KOBA LAD, LE MAIRE D’ÉVRY : « JE TE RACONTE MON PREMIER BAD TRIP ? »

koba lad technikart
 

« Le Ténébreux » à la voix éraillée est venu nous présenter son troisième album, Détail, disque d’or en quelques jours de commercialisation. Mais fallait peut-être pas qu’on se partage cet énorme spliff juste avant…

Tu sors Détail, ton troisième album depuis 2018. Percer tôt, faire de l’argent tôt, devenir une référence du rap tôt. T’as pas peur de te lasser vite ?
Koba LaD : Je le suis déjà. Mais j’ai encore mon public à fond derrière moi, je suis là. Pour combien de temps ? Je ne sais pas. Mais sûrement pas pour très longtemps, ça c’est sûr.

Ton objectif c’est quoi ?
Je peux pas te le dire. Sinon je pourrai pas l’atteindre.

Tu te fais vraiment plus qu’un grossiste de stup’ ?
Pas tous mais ouais, fort. C’est obligé même.

Paire de TN, sac Louis Vuitton, voiture de luxe : c’est comment, au juste, la vie d’artiste ?
J’ai pas une vie d’artiste. C’est que du paraître, pour l’image que je veux donner en vrai. Je suis toute l’année au quartier, moi, je reste accroché au Bat7 (son QG à Évry, ndlr). Des vacances, j’en prends pas beaucoup, et quand c’est le cas je pars avec toute la cité.

Tu dis porter de l’importance au paraître. T’es fashionista ?
Je suis pas un gars des sapes. Tous les jours, tu me vois en survet’, c’est pour dire. Je reste simple, comme d’hab. Nike, c’est la seule marque que je saigne !

Une Rolex et une Audemars Piguet à chaque poignet ?
Eh, faut pas croire ce que je montre dans les clips ! Je suis pas un ouf, je vais pas sortir dans la rue avec deux montres.

Tu dis t’identifier à Chief Keef qui a signé à 17 ans, tout comme toi. Qu’est-ce qui te plait chez lui ?
Tout. En fait, c’est pas que je m’y retrouve, c’est que j’essaie de faire comme lui, tu vois ? Dans le style des logs, j’ai signé au même âge que lui… Bref j’essaie de me convaincre que je peux avoir la même carrière, c’est ma principale référence.

Et ses nombreux problèmes judiciaires (le rappeur est régulièrement arrêté pour ses problèmes de drogue ou de loyer, ndlr) ?
Non, ça c’est mort. Moi j’ai pas de soucis avec la justice ! Je suis quelqu’un de bien, je vous dis.

Tu cites souvent Notorious Big.
Ah le Biggie. Normal, c’est le boss, frère. Avant que tout le monde se mette à rapper, il était là. Ce qui m’a parlé, ce sont ses textes. Il a jamais essayé de faire le révolutionnaire, il écrit sa vie et les gens se sentent concernés, comme moi. Quand ça te parle, t’adhère forcément. C’est pas du bla-bla, c’est ça que je kiffe.

« JE SUIS QUELQU’UN DE BIEN, JE VOUS DIS. »


Tu penses que tes textes parlent à beaucoup de gens ?
Bah on dirait. Tu sais, moi je rappe pas la vie des films ou ce qui se passe à la TV. Moi je rappe ce qui se passe dans tous les quartiers, je suis un mec comme y’en a dans tous les autres quartiers, tu vois. Je mens pas.

Ça ressemblait à quoi le quotidien de Marcel, 14 ans, au Parc aux Lièvres (Évry) ?
(Il s’adresse à Clarence, le fils de notre cameraman, Greg, présent le jour de l’interview.) 14 ans, t’es en troisième ? Pu**** à 14 ans starfoullah je fumais déjà du shit ! J’arrivais en salle de permanence complètement défoncé, les surveillants pétaient les plombs, c’était chaud. En vrai c’était une bonne époque. Je foutais rien à l’école alors je modifiais les codes pronote pour que ma mère n’ait accès à rien. Tu connais.

Le Bat7, t’en gardes quel souvenir ?
C’est pas comme si c’était derrière moi. J’y suis encore. Les souvenirs, frère… C’est toute ma vie, le Bat7. Si tu veux, j’peux te raconter mon premier bad trip là-bas. Un jour, je fais croire à ma mère que je vais en cours, donc j’suis obligé de traîner dehors sinon elle m’aurait capté. Il est 9 heures, je vais taper à la fenêtre d’un grand pour qu’il me file de la cons’ et moi j’savais même pas rouler. On va tout en haut du Bat parce qu’il fallait pas que les autres me voient. Bref, mon gars me roule un joint, un deuxième… Fin du game, plus de Koba. Vas-y, rien que d’en parler, ça me donne mal à la tête. J’ai fini tout nu en plein hiver dans le Bat. Un délire.

Dans ce nouvel album, on retrouve un feat avec Freeze Corleone…
(Il coupe. Le RP d’Universal frôle l’apoplexie, ndlr)
Je fais de la musique. Faut juste me parler de ma musique…

Ok. Dans Détail, tu poses avec Maes, Zed, PLK, Vald, Ninho… Avec quelle femme te verrais-tu faire un feat ?
Stefflon Don ou Ella Mai, fort. C’est les seules meufs que j’écoute d’ailleurs, j’aime vraiment ce qu’elles font.

Ton nom de scène est une référence à la Planète des singes, et ton album Affranchi au film de Scorsese. Tu es cinéphile ?
Non, absolument pas. C’est pas que je me vois dedans, mais j’arrive à comprendre les films que je cite et dont je m’inspire. Y’a pas de fiction. C’est du réel pur et dur, comme mes albums. Et tu connais, on reste le plus authentique possible.

On te répète toujours que tes intonations et ton flow ont apporté un truc encore inédit dans le rap français. Tu en avais conscience ?
Ouais, mais je pensais pas que ça allait prendre cette ampleur. Tant mieux, c’est une petite chance qui m’a permis de me faire ma place.

Comment tu gères le fait d’inspirer toute une nouvelle génération de rappeurs ?
Inspirez-vous bien !

Et sinon, t’es plus Détaille ou Défonce ?
Ah bah la détaille ! C’est plus bénéf…


Par Carla Thorel

Photo Arnaud Juheria