Elle est comment, la « toute première » fois de VICTORIA MAS ?

Victoria Mas

Plus rien n’arrête Victoria Mas. Pour son début en littérature, la fille de Jeanne Mas a mis tout le monde d’accord. Un succès public et critique tonitruant – amplement mérité pour un premier roman puissant et jubilatoire.

Née en pleine Mas-mania, en 1987, Victoria a gagné, la plume à la main et grâce à un talent indéniable, le droit de se faire son propre nom. Depuis la parution, il y a quelques semaines, de son premier roman, on assiste à une véritable déferlante. La presse est unanime, la critique l’encense, les prix pleuvent et le public se précipite dans les rayons des librairies. Après une première impression de 6000 exemplaires, on annonce désormais un placement en librairie avoisinant les 40 000 exemplaires, un très gros score pour un premier roman et un chiffre qui pourrait encore gonfler si jamais elle venait à remporter le Renaudot ou le Femina, deux mastodontes pour lesquels elle est encore en lice. Son entrée en littérature n’a pourtant pas été un long fleuve tranquille. Scripte dans l’audiovisuel, il lui aura fallu quatre manuscrits, tous refusés, avant d’enfin pousser les portes du monde merveilleux de la rentrée littéraire.

FOLLES ALLIÉES

C’est une expérience quasi mystique qui a tout déclenché. Alors que Victoria Mas déambule dans les jardins de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, elle est happée par l’esprit des lieux. Quels secrets peuvent bien abriter les murs de cette vieille bâtisse ? Après quelques recherches, elle trouve, comme une évidence, le sujet de son premier roman. Autrefois asile réservé aux femmes, l’Hospice, comme on l’appelait au XIXème siècle, a été le témoin d’une expérience peu commune, menée par le professeur Charcot. Chaque année, le père de la neurologie y organisait un bien étrange bal costumé où le tout Paris se précipitait pour s’encanailler aux côtés des habitantes des lieux : des hystériques et des folles à lier déguisées en tenue de princesse. Avec Le Bal des folles, on plonge en immersion dans l’enfer carcéral de ces femmes brisées, qu’on tente de sauver violemment des démons qui les possèdent. Elles trouvent du réconfort dans les préparatifs de cette sauterie diabolique parce qu’elles savent que pendant quelques heures, on redistribuera enfin les cartes de la normalité et que la véritable indécence ne sera pas du côté des démentes mais bien chez ces bourgeois venus flirter avec la folie.

Sous couvert du simple récit d’un fait divers loufoque, c’est toute la condition féminine au XIXème siècle que Victoria Mas met à nu. Derrière les portes de cet asile et ces femmes prétendument folles se cachent surtout des familles fortunées, désireuses de se débarrasser de leurs filles indociles. Au milieu des authentiques malades, les épouses volages, les insolentes jugées trop menaçantes, les jeunes filles violées ou les prostituées exsangues sont légions. Avec une plume limpide, simple et légère, la jeune romancière tire à boulet rouge sur le patriarcat et participe à sa manière à la rébellion tragiquement actuelle des femmes muselées, étouffées et opprimées. Tous aux abris, Mas attaque.

 

LÉONARD DESBRIÈRES

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LE BAL DES FOLLES
VICTORIA MAS
(Éditions Albin Michel, 256 pages, 18,90 €)