Entre deux pièces de théâtre, la figure mythique du trio d’humoristes iconique Les Inconnus, Pascal Légitimus, s’est lancée dans la photographie. Ses muses ? Les coquillages.
Vous et les coquillages, ça commence à douze ans, quel est le déclencheur de cette passion ?
Pascal Légitimus : Les coquillages ont des particularités à observer : des couleurs improbables, bigarrées, difficiles à reproduire. Des formes alambiquées, qui tournoient, qui s’éclatent, qui sont arrondies. Moi, à 12 ans, je trouvais ça joli, tout simplement. En cherchant dans les bouquins spécialisés, je me suis rendu compte que le coquillage avait une vraie symbolique.
Comment avez-vous passé le pas de créer Artimus Photography et de faire de vos photos un business ?
Ce sont les copains qui m’ont poussé naturellement à faire ça. Moi, je ne prenais des photos que pour de la décoration. Quand on m’a dit de les vendre, j’ai dit why not, je m’investis, je crée une société. Je paye des gens qui fabriquent mes photos en Espagne, c’est une équipe d’une dizaine de personnes qui gère l’envoi, le packaging, l’artistique, les réseaux… C’est devenu un business a fortiori, parce que j’étais obligé.
Vous avez fait tout ça en autodidacte ?
Complètement. J’avais des copains photographes, bien sûr. Et j’avais rencontré Robert Doisneau à une époque, qui m’avait donné quelques conseils. Pascal Ito, qui est un peu le photographe des Inconnus, m’a dit de prendre tel ou tel appareil. Avant j’avais de l’argentique, mais je suis passé au numérique et même à l’iPhone.
Les paysages dans vos photos ont-ils une importance particulière ?
Au départ, je prenais les coquillages dans leur élément naturel, c’est-à-dire l’exotisme. Quand je partais dans les îles, c’était naturel. Après, j’ai eu envie de les mettre dans des endroits incongrus. Et c’est là où j’ai commencé à mettre des coquillages dans la neige, puis en automne, j’ai fait les quatre saisons. Après, j’ai fait une série à cinq heures du matin, levé de soleil sur les ponts de Paris ! La prochaine session sera à New York. Trois heures du matin, les rues vides, je pose mon coquillage…
Comment faites vous les choix des coquillages que vous utilisez ?
Il faut toujours que le coquillage ait une correspondance avec l’environnement. Soit c’est la forme, soit c’est la couleur. Il faut que les photos soient poétiques, artistiques, jolies et qu’elles donnent du plaisir. On m’a dit beaucoup de choses, mais leur point commun, c’est la joie et une fenêtre vers la nature.
Justement, pour amplifier le poétique, vous mettez des titres à vos photos…
J’ai quand même une étiquette de comédien, d’humoriste, donc il y a toujours un petit décalage. Par exemple, il y a un coquillage qui ressemble à un champignon, je l’ai appelé Legitimushroom. Il y a beaucoup de jeux de mots.
Ces coquillages viennent de votre collection ?
Oui, j’en ai 250, que j’ai dealés, achetés, échangés, pêchés depuis 40 ans. Je participe à des congrès avec des spécialistes qui viennent du monde entier, parce qu’il y a des coquillages qui valent très cher. Plus ils sont rares, plus c’est cher.
Avez-vous pensé à photographier autre chose que des coquillages ?
Pour l’instant, je m’arrête au coquillage et j’ai ouï dire que j’étais un des rares au monde à faire ça…
Aujourd’hui, vous avez les casquettes de collectionneur, de photographe, de comédien. Comment se construisent vos processus créatifs ?
Mon cerveau est toujours en ébullition, à l’affût, toujours à observer. Dès que je sors, je suis en éveil. Si je vois quelque chose qui m’attire l’œil, ça me donne une idée.
Vous avez maintenant fait plusieurs expositions, la dernière à Six-Fours. Est-ce qu’il y a aussi l’envie d’ouvrir ce travail au grand public ?
Ça fait plaisir de se dire qu’il y a peut-être des gens qui ne me connaissent pas personnellement, mais qui peuvent aimer mon art. Je fais comprendre que j’ai encore une autre casquette qui, heureusement, plaît. De ce fait, j’ai plein de demandes maintenant. À Six-Fours, j’avais plus de 200 personnes par jour, pendant deux semaines. Tout le monde disait, c’est beau, c’est super, ça vous ressemble.
Dans une interview il y a deux ans, vous aviez dit que beaucoup de personnes venaient vous voir en tant qu’Inconnu. Ça a évolué ?
Les gens sont aimants dans les deux sens du terme. Je ne peux pas leur en vouloir de m’apprécier. Je trouve ça légitime qu’ils puissent venir me voir et me demander un selfie. Ils ne sont pas forcément là pour acheter les photos, ils sont là pour me voir. Je suis attractif. Il vaut mieux ça que d’être un clochard.
Est-ce que vous rêvez de jouer un photographe ou un coquillage ?
Alors, coquillage, non, ce serait compliqué parce qu’il n’y a pas de dialogue. À moins de jouer dans La Petite Sirène 3 avec des chansons. Là, j’ai beaucoup de projets, je dois réaliser un film l’année prochaine. J’ai joué pendant un an au théâtre Le Duplex. On part en tournée de septembre à décembre, on a 55 dates dans toute la France, Suisse et Belgique. Je vais aussi commencer à répéter une nouvelle pièce de théâtre qui sera filmée par France Télévisions et diffusée.
Donc, le théâtre n’est pas du tout secondaire, il reste votre activité principale ?
Je dirais que la photo est une activité tertiaire. Ça me prend du temps mais c’est plutôt quand je suis en vacances. Ça sera toujours 20 % de photos et 80 % du reste.
Et vous pensez que cette activité de photographe va durer ?
C’est comme dans un couple. On aime les gens, mais après, on ne sait pas. Peut-être que ça va me barber dans trois ou dix ans et je n’aurai plus d’inspiration. Pour l’instant, ça va.
Les Inconnus, un retour ? Quelque chose de prévu ?
Riad Sattouf veut réaliser un film pour nous. C’est dans les tuyaux. Mais on attend, tranquillement, ce n’est pas encore acté.
Votre coquillage préféré ?
Je n’en ai pas. Mais j’aime bien ceux qui ont des couleurs vives comme ceux qui s’appellent Papillon.
Celui qui vous ressemble le plus ?
J’ai une préférence pour les Cypraea. C’est les premiers coquillages que j’ai ramassés.
Le meilleur à manger ?
Bizarrement, je n’aime ni les bulots ni les praires, je suis seulement moule et langoustine.
Par Robin Lecomte
Photo Axel Vanhessche