LES TARDIGRADES DES MÉDIAS

LEs Tardigrades Des médias

Souvent discrets, parfois émérites, mais toujours obstinés, certains journalistes de la place parisienne refusent de remballer le stylo. Top huit des panarthropodes de la presse.

DENIS OLIVENNES

LE PLUS TCHÈQUOPHILE 
Lorsqu’en 2017 Daniel Křetínský caresse l’idée de racheter un journal en France, il n’est encore qu’un grand magnat du charbon tchèque inconnu du monde médiatique français. La même année, il rencontre son homme-Providence. Qui l’a présenté à Arnaud Lagardère, alors propriétaire du magazine Elle (entre autres) ? Denis Olivennes (il est à l’époque dirigeant du groupe Lagardère Active dont Křetínský rachète une partie du pôle média). Qui lui a donné les clefs de Marianne ? Olivennes, again – il est aussi à l’origine du recrutement de Natacha Polony à la tête de l’hebdo. Qui, en 2019, est nommé à la présidence du flambant neuf groupe CMI France (Czech Media Invest) ? Encore lui ! Enfin, qui est placé à la tête du groupe d’édition Editis lors de son rachat par Křetínský en 2023 ?… Quand on a trouvé le bon factotum, on ne le lâche pas. Blahopřeji, Denis.

3 avenue André Malraux, 92300 Levallois-Perret

 

ANTOINE DE CAUNES

LE PLUS MIRACULÉ
Antoine, 71 ans, Enfant du rock sur Antenne 2, critique rock aux goûts cata’ (Springsteen, Magma…), a réussi l’impossible : survivre à tous les changements de régime chez Canal. Recruté à l’ère Lescure/De Greef (les années « Nulle part ailleurs », 1987-1995), il ne se fâchera pas avec les directeurs successifs de la chaîne, ni avec Olivennes (coucou, voisin de carto !) du temps de Messier, ni avec Bertrand Méheut et encore moins avec ceux officiant sous Bolloré. Résultat des courses ? Il y a encore une émission ciné (pour les potes) ainsi que La Gaule d’Antoine (pour sortir de chez lui). Sans oublier son titre de conseiller sur Vieux (groupe CMI), pour lequel il peut remercier son ancien dirlo Olivennes. Merci qui ? Merci tout le monde !

15 rue Cognacq-Jay, 75007 Paris

 

ALAIN DUHAMEL

LE PLUS VÉTÉRAN
85 ans et toujours fringant, Alain Duhamel nous avait fait une petite frayeur lorsqu’en 2024 il annonçait prendre sa retraite pour juin 2025. Ce n’était qu’un moment d’égarement (ouf !). À la rentrée, il était bien entendu de retour – même s’il a troqué ses interventions quotidiennes pour quelques heures par semaine – au micro de RTL (il y est éditorialiste depuis 1999) et sur les écrans de BFMTV (pour son émission « Face à Duhamel »). Le plus ? Son petit effet d’annonce lui avait permis de lancer une série podcast sur BFMTV « Alain face à Duhamel » pour revenir sur ses « 60 ans de carrière ». On attend la saison 2.

2 rue du Général Alain de Boissieu, 75015 Paris

 

JÉRÔME BÉGLÉ

LE PLUS VAILLANT
Érudit, drôle et bitchy… Jéjé a tout pour nous plaire. Éternel revenant, il débute à Match en 1996, y reste une douzaine d’années, puis part faire un tour au Fig Mag, au Point et au JDD (bizarrement, le Monde Diplo ne figure pas sur son CV), avant de retrouver Match en juin 2023, alors sous pavillon bolloréen (l’hebdo a été racheté par LVMH fin 2024). Il a la bonne idée de débaucher Alexandre Maras de Gala pour qu’il rebooste le pôle vidéo de Match… Espérons qu’il survivra aux boulettes commises par sa dernière recrue : le faux scoop « Adèle Exarchopoulos enceinte », signée d’une « Blanche Romuald », sent bon le Laurence Pieau (cette ancienne de Closer et de Voici ayant été recrutée pour dynamiser le service people). Attention aux dégâts ?

2 rue des Cévennes, 75015 Paris

 

MATHIEU GALLET

LE PLUS STILL STANDING
Sortez-le par la porte, il revient par la fenêtre. Passé de « Bel-Ami des médias » (il est nommé PDG de l’INA à 33 ans) à déchu de la place parisienne (alors qu’il occupe le poste de dirlo de Radio France depuis 2014, l’amateur de lambris à 70k est condamné pour favoritisme, puis démis de ses fonctions par le CSA en 2018), Mathieu Gallet ne se décourage pas le moins du monde et lance Majelan en 2018 – devenu Majelan X (boîte de podcast et machine à cracher de la pige pour les sites web de Femme actuelle, Voici…). Dernière ligne en date sur son CV ? Celui qui siège désormais au conseil de surveillance des Échos a été nommé, en avril dernier, à la tête de Terre & Fils Media, société de Jean-Sébastien Decaux, pour piloter le mensuel Terre Sauvage et la société de prod’ Galatée Film. Seul hic dans ce parcours en milieux hostiles ? Sa prise de position en faveur de la réforme de l’audiovisuel lui a valu d’être blacklisté chez ses anciens copains de France Inter (en juin dernier l’émission « Zoom Zoom Zen » annulait son intervention en last-minute). Courage, Mathou !

176 avenue Charles de Gaulle, 92200 Neuilly-sur-Seine

 

NICOLAS UNGEMUTH

LE PLUS ROCK EN TOC
Dans toute grande rédaction, on le sait, il y a ceux qui triment, et ceux qui squattent les plateaux télé et les mondanités. Au Fig Mag’, ils ont Jean-Christophe Buisson (qui assure ses 40 feuillets par semaine) et Jean-René Van der Plaetsen (très occupé à jouer les dandys). Et entre les deux ? On y retrouve l’ami Ungemuth (cette plume de Rock’n’Folk est devenu en quinze ans l’un des piliers de l’hebdo), toujours partant pour faire l’éloge d’une obscurité garage-rock texane ou des greatest hits de Michel Poniatowski. Si les pages livres dont il a la charge sont extrêmement bien tenues, ses propres textes semblent, le plus souvent, pondus par une IA en bout de course chourrée chez Valeurs. Ses marottes ? Le rap (depuis 1982, tout est nul, ma bonne dame), la déconstruction woke (au secours!) et Hidalgo (l’Antechrist)… Vivement 2040 qu’il puisse enfin trouver quelque qualité au GNX de Lamar !

14 bld Haussmann, 75009 Paris

 

CHRISTOPHE ONO-DIT-BIOT

LE PLUS HOMME-LIGE
Christophe Ono-dit-Biot serait-il plus royaliste que le roi ? Depuis son arrivée au Point, en 2002, le journaliste de 50 ans a deux amours : les Académiciens et François Pinault (comment ça, c’est le proprio du journal ?). Lorsqu’il ne fait pas du pied aux premiers, le journaliste parle, au choix : de la fondation Pinault à Venise, de la Bourse du Commerce ou de Kering. Continue sur cette lancée, Christou, et on se donne rendez-vous dans 20 ans !

1 boulevard Victor, 75015 Paris

 

Franz-Olivier Giesbert

LE PLUS BOOMERANG
Mitterrand, Chirac, Villepin et Sarkozy ont demandé sa tête. En vain. Ancien directeur du Nouvel Observatoire, puis du Figaro, le récidiviste des bios politiques et « histoires intimes de » avait atterri, en 2000, à la direction du Point. S’il quitte son poste en 2013 pour faire un aller-retour à la direction éditoriale de La Provence (il est désavoué par ses journalistes au bout de quatre mois), le fricoteur de la politique de 76 ans n’a jamais pris ses distances avec l’hebdo de Pinault et continue d’y publier ses éditos. Mais c’est pas tout. En 2022, la direction du Point est reprise par l’ex-dirlo de Elle et de la Revue des deux Mondes, Valérie Toranian et madame Giesbert à la ville (on est quand même mieux en famille). Bravo ! C’est un beau doublé pour Le Point.

1 boulevard Victor, 75015 Paris

 

Par Violaine Epitalon & Laurence Rémila