Après le 7 Octobre 2023, une famille se bat pour faire libérer leur fille et leur gendre, otages du Hamas. Signé Brandon Kramer, Holding Liat est un documentaire miraculeux qui prône la paix et la tolérance. Rencontre.
Pourquoi êtes-vous documentariste ?
Brandon Kramer : J’ai l’impression que mes documentaires sont du cinéma vérité, des films d’observation. Avec eux, je peux tenter d’expliciter, avec un éclairage intime et authentique, la complexité du monde, des expériences humaines, sociales et politiques.
Holding Liat est centré sur une famille israélo-américaine qui se bat pour la libération de ses proches retenus en otage par le Hamas après le 7 Octobre et l’attaque du kibboutz Nir Oz. Vous connaissiez la famille Atzili ?
Je suis un parent de la famille Atzili. Lors de ma première visite en Israël, il y a plus de vingt ans, j’ai séjourné chez Yehuda et Chaya dans leur kibboutz. Je les connais bien, et c’est cette relation même qui explique l’existence de ce film.
Quand avez-vous décidé de faire votre film ?
Environ une semaine après le 7 Octobre, lorsque Liat et son mari Aviv ont été enlevés. J’ai appelé Yehuda et Chaya, les parents de Liat, pour prendre de leurs nouvelles, sans aucune intention de faire un film. Au cours de cette conversation, ils nous ont confié, à mon frère et moi, qu’ils n’obtenaient aucune réponse du gouvernement israélien. Liat étant à la fois citoyenne américaine et citoyenne israélienne, ils prévoyaient de prendre l’avion pour Washington D.C., afin de plaider en faveur de sa libération. Mon frère et moi sommes documentaristes et vivons à Washington. Nous avons décidé de prendre notre caméra et de les filmer. Nous pensions que le tournage durerait quelques jours. Puis, en commençant à documenter l’expérience familiale, nous avons eu le sentiment que ce qu’ils traversaient, leurs sentiments face à leur traumatisme, leur deuil et leurs opinions politiques, n’étaient pas reflétés dans les médias, ni sur les réseaux sociaux. Nous avons senti qu’il y avait une histoire bien plus complexe à raconter. Et donc, ces quelques jours de tournage se sont transformés en un voyage de près de deux ans.
Avec votre film, on découvre que les familles des otages sont également otages.
Dans la première partie, on suit les parents qui tentent d’avoir des nouvelles de leur fille et leur gendre, de gérer leurs différends, leurs angoisses, et d’essayer de les ramener chez eux pendant 54 jours…
Avec la libération de Liat, un autre film commence…
Lorsque Liat a été libérée, nous avons décidé qu’il était crucial que le film, à partir de ce moment-là, soit véritablement centré sur son expérience. Lorsqu’elle a été libérée aux deux tiers du film, nous avons pris la décision de suivre à son retour. J’étais vraiment curieux, quel sens allait-elle donner à son histoire ? Elle a été en captivité pendant 54 jours, son mari a été tué. Que ressent-elle et que veut-elle ? Et c’est ce qui m’a intrigué pendant ces derniers mois de tournage.
J’ai l’impression que dans les médias, on ne parle plus vraiment des otages israéliens. Est-ce que vous avez réalisé ce film pour donner un visage aux otages.
J’ai fait ce doc pour montrer l’humanité de Liat et de sa famille. Il est fondamental de voir quelqu’un comme Liat qui, après avoir traversé tout ce qu’elle a traversé, exprime cette empathie pour les Palestiniens qui souffrent et qui souhaite que toute cette violence cesse.
C’est le miracle de votre film, qui prône la tolérance et la paix.
Oui, si les atrocités qui se produisent actuellement à Gaza, en Cisjordanie et dans toute la région sont une réponse aux événements du 7 Octobre, alors il est vraiment important que le public puisse entendre les victimes de cette journée. Liat est l’une de ces victimes, et elle a clairement indiqué qu’elle ne voulait pas qu’un seul Palestinien ou Israélien soit blessé, tué ou expulsé de ses terres ou de son foyer en représailles pour ce qui lui est arrivé. Et je pense qu’il est vraiment important que le public puisse écouter son expérience et son point de vue.
Que pensez-vous de la situation à Gaza et en Israël en ce moment ?
C’est une atrocité. Je pense qu’il est impossible de justifier que des enfants meurent de faim. Il est impossible de justifier l’expulsion des gens de chez eux. Il est impossible de justifier le bombardement de vastes zones, où des dizaines de milliers de personnes sont tuées. C’est tout simplement absolument dévastateur et odieux.
Savez-vous comment tout cela va finir ?
Je suis cinéaste, je ne sais pas comment ça va finir, mais je pense que raconter l’histoire de personnes qui ont directement souffert de ce conflit, qui ont choisi la voie de la paix et de l’empathie, est une façon de contribuer à mettre fin à ces horribles cycles de violence. Ce n’est pas un doc sur le 7 Octobre, c’est un film sur l’expérience d’une famille. Mais je pense qu’il peut ouvrir le cœur du public de manière significative.
Holding Liat de Brandon Kramer
Sortie à l’automne
Par Marc Godin