ACTRICE (MAIS PAS TROP) : EVA IN PARIS

EVA VICTOR in Paris Technikart

La comédienne Eva Victor, révélée par la série Billions, partage son temps entre grosses prods et œuvres indie. Elle est passée nous rendre visite lors de son dernier séjour parisien.

Dans les séries, vous jouez souvent des jeunes de la Gen Z qui remettent en question leur environnement. Êtes-vous aussi engagée que les personnages que vous jouez ?   
Eva Victor : J’ai eu la chance de jouer des rôles de personnes qui essaient de faire le bien. J’aime l’idée que ma génération veuille que le monde soit meilleur, qu’elle ait au moins cet l’espoir-là. Comme je peux être assez pessimiste,  c’est inspirant pour moi de les jouer.

Vous êtes en grève en ce moment.
Oui, en soutien à la Writers’ Guild of America (WGA). Je me sens chanceuse de la faire avec les autres membres de mon syndicat, SAG, sachant que nous agissons pour celles et ceux qui s’en sortent le moins bien : beaucoup ne gagnent même pas de quoi avoir droit à une assurance maladie (le seuil étant fixé à 27 000 dollars par an). C’est insensé.

Les négociations avancent lentement.
Oui, parce que les studios et les plateformes de streaming veulent continuer de gagner des milliards à notre détriment. Ils ne sont pas prêts à abandonner ce qu’ils ont acquis sur notre dos. En ce moment, ils veulent le droit à notre image pour toujours en se servant d’Intelligence Artificielle afin de supprimer nos emplois. C’est effrayant. Ils ne veulent pas reconnaître la valeur que nous, les artistes, apportons au monde. C’est insensé, et dévastateur. Là, ils veulent faire traîner les choses pour qu’on finisse par abandonner. On doit tenir bon.

Vous êtes également auteure, avec des textes parus dans le New Yorker.
Si je ne pouvais pas écrire, je ne sais pas ce que je ferais. Je suis tellement reconnaissante que ce soit un travail, que j’ai pu gagner de l’argent grâce à mes écrits. Les gens pensent parfois qu’écrire ou jouer la comédie, ce sont des métiers de rêve, et ils ne méritent donc pas d’être vraiment payés. Non, c’est un travail, quotidien, solitaire, complexe… Il faut le valoriser !   

Vous êtes née à Paris. Comment êtes-vous passée de la France à Los Angeles ?
Oui, je suis née ici, dans les années 1990. Ma mère a vécu ici une dizaine d’années, elle était architecte. Et environ un an et demi après ma naissance, elle a déménagé à San Francisco où elle a rencontré celui qui m’a élevé avec elle.

Comment avez-vous commencé à jouer la comédie ?
J’ai su que je voulais être actrice à 18 ans. J’ai étudié le théâtre à l’université, puis j’ai déménagé à New York et je me suis dit : « Il faut que ça marche ! » J’ai commencé à passer des auditions, j’ai joué dans quelques pièces, j’ai réalisé mes propres petites vidéos que je mettais en ligne. J’ai fait cela pendant environ deux ans, ça m’a fait connaître. Et j’ai été sur le plateau d’un tournage pour la première fois et j’ai compris que c’était bien ce que je voulais faire.

Sur votre bio pour les réseaux sociaux, vous mettez les pronoms « she » et « they ».
Je me sens plutôt fluide, et je pense que cette attitude se traduit dans tout ce qu’on fait. Je ne me qualifierais pas d’actrice, par exemple, je fais simplement ce que j’ai envie de faire, quand je le peux. Ici, vous avez « iel », mais c’est moins répandu, c’est ça ?

Oui, ça reste au sein d’un groupe restreint de personnes.
J’aime quand les gens utilisent « they » ou « she » de manière interchangeable, parce que cela me rappelle ma fluidité. Et j’aime quand ça déroute les gens. Je pense que nous vivons dans un monde tellement binaire que ce genre de choses mérite d’exploser et de dépasser le binaire.

Êtes-vous viscéralement new-yorkaise ?
J’adore cette ville. Mais là, j’ai quitté New York et beaucoup voyagé depuis deux ans. Chaque fois que j’y retourne, je me dis que c’est une ville magnifique, comme Paris, avec sa magie particulière. Vous pouvez vous promener, les rues sont animées… Il est difficile de s’y sentir seul.

Contrairement à Los Angeles ?
Je viens du nord de la Californie. J’y ai passé beaucoup de temps l’an dernier pour voir ma famille et profiter de la nature qui y est plus facilement accessible qu’à New York. Il y a quelque chose de vraiment magnifique dans le fait d’être dans une cabane, seule, dans la nature californienne.

Vous avez besoin de solitude ?
J’ai besoin de beaucoup de temps pour réfléchir. Alors, oui !

Vos séjours parisiens, ce sont des sortes de pèlerinages ?
J’essaie de revenir ici une fois par an. Pour me ressourcer, pour visiter l’endroit où ma mère m’a donné naissance. Vous imaginez ? On est dans les années 1990. Cette femme est enceinte, seule, américaine. Je me dis que si elle a donné naissance à un bébé au milieu de la nuit à Paris, dans une ville dont elle ne parlait pas très bien la langue, et dans un hôpital entouré d’infirmières françaises fumant des cigarettes pendant qu’elle accouchait, je peux tout faire !

Quand vous êtes à Paris, vous vous sentez connectée à elle ?
À chaque fois ! Nous avons d’ailleurs chacune le même tatouage de l’île Saint-Louis au bras. Quand ma mère s’est fait tatouer, elle a failli s’évanouir, mais c’était vraiment mignon. Un jour, on viendra s’installer ici pour y vieillir ensemble. Un jour.

 

Entretien Anaïs Dubois & Laurence Rémila
Photos Julien Grignon

 

Eva victor
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