Dans sa dernière campagne, l’IA de Google se targue de savoir nous habiller dans toutes les situations. Passera-t-elle l’épreuve Technikart ? Un test en grande pompe (pointure 39).
Lundi 28 août. C’est la rentrée des journalistes rue Mandar. Au lit, j’angoisse : que vais-je bien pouvoir porter pour la première conf’ de rédac de la saison ? Mes amis, ces imbéciles, décuvent encore de leur dernier festival de l’été. Aucune aide à aller chercher de leur côté. Je file à la salle de bain, on verra plus tard pour les fringues… Sous la douche, nouvel obstacle à ma bonne humeur. Ma playlist « 100% Matin » est interrompue par une pub.
JUPE PLISSÉE SUR PANTALON EN CUIR
Les yeux piquants de savon, je passe un regard ahuri derrière mon rideau poisson. Elles ont du goût les IA maintenant ? Sacrifiant mes valeurs écologiques à l’autel de ma curiosité journalistique, je télécharge l’application. L’intelligence artificielle commence par me féliciter pour mes idées (sympa), puis me propose trois tenues pour une rentrée chez Technikart. Chacunes déclinées en versions Elle et Lui – pas très genderfluid le Gemini. Le premier, « Technique et Minimaliste » – un jumpsuit bien ajusté et des chaussures de villes « originales »-, me donne des relents de mes années étudiantes à Sorbonne Nouvelle. Quant au « Smart Casual Décalé », je préfère ne pas y jeter l’œil. J’opte finalement pour l’outfit « Artiste Contemporain », et superpose ma jupe plissée et mon pantalon en cuir. Sur les conseils de l’IA, j’y ajoute un chemisier et des bottes à plateforme.
Mardi, j’essaye de challenger mon nouveau styliste. Une photo de mes Jonak aux bouts carrés, un ordre : « Propose moi une tenue qui fera grimacer les vieux de la ligne 9 ». Sa réponse ne se fait pas attendre : « Bonne idée ! Le but n’est pas d’offenser, mais de décaler les codes. ». Le tout avant de me proposer d’assortir un pantalon à pince émeraude et un haut simple. La touche surprise ? La chemise flanelle par-dessus le t-shirt… Ouverte bien sûr ! Dubitative, je me demande si Denis, mon voisin réac’, tiquerait vraiment sur l’uniforme d’ingénieur au goût prononcé pour les bandes-dessinées… Déçue de l’expérience, mercredi, je passe chez la concurrence. Chat GPT me fait prendre en photo tout mon dressing, perd la moitié des images, mais me propose au moins des tenues générées sur une fausse moi. Les 700 000 litres d’eau (Chiffre du Cese) nécessaires à l’entraînement de la version 3 de l’IA valaient bien le coup !
100 % NUMÉRIQUE
Aujourd’hui, télétravail oblige, pas besoin d’outfit. Mais, au fil de mes requêtes, mes prompts sont devenus de plus en plus précis. M’improvisant créatrice, je demande à Chat GPT de m’imaginer la version réaliste de quelques croquis de silhouette. Pratique déjà adoptée par les étudiants en mode de l’école MJM, qui proposaient en guise de projet de fin d’année un défilé 100 % numérique. Les décors et tenues étant conçus à partir de leurs dessins, par des professionnels de l’IA génératrice Midjourney. Quant à demain, je dois aller au vernissage de Castelbajac chez Pierre Frey. Je n’ai pas trouvé le pantalon carotte et la veste de travail revisitée que Gemini m’a ordonné de porter, mais on verra ce qu’il pense du chino et de l’écharpe colorée que Chat GPT m’a conseillée.
Par Adèle Thiéry