VARNISH LA PISCINE, PROG-RAP : « MAIS OÙ EST PASSÉ STEREOLAB ? »

Varnish La Piscine

La signature la plus excitante de Ed Banger ? Le producteur et rappeur suisse Varnish La Piscine. On le retrouve avec son quatrième album, This Lake Is Successful : environ mille micro-samples pour ce sept-titres aux éclairs de génie. On l’écoute.

Tu as d’abord été reconnu en tant que producteur pour le rappeur suisse Makala. Est-ce que dès les premiers projets en 2013, tu te voyais également poser ?
Varnish La Piscine : J’ai choisi de produire, parce que la musique me parlait, mais j’ai toujours voulu interpréter. C’est venu au flow. Makala, je l’ai rencontré dans un stade de foot, à treize ans : alchimie immédiate. Il faisait du son lui aussi, alors je lui ai envoyé une prod et il m’a répondu : « C’est nul ! » Finalement, ça s’est fait (rires). Mais étudier la musique que j’écoute dans l’idée d’en faire, ça date de mes cinq ans et de ma découverte d’In Search of… des N.E.R.D (Virgin Records, 2001).
 

« JE JOUE DU CLAVIER, MAIS JE NE SUIS PAS HERBIE HANCOCK OU STEVIE WONDER ! »

 

Dans l’ensemble de tes projets, solo ou avec Makala, on sait lorsque tu es passé sur un morceau, comme on reconnaîtrait une production de Kaytranada. Un son de synthé groovy, dansant et une certaine dose de fantasy. Une recette ?
Pas du tout, c’est le feeling du studio et de ce que je veux faire lorsque j’entre dedans ! Je sample beaucoup et par-dessus, je compose. Tu vois, je joue du clavier, mais je ne suis pas Herbie Hancock ou Stevie Wonder, je ne comprends pas les partitions et je m’en fous. Mais à force de faire, avec l’amour que j’ai pour les synthés, j’ai trouvé mon son. La musique rétro me parle, les sons des synthés me parlent… Je suis assez nostalgique.

Quels sont tes disques fétiches ?
In My Mind de Pharrell Williams (The Neptunes, 2006), Dots and Loops de Stereolab (Elektra Records, 1997), The Return of the Space Cowboy de Jamiroquai (Work Records, 1994), les albums de Kanye West… D’ailleurs, où est passé Stereolab ?

Le 19 février 2023, le new D.A. de Louis Vuitton Homme, Pharrell Williams, est « aperçu » avec le vinyle pas encore disponible de This Lake is Successful. Tu peux m’expliquer cet énorme coup de comm’, précédé par Tyler, the Creator qui avait partagé le morceau « Ring Island », quelques jours plus tôt ?
Toutes les personnes qui connaissent Varnish savent que Varnish est un stan de (fan de, ndlr) Pharrell et de Tyler. Ce n’est même pas comme on peut l’entendre, d’ « être validé », c’est une forme de consécration qui me confirme que je vais dans la bonne direction. Pour moi, c’est l’arbre généalogique plus qu’une certaine école. On se comprend musicalement, esthétiquement, créativement…

À seize ans, tu commences à travailler avec le label Suisse Colors. Pour ce quatrième projet – Solo -Escape (F-R Prelude) en 2016, Le Regard Qui Tue en 2019 et Metronome Pole Dance Twist Amazone en 2020 –, tu as signé chez Ed Banger Records. Pourquoi ?
C’est un peu le seul label auquel je m’identifie. Pedro Winter, au-delà du fait qu’il ait managé les Daft Punk, est un pionnier de la French Touch et Ed Banger a une renommée mondiale. Puis dans mon adolescence, j’écoutais énormément ce que sortait le label. Discovery des Daft Punk (2001) est un disque fondamental pour moi. Et, je pense apporter un truc au label. Pedro aime ce que je fais, et lui aussi imagine qu’on peut amener de la nouveauté ensemble. Enfin, Dj Mehdi était chez Ed Banger : il faut l’honorer.

Tu as vu les tutos d’André Manoukian sur toi ? J’ai appris par lui que tu travaillais avec l’enthousiasmant jazz-band L’éclair ?
Le mec de La Nouvelle Star ? J’ai vu, c’est n’importe quoi, il a dit beaucoup de conneries ! Mais effectivement, Elie et Stef, bassiste et guitariste de L’éclair, ont joué sur This Lake. J’écoutais leurs musiques sans savoir qu’ils enregistraient un étage au-dessus de moi, au studio Colors. Un jour qu’ils passent à la radio, je dis que je veux bosser avec eux, alors on les contacte. Un rendez-vous est pris. On suit l’itinéraire sans capter qu’il nous mène au studio. On arrive devant sans trop se poser de questions, on monte et les gars disent, « Varnish veut bosser avec vous – Varnish ? Mais on veut trop travailler avec lui ! ». En fait, je les croisais tout le temps.

Quels sont les autres feat de l’EP ?
Snubnose Frankenstein pose sur le morceau « Quartz freestyle », c’est un rappeur et producteur d’Atlanta que je suis depuis que j’ai 17 ans et que je kiffe. Ensuite, Rico TK, Makala, Rainy Milo et Gracie Hopkins. Gracie m’a beaucoup aidé dans le mix, c’est pour moi un des meilleurs producteurs qui existe sur terre. Plus le temps passe, plus j’aime travailler avec d’autres personnes, mais il faut avoir confiance : je ne laisse pas mes morceaux à n’importe qui. Je ne veux pas que quelqu’un vienne mettre ses putain de synthés dans mes sons. J’ai confiance en deux personnes : Théo Lacroix (le cofondateur de Colors Records, ndlr) et Gracie Hopkins.

« Ring Island », une voix de crooner et une ambiance disco-pop ?
Ma voix est doublée avec une espèce de reverb fin nonante. Le son fait référence aux jeux vidéo, à Sonic, tout un univers important pour moi. Street Fighter, Gran Turismo, Zelda, Final Fantasy, Pokémon : t’as des musiques incroyables.

En parallèle de l’EP, tu as sorti une série de courts-métrages sur YouTube
La série est venue à mi-chemin de l’EP, et je la kiffe !

Quels sont tes films favoris ?
Fellini, Satyricon, Wes Anderson, The Grand Budapest Hotel, Jodorowsky, La Montagne Sacrée, les Star Wars, les Hannibal Lecter…

Varnish La Piscine, This Lake Is Successful (Ed Banger Records).

 

Par Alexis Lacourte
Photo Liswaya