FESTIVAL DE SAINT-JEAN-DE-LUZ 2025 – ABD AL MALIK : « LA POÉSIE PEUT CHANGER LE MONDE »

Abd Al Malik 2 © Fabien Coste

Au festival de Saint-Jean-de-Luz, Abd al Malik a présenté son second film, Furcy, l’histoire d’un esclave qui a lutté toute sa vie pour obtenir sa liberté. Rencontre avec un cinéaste-poète. 

Vous êtes rappeur, auteur, réalisateur, scénariste, écrivain, et vous signez aujourd’hui votre second long-métrage, Furcy.
Abd al Malik : J’aime Camus, qui a été un artiste protéiforme, comme Aimé Césaire ou Jean Cocteau. Pour moi, c’est quelque chose de naturel que de toucher à tout, la musique, le cinéma, la littérature… Ce qui est important pour moi, c’est la poésie que je décline sur différents médiums.

Pourquoi ce film sur cet esclave réunionnais, Furcy, qui s’est battu toute sa vie afin d’obtenir sa liberté ? 
C’est une longue histoire… En 2010, je faisais un concert sur l’île de la Réunion et des jeunes m’ont demandé de les aider à mettre en scène au théâtre le livre de Mohammed Aïssaoui sur Furcy. Ce n’était pas le bon timing, c’était trop dense, je n’étais pas prêt. Puis, j’ai été invité par la ville de Nantes pour devenir le parrain lors de la célébration de l’abolition de l’esclavage, j’ai monté la pièce Le Jeune Noir à l’épéeet j’en ai fait un beau livre, et enfin le producteur Etienne Comar m’a proposé d’adapter le livre d’Aïssaoui. Il s’était passé dix ans, j’étais prêt. 

Pourquoi n’avais-je jamais entendu parler de l’histoire de Furcy ? 
C’est la même chose avec l’histoire de la colonisation, la guerre d’Algérie… Une petite page dans nos livres d’histoire. 

Une page qui n’est pas tournée, car ce passé nous hante toujours. 
Les artistes peuvent permettre une prise de conscience, peut-être plus que les historiens. On peut donner une vision lucide de ce qui s’est passé. C’est un outil de réconciliation, une pierre à l’édifice, expliquer le passé pour ne pas handicaper le présent et le futur. On prend le relais de Césaire, d’Edouard Glissant, de Camus, car c’est vital. On ne peut pas se vanter d’être la France ou l’Europe si on n’a pas réglé cela. 

L’esclavage est terminé, mais notre société n’est toujours pas égalitaire.
Mais tout découle de cela. Et en y réfléchissant, je me suis rendu compte de la puissance de la culture. 

Le film a-t-il été difficile à monter ? 
Oui, mais tous les films sont difficiles à monter, pas seulement Furcy ; le cinéma, c’est difficile. On a tourné huit semaines, à la Réunion et à Paris. Et on a eu de grandes figures, des gens engagés comme Romain Duris ou Vincent Macaigne qui sont venus se joindre à l’aventure, également parce qu’il y avait de la matière à jouer. 

Lors du générique de fin, on vous entend chanter avec Oxmo Puccino.
Je suis un rappeur, mon dernier album remonte à 2019. Mais un album de chansons inspirées du film va sortir, avec Lino d’Ärsenik, Mattéo Falkone, avec la jeune et l’ancienne génération. 

Comment expliquez-vous qu’il y ait si peu d’acteurs noirs au sein du cinéma français ? 
Le problème, ce n’est pas la couleur de peau, mais le fait de venir d’un certain milieu social. Combien de personnes issues d’un milieu populaire réussissent au cinéma ? C’est une problématique sociale et non raciale, et cela concerne notre société dans son entièreté. 

La poésie peut-elle changer le monde ?
Bien sûr, sinon, on ne serait pas en train de vous parler ! J’y crois profondément, puissamment. 

Vous êtes incroyablement optimiste.
On n’a pas le choix. Jacques Prévert disait « Il faudrait essayer d’être heureux, ne serait-ce que pour donner l’exemple. »

Furcy, Né libre d’Abd al Malik
En salles le 14 janvier


Par Marc Godin

 

FURCY affiche film