DANGER LABUBU !

LABUBU technikart

Chère Romy,

Empli d’émoi, je t’écris aujourd’hui. Rongé par la culpabilité, affaibli par les remords, je ne pouvais faire durer mon silence plus longtemps. Je suis parti, tu l’as certainement remarqué. N’y vois aucune colère ou mauvais sentiment de ma part. Je n’oublierai jamais le jour où ta petite main s’est saisie de ma boîte, nichée au sommet de l’étagère, dans le fond de la boutique. Tu avais patienté trois heures sur le trottoir, trois longues heures à piétiner sur place entre les cupides revendeurs et les collectionneuses grisonnantes. Devant la vendeuse, tu avais sorti ta jolie tirelire jaune. À l’intérieur, trois billets verts dûment gagnés en ramassant les feuilles marronnasse du jardin des voisins. Une fois contre ton cœur, je l’ai senti battre si fort.

Tu m’as adopté sans concession, n’as jamais plissé le nez devant mes 300 grammes de mauvaise fabrique. Dans ta chambre, tu m’as installé sur le plus moelleux de tes oreillers. À ton cartable, tu m’as pendu au plus joli de tes mousquetons. Dans ta vie, j’ai occupé la plus grande place. Ma Romy, je t’ai quittée, et parfois je regrette. Pourtant, je ne suis pas fait pour cette existence douce et sucrée. Dehors, les peluches de mon espèce ont été rappelées. Nous sommes à présent des milliers à Paris pour répandre notre laideur, poursuivis sans relâche par la milice du bon goût. Plus rien ne peut nous arrêter, ni les flammes de nos opposants, ni les larmes de nos adhérents. Le combat m’attend, ma Romy.

Avec tendresse,

Ton Labubu bleu turquoise de Pop Mart à Châtelet.


Par Suzanne Derquine
Photo Jeanne Pieprzownik