cette force tranquille qui le rend naturellement digne de confiance. C’est sans compter l’humilité qui le retient de me dire qu’il donne maintenant cours à Sciences Po, qu’il avait pourtant quitté au bout d’un an, aux élèves en Master de finances. On attend toujours des jeunes dont on parle qu’ils se fassent l’étendard de la jeunesse, ce qu’il se refuse à faire en citant Bourdieu : « La jeunesse n’est qu’un mot », elle est hétéroclite et polymorphe. Alors, s’il n’est pas le pur produit de la jeunesse, on peut dire sans scrupule qu’on aimerait qu’il le soit.

Mansa, la Fintech qui finance l’économie réelle
Si Mansa a été lancée début 2020 pour financer les projets des freelances et indépendants, mal servis par les banques, son regard se tourne maintenant vers un marché bien plus vaste et ancré dans l’économie du quotidien : nos chères TPE. Du boulanger qui souhaite changer de four au e-commerçant qui doit constituer du stock, Mansa offre une solution d’échelonnement permettant aux dirigeants de TPE et indépendants de mieux gérer leur trésorerie. La jeune pousse a déjà levé 20 millions d’euros pour accorder des crédits aux entrepreneurs, directement réinjectés dans l’économie, à un rythme d’un million et demi par mois. Tout cela sans paperasse et sans délais : une Intelligence Artificielle scanne le compte bancaire du demandeur et lui donne une réponse immédiate. Une véritable uberisation du crédit bancaire. Avec déjà 30 salariés, des partenariats de premiers plans et une croissance insolente, cette toute jeune Fintech est incontestablement une valeur à suivre. Entretien avec Ali Rami, jeune boss optimiste. 

Les jeunes en ont-ils fini avec les carrières interminables dans la même boîte ?
Ali Rami : Le premier chiffre qui me vient est celui des 71 % des 18-30 ans qui veulent monter une entreprise ou se mettre à leur compte, et plus 52 % qui ne se voient pas rester dans la même boîte. Il sont attirés par la flexibilité que leur donne cette indépendance, mais ont quand même besoin d’une forme de sécurité. Il y a aussi une mesure plus philosophique de ce choix, puisque 90 % des indépendants le sont par choix. Il y a une dimension de réappropriation du sens de son travail.

La France est-elle un pays d’entrepreneurs ?
En 2020, le nombre de création d’entreprises a atteint les sommets, avec plus de 500 000 nouvelles entreprises. Il y a une sincère ambition entrepreneuriale, qui est à nuancer car elle souffre de beaucoup de freins. Le souci de la rentabilité, le manque cruel de préparation par les écoles, et le manque de formation commerciale ou administrative. Pour faire simple, on ne leur facilite pas la vie.

Que peut-on faire concrètement pour les accompagner ?
Je pense qu’il faut faire un vrai travail d’informations en amont pour ouvrir cette option, débloquer l’accès au financement et mobiliser les médias pour préciser l’image des indépendants, qu’on arrête souvent au secteur du VTC ou de la livraison (alors qu’ils ne représentent que 200 000 personnes sur les quatre millions d’indépendants).

La liberté est-elle la nouvelle sécurité ?
Nous vivons une crise sans précédent, dont notre génération a parfaitement conscience : il y aura moins de recrutements, le salariat se raréfie et de plus en plus de gros groupes feront directement appel à des freelances. Sans dire que la liberté est la nouvelle sécurité, on peut dire que s’ouvrent de nouvelles voies pour les jeunes actifs dans lesquelles il faudra trouver l’équilibre entre la liberté et la sécurité. Et la jeunesse a besoin de liberté. Le plus important c’est de leur ouvrir des voies praticables et d’accompagner ce changement de paradigme.


Par 
Melchior Riant
Photo Hadrien Hannoun

LA JEUNESSE EN CHIFFRES 

La jeunesse française est majoritairement tentée par le travail indépendant et par l’aventure entrepreneuriale, bien qu’elle ne s’y sente pas assez préparée.

BONNE NOUVELLE ! LES JEUNES FRANÇAIS OPTIMISTES SUR LEUR AVENIR PROFESSIONNEL.
51 % considèrent que la crise sanitaire et ses conséquences ont impacté leur projet professionnel. 
83 % se sentent optimistes pour leur situation professionnelle et ce chiffre est plus élevé chez ceux qui sont déjà actifs (86 %). 

UNE REMISE EN CAUSE CROISSANTE DU MODÈLE DU SALARIAT.
Longtemps considéré comme un symbole de sécurité et presque un passage obligé dans le processus d ’insertion dans la vie professionnelle, le salariat n’a plus autant la côte auprès des jeunes Français. 
79 % continuent à juger que le salariat est source de sécurité et de confort.
73 % le trouvent rigide. 
59 % le considérent archaïque. 

UNE TRÈS FORTE ASPIRATION À L’ENTREPRENEURIAT ET AU TRAVAIL INDÉPENDANT.
83 % perçoivent l’entrepreneuriat et le travail indépendant comme un vecteur d’épanouissement.
86 % l’associent à la créativité. 
85 % l’associent la liberté et l’autonomie. 

CONSÉQUENCE : LES JEUNES FRANÇAIS SONT TENTÉS PAR L’AVENTURE ENTREPRENEURIALE. 
71 % affirment vouloir un jour créer leur entreprise, en reprendre une ou se mettre à leur compte – dont 26 % « certainement ».
Contrairement aux idées reçues, les jeunes ne manifestent pas d’aspiration majoritaire au télétravail :
69 % préfèrent travailler in situ.

DES FREINS QUI CONTINUENT NÉANMOINS À DISSUADER LA JEUNESSE DE SE LANCER.
52 % continuent à considérer qu’il est difficile de se lancer comme indépendant ou de créer une entreprise en France. 
24 % d’entre eux citent le fait de « réussir à être rentable » comme principale difficulté.
18 % celui d’accéder à des financements et au crédit.
14 % le défi de trouver la bonne idée et le bon concept.
63 % d’entre eux considèrent en effet que l’Éducation nationale ne les prépare pas suffisamment à l’entrepreneuriat et au travail indépendant.
51 % ne s’estiment pas suffisamment informés sur les démarches à lancer et les aides à solliciter.

« Il reste à observer si l’attrait pour ces modes de travail, percus comme étant plus « flexibles » et dans l’ère du temps, pourront se concrétiser, les jeunes souffrant d’un déficit d’informations sur l’étape cruciale de lancement de leur activité », analyse dans l’étude le sondeur et politiste Jérôme Fourquet.