FESTIVAL DE DINARD : CHARLOTTE GAINSBOURG ET CINÉMA INTERACTIF

The Gallery

Le 33e festival du film britannique de Dinard s’est ouvert mercredi 28 septembre. Au programme, une quarantaine de films, dont six en compétition : des films d’auteur, des comédies, des drames, des films d’époque, des documentaires, des séries, et même un film… interactif. Parmi les plus attendus, une bio d’Emily Brontë (Emily), un doc sur Sinéad O’Connor (Nothing compares), un autre sur les nouveaux romantiques (Tramps !), un film avec Benedict Cumberbatch, un dessin animé (My old School) et la sensation du festival, l’excellent Les Banshees d’Inirsherin, le nouveau Martin McDonagh, le réalisateur surdoué de Bons baisers de Bruges et de Three Billboards.

Président de cette édition, José Garcia – entre deux vannes sur son complice Antoine de Caunes – a dynamité la cérémonie d’ouverture, et lancé la présentation de The Almond and the Seahorse. Le film est adapté d’une pièce de théâtre et parle de personnages affectés par des lésions cérébrales : des malades qui ne reconnaissent plus leurs proches ou (re)découvrent chaque nouveau matin qu’ils ont été victimes d’un accident de voiture ou d’un AVC. Bref, c’est Un jour sans fin version trépanés, avec un quotidien transformé en enfer et des conjoints dévastés. Le problème, c’est que ce mélo sur l’oubli cherche un peu trop à faire pleurer dans les chaumières, avec un scénario parfois répétitif. Néanmoins, The Almond and the Seahorse est sauvé par son casting : Charlotte Gainsbourg, comme toujours exceptionnelle, l’humoriste Rebel Wilson et Ceylin Jones, bien meilleur acteur que metteur en scène. Il a est néanmoins épaulé à la réalisation par le chef ope de Clint Eastwood, le génial Tom Stern.

UNE EXPÉRIENCE DE CINÉMA

Présenté le lendemain, The Gallery, de Paul Raschid, est une curieuse expérience interactive, un thriller malin et manipulateur où les spectateurs sont invités à voter au fur et à mesure de la projection pour écrire le destin des personnages. Le « film » se développe sur deux périodes et deux prises d’otage. 1981, une galeriste londonienne se retrouve prise en otage par un peintre raté qui place une charge explosive sous sa chaise. 2021 : l’histoire se reproduit, mais cette fois, c’est un galeriste qui est persécuté par une femme. À partir de cette double intrigue, le spectateur va réagir. Muni d’un bâtonnet fluorescent, il doit intervenir toutes les cinq minutes et voter. L’image se fige et en bas de l’écran, deux options lui sont proposées pour le personnage. Doit-il s’enfuir ou crier ? Prévenir la police ou pas ? Se lever de son siège piégé ou resté tranquillement assis ? Tuer un personnage ou un autre ? Le spectacle est alors dans la salle car le public se gondole doucement devant les choix, remue frénétiquement son petit bâton, choisit parfois le pire et le film devient alors une drôle d’expérience sociologique.

The Gallery n’est certainement pas le premier film interactif, il y a bien sûr du porno interactif depuis les débuts du DVD, et maintenant sur iPhone, et récemment sur Netflix, un épisode de Black Miror, Bandersnatch. Est-ce du cinéma ? Du gaming ? « Je ne sais pas, probablement les deux, assure Paul Raschid, autodidacte de 29 ans, visiblement ravi par la projection du matin. C’est un film avec des éléments de jeu, c’est un jeu avec des éléments de film. Je diffuse le film en salle et c’est une véritable expérience cinématographique, mais vous pouvez jouer avec The Gallery sur Steam, sur votre PlayStation, Xbox, ou même votre iPhone. Mais j’aimerais vraiment que l’on puisse le voir à la fois en salle et sur son ordinateur. Les 650 pages du scénario sont écrites comme un game book avec 18 fins possibles et de scénario. Et en tout, suivant ce que vous choisissez, il y a cinq heures de film. Quand je projette le film en salles, j’ai seulement mon ordi portable, je le branche sur le projecteur et suivant le vote des spectateurs avec leurs bâtonnets, j’envoie la séquence choisie. Rien de plus simple ! J’ai déjà réalisé quatre films interactifs, mais The Gallery est le premier qui sort en salles et que nous projetons dans les festivals. Avec la Covid, le public, notamment les jeunes, recherche de nouvelle sensation, du cinéma immersif, une vraie expérience. Peut-être que le cinéma interactif les séduira… »


Par Marc Godin