ARTHUR, CERVEAU DE DISTRICT Z : « CE N’EST PAS UNE ÉMISSION, C’EST UNE EXPÉRIENCE ! »

Arthur zombie district z technikart

C’est le lancement télévisuel le plus démeusuré depuis dix ans. Avec Disctrict Z, son jeu de zombies grandeur nature, Arthur va t-il redonner vie à nos vendredis soirs ?

Ce projet de super-production à base de zombies a démarré il y a plus de trois ans. Que s’est-il passé, exactement, entre l’idée initiale et le début du tournage cet été ? 
Arthur : À force d’observer mon fils aîné scotché devant l’écran à regarder The Walking Dead, j’ai commencé à me renseigner sur ce phénomène de pop culture mondial. Je me suis rendu compte qu’il n’y avait jamais eu de divertissement autour de cet univers, jusqu’ici réservé aux films de genre, aux jeux vidéo ou aux escape-games. C’est à ce moment-là que mon idée a commencé à germer : « Pourquoi ne ferait-on pas le plus grand show de zombies pour la TV linéaire ? ». Comme je n’avais pas d’expertise en la matière, j’ai voulu m’approcher des meilleurs en France. J’ai commencé par appeler mon ami Xavier Gens (réalisateur de films de genre et récemment de la série Gangs of London, ndlr). Quand je lui ai parlé du projet, il a d’abord éclaté de rire, et quand je lui ai dit que c’était pour TF1, il a éclaté de rire une deuxième fois. Il m’a dit : « Tu es tellement fou et obstiné que tu es capable de le faire. On se voit la semaine prochaine ! ».

Et ce premier rendez-vous avec Gens ? 
Xavier et Nicolas Fuchs (le directeur artistique de l’émission) m’ont fait une masterclass du zombie parce que je n’y connaissais vraiment rien, j’avais l’impression d’avoir 100 ans (rires). Maintenant, je comprends un peu mieux l’univers : Les walking deads, c’est le western d’aujourd’hui, une zone de non-droit, régie par aucune règle, si ce n’est celle de tout faire pour survivre. 

Comment TF1 a accueilli le projet ?
Comment vous dire… Le premier pitch et le trailer que j’ai présentés devant les équipes de TF1 ont été suivis d’un silence de mort. Vous voyez le genre de silence qui suit après une grosse gaffe en pleine réunion de famille (rires). Puis le patron, Ara Aprikian, se lève et dit : « Je suis le seul à être hyper-excité par ce que je viens d’entendre et de voir ? » Et là, ça a été le début d’une grande aventure ; deux années de dingue, avec des hauts et des bas, des moments de joies, de doutes et d’angoisses… Ce jour-là, Ara, je l’aurais embrassé sur la bouche, mais je n’avais hélas pas mon rouge à lèvres sur moi (rires). Il faut bien comprendre, c’est un format papier à la base, un concept français sans aucune comparaison possible, car il n’y a aucun équivalent sur le marché TV. Pour TF1 c’était une énorme prise de risque. 

Vous doutiez à cause de l’importance – et donc du budget – du projet ? 
C’est un projet extrêmement ambitieux, pharaonique même, qui nous a empêché de dormir pendant pas mal de temps. Avec des moyens techniques, technologiques, humains et financiers énormes. Il a fallu être créatifs, ingénieux et malins. C’était titanesque mais le budget, ce n’était pas Hollywood ! Il a donc fallu trouver des solutions smart et efficaces pour y arriver. Mais dans toutes ces périodes de questionnements et de remises en cause que nous avons traversées, surtout avec l’arrivée du Covid la veille du tournage, rien ne nous a empêché d’avancer. Au contraire, ce qui a été incroyable, c’est l’engouement immédiat de tous les corps de métier, la détermination de toutes les équipes, des décorateurs aux chef op’, des costumiers aux ingénieurs qui ont travaillé sans relâche pour trouver des solutions techniques et économiques à chacun des problèmes. Et il y en a eu beaucoup (rires). La cerise sur le gâteau a été la réponse spontanée de tous les artistes quand on leur a proposé de participer à cette expérience unique avec des zombies. Ils ont tous répondu présent ! Et quand ils ont fini, hagards, KO, courbaturés à sept heures du matin après une folle nuit de tournage, ils ont tous demandé : « Quand est-ce qu’on recommence ?! ».

Et comment avez-vous vécu le premier confinement ?
Il a été annoncé 24 heures avant le début des répétitions. Horrible ! On a l’impression que tout s’écroule après deux ans de boulot. Vous imaginez ? La veille, un cauchemar ! Seule consolation, c’est que les décors ont dû être laissés sur place pendant trois mois. Du coup, quand on a repris, ils avaient été envahis par la végétation, ce qui a rendu l’environnement encore plus réaliste. Je me souviens, ça m’a mis un bon coup au moral, déjà que je suis hypocondriaque (rires). Un virus se déploie dans le monde au moment où on lance une émission dont le thème est « une zone infestée par un virus qui a tout contaminé aux alentours, transformant les humains en créatures zombies ». On était au cœur de l’actu ou de la malédiction du District Z. Flippant non ?

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SUIT UP !_
Mort ou vivant, n’oublions pas la première règle d’Oscar Wilde : « Bien paraître et bien s’habiller est une nécessité. »


Comment s’est passé l’enregistrement des émissions ?
District Z a été le premier tournage post-confinement, donc l’équipe technique et les artistes étaient tous tellement excités et joyeux d’être là qu’il n’y a eu aucun couac technique sur une émission qui aurait dû en avoir un toutes les cinq minutes. Et cette excitation, vous le verrez, se ressent vraiment à l’écran. Pour tous, moi le premier, ce fut comme une libération après ces longs mois de lockdown.

Et que va devenir ce décor qui s’étend sur plus de dix hectares dans l’Oise ? 
On a vraiment envie d’y créer le Coachella des zombies, entre autres ! On travaille dessus en partenariat avec le Parc Astérix, qui avoisine le décor, Satisfaction, Tf1 et Live Nation (le premier organisateur de tournées au monde, ndlr). L’idée, c’est d’organiser le plus grand festival de morts-vivants sur trois jours avec 20 000 personnes qui viendront de toute l’Europe pour assister à des concerts, se restaurer, tester les épreuves… 

La pandémie n’a pas eu la peau de ce projet ?
Pas du tout ! On a été décalé par le Covid, mais c’est toujours d’actualité. Dès que c’est possible, on va faire venir des food-trucks, mettre en place de quoi organiser de beaux concerts et… lâcher 150 zombies dans le parc. Angelo de Live Nation est à fond dessus et les équipes du Parc Astérix sont géniales !

« ON EST AU COEUR DE L’ACTU OU DE LA MALÉDICTION DU DISTRICT Z »


Vu l’ampleur de District Z, vous êtes obligés de le vendre à l’étranger pour rentabiliser le projet ? 
Comme on dit, c’est à la fin du bal qu’on paye les musiciens. Si les zombies n’ont pas le succès escompté, ça ne nuira pas à mon entreprise mais ça me déprimera quelque temps… District Z, c’est trois ans de boulot et de développement, 200 personnes qui ont travaillé jour et nuit pendant des mois. Pour vous donner un ordre d’idée : District Z, c’est une journée de montage par minute d’émission.

Vous êtes confiant ?
On a le meilleur animateur possible pour incarner le programme, Denis Brogniart. On a la première chaîne d’Europe, TF1, avec sa  force de marketing. Nous avons 25 célébrités premium et un dispositif visuel énorme. Les voyants sont au vert mais, à la fin, c’est le public qui décide ! Je sens qu’il y a une vraie curiosité autour du show : dans cette période terriblement anxiogène que nous traversons, il y a un vrai retour à la télévision événementielle. Et en même temps, on sent qu’il y a une véritable envie pour des grosses nouveautés made in France. À ce jour, grâce à Sony, le projet a déjà fait le tour du monde, tous les diffuseurs et producteurs sont dessus. Avec des networks américains, anglais et allemands qui attendent la première en décembre pour se positionner. Si ça marche, on aura, je l’espère, plusieurs pays qui viendront tourner les uns après les autres dans notre complexe dès avril. Croisons les doigts.

Ce petit coin de l’Oise jouxtant le Parc Astérix va donc devenir un hub télé international ?
Ça faisait partie des contraintes pour trouver le bon lieu de tournage : nous avons choisi le Parc Astérix pour bénéficier de leurs structures d’accueil hôtelières mais aussi pour la proximité avec l’aéroport de Roissy et de la gare du Nord. Le dispositif à été pensé comme un hub de production qui permettra à tous les pays du monde de venir y tourner leur version. Ainsi, quand les pays étrangers viendront tourner chez nous, on pourra héberger tout le monde et avoir le back-office sur place. Les pays arrivent chacun avec leur animateur et leurs équipes de prod’, nous on leur livre l’émission clef en main. Les équipes du Parc nous ont vraiment aidés sur le projet.

Et que faudrait-il pour que la France exporte davantage de programmes ?
Pour que ce soit exportable, il faut que le sujet soit ambitieux, universel et qu’il soit, dès la création du format, déjà pensé pour les pays étrangers. La mécanique, le budget et la façon de tourner peuvent être totalement différents selon chaque pays. Par exemple, District Z, c’est 120 minutes en France, mais ce sera un 52 minutes aux États-Unis. De manière générale, nous, les producteurs français, n’avons pas à rougir de la « production value » de nos programmes de flux ou de nos fictions. La France est un grand pays dans l’industrie mondiale de la télé.

C’est réjouissant d’entendre que les Français exportent des concepts d’émission télé.
Chez Satisfaction, un programme sur trois est vendu à l’étranger. Vendredi Tout est permis, par exemple, a été adapté dans 31 pays. La Villa des cœurs brisés commence son tour du monde. N’oublions pas que les grands formats actuels ne viennent pas des États-Unis : The Voice, Big Brother sont hollandais, Mask Singer, coréen, Rising Star était israelien… Il reste peu de grandes franchises américaines dans le domaine du divertissement. Le « shiny floor », comme disent les Anglo-Saxons, vient souvent d’Europe. Mais c’est vrai que le fantasme d’avoir un blockbuster français aux États-Unis, c’est le Graal de tout producteur.

District Z sera diffusée à partir du 11 décembre. C’est quoi la suite ? 
Si ça nous sourit, on commencera à préparer l’accueil des prod’ étrangères qui vont venir tourner dans notre décor, ainsi que la préparation de la saison 2. Cela étant dit, la chaîne se montre particulièrement investie sur le devenir de l’émission. On reproche souvent à TF1 de ne pas être créatif ou de ne pas prendre de risques, c’est faux. Et vous en avez la preuve une fois de plus.

Arthur zombie district z technikart
THINK-TANK_
Arthur en plein brainstorming pour la prochaine saison de District Z.


D’ailleurs, c’est une des seules chaînes hertziennes – voire, la seule – à dépenser autant pour ses émissions de divertissement. 
Voir TF1 investir dans Mask Singer l’an passé et mettre le paquet sur District Z, démontre qu’elle a encore de grandes ambitions dans le divertissement… 

Moralité? 
Une bonne idée n’a jamais de problèmes de financement. Un bon concept finit toujours à l’antenne !

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Lancer une émission de prime l’année du confinement, c’est une bénédiction ou une malédiction ?
Le JT de 20 heures, quand le Président Macron parle, c’est 25 millions de spectateurs ! Ça faisait des années qu’on n’avait pas vu ces chiffres. On a besoin de nous sentir ensemble, la télé nous rassemble. Avec le Covid, on a retrouvé le plaisir et l’envie de regarder la télé en famille. J’ai découvert que ma fille adorait Koh-Lanta, eh bien maintenant, je regarde avec elle ! Toute une génération s’est remise à la télévision parce que le Covid a créé cette urgence. Maintenant, ça ne veut pas dire que notre industrie n’est pas en crise, mais il faut continuer de se renouveler sans cesse. Nous n’avons pas le choix.

Pour District Z, ce renouvellement c’était d’infuser des éléments de jeu vidéo gore à un divertissement ? 
On est à mi-chemin entre le jeu vidéo, la télé et le cinéma, dans certaines formes de réalisation et de narration. Dans tous les films d’horreur tu as le puit, le feu, la claustrophobie, le vertige, la peur du noir, la forêt… On a remodelé tout ça à notre sauce pour que chaque séquence éveille en nous quelque chose. Avec Xavier, on a étudié les peurs omniprésentes dans les films de genre et les épreuves qu’on retrouve dans des jeux vidéo de zombies, type Resident Evil, Call of Duty ou The Last of Us. Toutes les franchises de jeu vidéo ont un spin-off zombies. On les a toutes visionnées et on s’aperçoit qu’il y a toujours les mêmes ressorts qui reviennent. Pour la réalisation, l’habillage sonore ou la musique, on s’est aussi inspiré du cinéma de genre.

Les participants apprécient-ils ce mix d’influences ?
Les artistes apprécient surtout qu’on les sortent de leur zone de confort. Ce n’est pas une émission, c’est une expérience ! Vous allez faire des jeux inédits avec ce petit twist qui, à tout moment, va vous faire sursauter. Les zombies, ça crée de l’adrénaline : tourner en temps réel de nuit, ne pas avoir de notion du temps, ne pas être maquillé, le froid, le stress… Mais attention, cette émission n’est pas faite pour faire peur. Le concept, c’est que les spectateurs vont rire en regardant ces célébrités mortes de trouille. Vous allez adorer les voir flipper ! (rires)

« UN BON CONCEPT FINIT TOUJOURS À L’ANTENNE ! »


Ils aiment voir des people face à l’imprévu ?
À l’inconnu surtout ! Quand tu vas faire Koh Lanta ou Ninja Warriors, tu sais où tu mets les pieds. Là, les artistes sont arrivés dans un monde totalement nouveau, jamais vu, de nuit, ils n’ont croisé aucun technicien, ils n’avaient même pas leur smartphone. 

Vous travaillez sur la thématique des zombies depuis trois ans. D’après vous, pourquoi cette fascination-répulsion pour ces créatures ? 
Pour pas mal de gens, l’idée du mort-vivant permet de se poser des questions au sujet d’une vie après la mort. L’inconscient du zombie répond à l’esprit de chaos que nous vivons aujourd’hui dans le monde, assez accentué par le Covid. Nous vivons hélas le siècle du chacun pour soi : jusqu’où suis-je prêt à aller pour survivre à l’autre et sauver ma peau… ?

Vous voyez des parallèles entre les deux ?
Le point de départ de l’émission, déjà, c’est une zone contaminée après des expériences scientifiques d’un milliardaire fou, ça dérape et ça devient un virus qui va transformer les gens en zombies. Il y a un côté fin du monde qui correspond très bien à notre époque. Le principe du zombie, c’est de dévorer l’autre et immédiatement faire naître celui qui va dévorer le suivant. Et ainsi de suite, jusqu’au jour où il n’en restera plus qu’un. C’est la philosophie des Marcheurs blancs de Games of Throne ; la mort est une forme de renaissance, mais pour faire le mal.

Nous vivons une époque zombie, c’est ça ? 
Je le crains ! Quand TF1, qui est une chaîne populaire et familiale, diffuse World War Z, c’est un carton. Le zombie est en passe de devenir mainstream… (Rires.)

D’ailleurs, vous êtes plutôt Walking Dead ou World War Z ?
Pour District Z, on est parti sur l’école Walking Dead, avec des zombies qui marchent, contrairement à World War Z où ça grimpe de partout. On a pris un chorégraphe « zombies », et les fans de cette culture-là ne seront pas déçus. Par contre, ils sont au courant que ce sera beaucoup moins gore que dans un vrai film de zombies. C’est un divertissement familial ! 

Vous comptez vous rattraper avec le jeu vidéo que vous préparez ? 
À fond ! Avec Xavier Gens, on travaille sur le jeu qui accompagnera l’émission. On rêverait d’être les importateurs de l’univers zombie en France. Dans un monde idéal on commence par l’émission, ensuite le jeu vidéo et dans la foulée le film. Imaginez un film de zombies dans Paris : l’Arc de triomphe, le Louvre et l’Elysée attaqués par des morts-vivants. Ce serait génial, non ?

À partir du 11 décembre sur TF1


Entretien Laurence Rémila & Adèle 
Chaumette
Photos : Eddy Brière

 

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