Vainqueurs du tremplin de la RATP, les jeunes rockeurs de Cloudy Heads semblent davantage portés vers le romantisme à la Baudelaire que les pogos façon Stooges. Mais les romantiques n’étaient-ils pas les plus punk des poètes ? Interview présentation.
Légende photo : PHOTO DE GROUPE_ Les membres de Cloudy Heads de gauche à droite : Théo Ouchène, Baptiste Molle, Clément Frétault et Ian Robertson
Être comparé à Muse, Radiohead ou les Strokes quand on démarre, n’est-ce pas handicapant ?
Cloudy Heads : En vérité, au départ c’est bien, c’est même pratique pour situer le groupe, notamment pour faire venir à nos lives. Les gens ont besoin de se repérer. Nous-mêmes, si on nous parle d’un groupe, on a besoin de se raccrocher à des références. Au stade où le groupe est désormais, l’idée est qu’on identifie notre identité, hors des références plaquées sur nous.
Comment faire du rock sans être le revival de quelque chose de plus célèbre que soi ?
On ne veut pas faire de reprise d’une époque. On veut aussi s’éloigner du cliché du groupe de rock pour être tout simplement un groupe de musique. Yann (le chanteur) écoute beaucoup de soul, par exemple. La direction pour le futur, c’est de faire confiance à notre public. Ils n’ont pas besoin d’une case en particulier. Prenons Like a beautiful place de Water From Your Eyes, on peut le ranger dans le rock, mais ça n’a rien à voir avec AC/DC. On veut trouver des sonorités intéressantes avec des structures originales.
En 2024, après deux EP restés confidentiel, vous sortez Back To the Equilibrium, premier album remarqué. Il se termine par le titre « See The Albatros ». J’y ai vu une référence à Baudelaire. Est-ce que Cloudy Heads fait du rock romantique ?
La référence à cet oiseau qui se fait abattre pour rien par des marins nous plaît bien, mais elle est venue complètement par hasard, en créant le refrain du morceau. Cloudy Heads, rock romantique ? Peut-être, oui. Si notre musique inspire cela, avec plaisir !
Vous venez de sortir l’EP carte de visite Rushing Out. Vers quelle musique souhaitez-vous aller ?
C’est tout le processus en cours en ce moment. On est en pleine phase de R&D… Le but de l’EP a justement été d’explorer plusieurs pattes sonores. Une chanson full synthé, « Shadow Work » ; un rock pur et dur avec « Rushing Out » ; et « Writing », un titre choral, où l’on explore diverses textures en même temps, jusqu’à tester le vide. Maintenant qu’on a élargi notre palette, on va voir.
Le quatuor s’est formé à Saint-Germain-en-Laye. Quelle est la scène musicale là-bas ?
La Clef, c’est le hub musical et culturel des Yvelines. Sport, peinture, danse, musique, c’est une institution importante là-bas. Plusieurs groupes y ont émergé, dont nous. Mais on a aussi vu des gros groupes, comme Revolver, ou Femi Kuti…
Chanter en anglais ou en français, la question a-t-elle toujours du sens pour vous ?
On nous pose tout le temps la question, mais en interne on ne se la pose pas. Nos influences, comme les Strokes, chantent en anglais. C’était peut-être au début l’envie de se cacher, maintenant non, c’est devenu évident. Dernièrement, nous sommes allés à la listening party de Last Train, ils disaient notamment qu’ils appréhendaient l’anglais comme un instrument à part entière. On est en phase avec ça.
Le parcours de ce groupe vous inspire-t-il ?
Pour n’importe quel groupe de rock alternatif en France, oui, clairement. Parce qu’ils ont tout fait tout seuls et qu’ils sont, comme nous, des potes d’enfance. On ne cherche pas à faire comme eux, mais leur indépendance nous parle.
Vous avez joué au Dublin Castle de Londres. Le public anglais est-il toujours plus calme et attentif que les Parisiens ?
C’est une salle assez culte, parce que autant Coldplay que Amy Winehouse y ont fait leurs premiers concerts. Sur nos morceaux plus tranquilles, comme « Writing », c’est clair qu’ici on entend parler, il faut bien se focus sur son morceau, alors qu’au Dublin Castle, le public était très bienveillant. Le rock est peut-être leur pop à eux, donc ils respectent peut-être davantage, mais ici on nous écoute aussi très bien.
Vous avez remporté le prix du jury du tremplin de la RATP. En quoi était-ce important dans votre carrière naissante ?
Ils nous accompagnent beaucoup. Ils nous font jouer, aussi. On a fait les castings pour avoir l’accréditation pour jouer dans les couloirs du métro. De là, la RATP nous a proposé de jouer trois soirs de suite au festival Art Rock de cet été. C’était assez dingue, parce qu’on a pu jouer non loin de Franz Ferdinand, Philippe Katerine ou La Femme. On a ensuite été sélectionnés pour jouer au tremplin, qu’on a gagné. On vit des trucs fous grâce à eux. On conseille aux groupes parisiens de passer l’accréditation.
Comment Cloudy Heads se situe sur la scène parisienne ?
On a eu notre premier crash test de concert auto-produit, le 2 septembre dernier, à la Péniche Antipode. Finalement, on a réussi à vendre toutes nos places. On a un public qui commence à nous suivre.
Vous préparez un second album ?
On va faire un album, mais on s’interroge sur le meilleur moyen d’être actif. On est indépendants. Produire un album prend deux ans. On ne peut pas ne rien sortir pendant autant de temps. Le groupe Palace, qu’on écoute beaucoup, sort presque uniquement des singles, ce qui nous inspire. Mais on est très attachés au format de l’album. Donc on réfléchit pas mal sur notre stratégie, rien n’est encore arrêté.
Vos prochaines dates ?
À la Mécanique Ondulatoire, le 21 novembre, en première partie de Deleo. Et au Supersonic, le 6 décembre, avec Cardinal Black.
Par Alexis Lacourte
Photo Axel Vanhessche




