KEVIN LANOY : « DES SILHOUETTES EXTRAORDINAIRES »

Kevin Lanoy 

L’auteur derrière le look le plus réussi – celui de Guillaume Diop – du Met Gala 2025 ? C’est lui. Styliste le plus prometteur de la place parisienne, Kevin Lanoy sait habiller les corps, passer du studio au défilé et retranscrire une histoire avec un vêtement. Rencontre avec l’œil cultivé de la mode.

Depuis trois ans, tu es le styliste du danseur étoile Guillaume Diop et tu as créé son look sensationnel pour le Met Gala avec la maison Valentino. Quelles étaient les références ?
Kevin Lanoy : Le thème de cette édition était « Superfine: Tailoring Black Style » et le dress code « Tailored for you ». La tenue se compose avec des éléments de ballet, de cartes postales illustrant le dernier roi Djolof et de photographies des années 1960 à 1990 au Sénégal, dont il est également originaire. Quand je lui ai demandé de me montrer ce qui lui faisait penser au Sénégal, il y avait beaucoup de photos de sa grand-mère avec des boubous. C’est donc aussi une de nos références, parce que c’est une tenue culturelle extrêmement riche, très ornée, brodée, cérémonielle et unisexe.

Comment as-tu débuté comme styliste ?
Après avoir grandi au Gabon, je suis arrivé en France pour mes études. En 2018 je me suis retrouvé devant le défilé Off White et une femme m’a donné une invitation à la sortie. Je me suis retrouvé en backstage avec Naomi Campbell et Virgil Abloh. À cette époque, je ne connaissais même pas le métier de styliste. Il m’a demandé ce que j’avais pensé du show. J’ai dit la vérité, que je ne l’avais pas vu et il m’a proposé de me montrer tous les vêtements de la collection. Ça m’a obsédé. J’ai fait un stage en presse et adolescent j’avais un blog sur Tumblr « Cool Kidsare Dying », puis levinkanoy.com que j’ai gardé comme nom de domaine et un magazine en ligne avec des amis, Cool Made-up Kids. Ensuite, mon premier job d’assistant styliste de Edem Dossou, où j’ai énormément appris.

À quoi se résume le métier ?
80 % de logistique, 20 % de créativité !

Que fait un styliste sur un défilé, sur un shooting studio et sur une célébrité ?
Pour les magazines avec qui je travaille souvent, Dedicate, GQ, etc., je fais un moodboard donc je participe à la direction artistique du projet de base. On retrouve mon style à l’image. Aujourd’hui, malgré les contraintes des annonceurs, j’ai la chance que ces personnes me fassent assez confiance pour pouvoir construire mes silhouettes. Sur la photo en studio, je peux vraiment détourner le vêtement et mettre un cardigan sur la tête. Pour les défilés, je travaille beaucoup avec 3.Paradis et son directeur artistique Emeric Tchatchoua. Là, je pars d’une histoire que quelqu’un d’autre a écrite et j’aide à la retranscrire par les looks. Et avec les personnalités c’est une collaboration entre leurs affinités esthétiques et les miennes, avec l’envie mutuelle de sortir de notre zone de confort.

Quelles sont tes inspirations ?
Gwen Stefani ! Si je repense à mes premiers souvenirs liés à la mode, je pense à ses clips. Les célébrités apportent la mode au grand public. Sinon je citerais Edem Dossou et Kenny Germé, avoir été présent sur leurs shoots a vraiment été ma première école. J’admire le travail d’Alaïa, John Galliano et Alexander McQueen. Sinon, je m’inspire de ce qui m’entoure : des sculptures, des combos de couleurs dans la rue, les fleurs, etc.

Quel rapport as-tu aux accessoires ? 
Il ne sont pas obligatoires. Je fais des looks qui ne laissent pas trop de place aux accessoires. Je ne suis ni trop bijou, ni trop sac. Généralement je détourne leur utilité. Pour un shooting avec Numéro, j’ai placé un sac Bottega Veneta sur la tête de Guillaume Diop et d’un coup il devenait un chapeau et faisait penser à Casse-Noisette. Mon travail éditorial, ce n’est pas des silhouettes portables, elles relèvent de l’extraordinaire ou de l’imaginaire. Gwen Stefani, dans son vidéoclip « What you Waiting For », fait un remake d’Alice au pays des Merveilles. Elle porte une robe de John Galliano chez Dior de l’automne-hiver 2004. C’est ce qui m’attire dans la mode. Sinon je suis très chapeau, je trouve que ça termine parfaitement une tenue. C’est mon accessoire de prédilection.

Qu’en est-il des couleurs et des matières ?
Je suis un fan absolu de noir. C’est très dramatique. Mais j’adore aussi le combo vert et rose. Je suis plus dans les formes que dans les couleurs. J’ai aussi une grosse prédominance pour les looks monochromes. Pour les matières j’adore le brodé, orné, brillant, la tulle et la transparence.

Est-ce le Graal de travailler avec des pièces d’archives ?
Pas forcément. J’avais fait un look avec une archive pour Guillaume Diop à l’occasion du Gala du Louvre. Il portait une archive Margiela faisant écho à l’exposition. C’est l’une des maisons qui nous a soutenu avant qu’il ne devienne danseur étoile. Une archive montre une culture mode, ça permet de référencer, et c’est de plus en plus le cas sur les tapis rouges. Mais je suis à la fois pour et contre. Si on va constamment chercher dans le passé, on ne laisse pas de place pour les jeunes créateurs. Ça ne permet pas forcément d’avancer… C’est restrictif. Il y a un équilibre à trouver.

Les créateurs à suivre de près ?
Les étudiants de l’IFM ! Je suis aussi beaucoup le travail de Dilara Fındıkoğlu, Sofia Castellon, Marvin M’Toumo et Steven Passaro. 

 

Par Anaïs Dubois
Photo Axel Vanhessche