Agnès Varda, la dernière hippie du cinéma ?

agnes varda

Laurent Levesque, compositeur d’Agnès Varda (Les Plages d’Agnès, Agnès de-ci de-là Varda…), nous raconte le cinéma « instinctif, artisanal et de proximité » de cette réalisatrice à l’ancienne, décédée le 29 mars 2019.

Pour vous, qui était Agnès Varda ?
 
Laurent Levesque : Il y a 3 mots qui me viennent à l’esprit quand je pense à elle. C’est famille, artisanat et humanité. Les personnes de cette époque, de cette génération ont une énergie communicative, artistique et sincère. Je pense à elle souvent. 

Comment l’avez-vous rencontré ?
Je l’ai rencontré sur le film Les plages d’Agnès grâce à son assistante Julia Fabry. Je lui ai proposé une musique et elle l’a mise sur la scène d’amour des deux personnes qu’elle retrouve à Los Angeles, cette musique a ensuite été utilisée sur la bande annonce.

Héritage

Comment travaillait-elle ?
 
C’était un peu à l’ancienne, un vrai travail de collaboration. On est à côté, le texte n’est pas encore prêt, donc elle le dit pendant que défilent les images et je prends des notes sur du papier musique. C’était vraiment agréable. Elle nourrissait énormément ma création, car c’est pas le tout de travailler avec un réalisateur, il y a aussi l’amitié qui perdure. Avec elle, c’était une amitié durable. C’était extrêmement humain.

L’une des dernières fois que je l’avais vu c’était à la fondation Cartier. Elle avait invité 7 enfants, dont ma fille, pour leur poser des questions. C’était très touchant de la voir assise, entourée par les enfants, leur parler, répondre à leurs questions et leur raconter des choses passionnantes. Je sais pas quel héritage elle va laisser, car peu de gens sont comme elle. Il y avait quelque chose de très partagé entre nous deux.
 

Selon vous, quelle était la musique de Varda ?

Je ne pourrai pas dire quelle était sa musique à elle, cela pouvait être parfois très contemporain ou très simple mais il y avait toujours la volonté d’essayer et de découvrir quelque chose. Une âme d’enfant, quelque chose de toujours frais. 
 

Et son cinéma ?

C’est quelqu’un qui a fait du cinéma à l’instinct. Elle est passée de la photo au cinéma donc d’emblée elle avait des yeux que d’autres cinéastes n’avaient pas. Pour moi, c’est vraiment un cinéma de contact humain, d’échanges. Jusqu’à peu de temps, rue Daguerre, la salle de montage était en face de sa maison et tout le monde pouvait, s’il le voulait, frapper à la vitre pour rentrer et discuter avec elle ou pour demander une dédicace. C’est cette présence continuelle qui était assez étonnante, cette accessibilité. Je ne sais pas de quoi sera fait l’avenir mais je sais que des films comme Cléo de 5 à 7 sont complètement intemporels. Ce sont des monuments. 
 

Quelle voix nous laisse-t-elle ?
 
Elle avait une énergie débordante c’est pour ça qu’il est difficile de ne plus l’imaginer ici. Elle n’aurait pas dû avoir ce cancer, car, à 90 ans, le corps n’est pas assez vaillant pour la nourrir. Mais Agnès était vraiment jeune dans son esprit, et cette maladie s’est propagée comme si elle avait 30 ans.
 
Cette jeunesse transparaît dans tout ce qu’elle a fait. Pour nous qui sommes d’une génération postérieure, il faut s’inspirer de ça, de cette manière de vivre. Je me souviens d’elle dans Les Plages d’Agnès quand elle prenait part à une manifestation avec son panneau “j’ai mal partout”. C’est de cet humour là qu’il faut s’inspirer. Il ne faut pas trop s’écouter dans la vie et prendre le bon côté des choses.
Pauline Gabinari