KIM GORDON & DIMITRI CHAMBLAS À CHAILLOT : « TAKEMEHOME, LE CHOIX D’UNE VIE »

DimitriChamblas takemehome Josh Rose

Kim et Dimitri, vous présentez votre troisième collaboration ensemble. Quelle était la genèse de ce TakeMehome ?
Dimitri Chamblas : Nous avons commencé par un duo, et j’ai senti que c’était important pour moi de continuer la collaboration. Et j’ai l’impression que le temps donne aussi une valeur différente au travail. Ainsi, lorsque nous construisons des projets, c’est aussi une excuse pour être ensemble. Car pour moi, la création est toujours liée à la vie. J’ai l’impression qu’être artiste, c’est d’abord un choix de vie.

Vous organisez un pré-show avant chaque représentation pour encourager le public à danser.
Dimitri : J’aime bien essayer de mettre en place différents types de relations avec les personnes venues au théâtre. Dans cette pièce, il ne s’agit pas de prendre le métro, de donner son billet, de s’asseoir, d’applaudir et de repartir. Vous arrivez et vous avez l’occasion de rencontrer des danseurs et de vous plonger dans la pièce avant même qu’elle ne commence. Ensuite, lorsqu’ils participent, ils sont déjà en quelque sorte des interprètes ou des ambassadeurs de la pièce. Une communauté se construit ainsi, le but étant  d’inclure tous les publics.

Kim quel était le but escompté derrière le fait d’étendre votre art au-delà de la musique et de l’incorporer à la danse ?
Kim Gordon : J’ai toujours été intéressée par la danse et j’ai suivi des cours de Martha Graham lorsque j’étais adolescente à Sun Valley. J’étais abonnée à un magazine de danse, j’ai aussi fait deux pièces de danse instructives sur les gestes. Concernant la musique, l’une des caractéristiques des guitares électriques et de l’électricité est qu’elles sont affectées par le mouvement. On peut modifier le son en fonction de la proximité de l’amplificateur ou d’autres choses, et simplement en bougeant la guitare. C’est juste une sorte de cacophonie de sons et de bruits dans un espace très claustrophobe. Quoi qu’il en soit, j’ai toujours eu ce genre d’intérêt pour la danse.

Et comment s’est créé TakeMeHome ?
Kim : J’envoyais régulièrement des bribes de choses que j’enregistrais à la maison ou dans un petit studio à Dimitri. Et lui a eu l’idée d’en incorporer quelques-unes dans l’œuvre.

Et ces six guitares qui créent des mélodies et du larsen chaque soir ? 
Kim : Dimitri avait exprimé son intérêt pour que les danseurs travaillent avec des guitares. C’est une sorte de « open D tuning » qui sonne bien sans qu’on ait à faire quoi que ce soit. Les danseurs peuvent donc se concentrer sur le mouvement, leur corps… J’essayais vraiment de les connecter à l’instrument.

Et que veut dire ce titre, TakeMeHome ?
Dimitri : En fait, ça vient de Kim. Dans une des chansons elle dit : « Ramène-moi à la maison », comme des chants qui nous emporteraient jusque chez nous, comme une vague (il imite le mouvement avec ses mains). C’était l’idée d’exprimer le mouvement, un mélange entre l’incarcération et l’extérieur. Et ce sont des choses que nous entendons émotionnellement, comme le retour à la maison.

Vous parlez d’une « Ode aux ombres oubliées des grandes métropoles, revanche des fantômes improductifs, négligés et indécis »…
Kim : Je crois qu’en habitant à L.A, j’ai ressenti un certain sentiment d’inquiétude dans la ville qui m’a touchée. Une sorte de désordre solitaire qui est assez inspirant et qui l’a été pour le spectacle.
Dimitri : C’est lié à l’atmosphère que nous avons construite ensemble, de lumières, d’apparitions et de disparitions dans le spectacle… Toutes ces choses liées à l’identité et à l’apparence font pour moi totalement partie de Los Angeles.

Comment avez-vous inclus la musique dans le spectacle ?
Dimitri : Ce sont les danseurs qui jouent de la guitare, il n’y a pas de réels musiciens. Quand j’ai rencontré Kim pour la première fois, instinctivement, elle m’a donné un micro, une guitare et j’ai commencé à danser avec elle. Il y avait une sorte de circulation des rôles, des pratiques qui créaient alors peut-être un troisième type d’art.

TakeMeHome du 18 au 21 septembre, Palais de Chaillot, 1 place du Trocadéro, 75016 Paris


Par Léa Guillonnet
Photo Josh Rose