ABDOULAYE FADIGA, M. CHAMPION SPIRIT : « GAGNER, UN ÉTAT D’ESPRIT »

Neuf fois champion de France et champion du monde de boxe thaï, fondateur de l’Académie Champion Spirit et d’une ligne de vêtements et d’accessoires connectés d’entraînement, Abdoulaye Fadiga forme les athlètes et membres de la communauté Champion Spirit grâce à sa méthode à 360°. On s’entraîne ?

Tu as commencé la boxe à 12 ans. Comment se sont passés tes débuts dans le milieu ?
Abdoulaye Fadiga : Mon premier grand souvenir de boxe, c’était mon tout premier championnat, en 2001. J’avais alors 17 ans. J’ai boxé un gars qui en avait 30 et j’ai gagné.

Peu de temps après, tu es parti en Thaïlande, pour t’entraîner auprès de Burklerk Pinsinchaï, un champion local. Un coup de tête ?
Après cette victoire, je réfléchissais à m’engager dans l’armée. J’ai fait la sélection pour intégrer le régiment d’infanterie et parachutiste. Mais je me suis rendu compte que le championnat militaire de boxe, ce n’était pas ce que j’attendais, et je me suis dit que c’était mieux de faire de la boxe plutôt que d’aller en Afghanistan. Avant la fin de la période probatoire j’ai arrêté et je suis parti pour la Thaïlande.

Comment t’es-tu fait accepter là-bas ?
Ce n’était pas évident, on était très peu d’étrangers. Je me suis fait accepter parce que je vivais au camp, le Ban Diokan, « la Maison qui appartient à ses habitants », une communauté qui s’autogère. J’avais huit heures d’entraînement tous les jours. J’étais à Lampang, une petite ville où il n’y avait ni Internet, ni télé… Rien ! À la limite un walkman (rires). Quand tu commences à t’intéresser à la langue, tu comprends mieux les réactions, tu apprends à ne pas offenser. Dans le pays, l’étranger porte le nom de « farang » : ils acceptent que tu ne comprennes pas tous leurs codes. Et en trois mois, je comprenais tous les termes de l’entraînement. 
 

« PLUS TU T’ENTRAÎNES DUR, PLUS TU PROGRESSES. »

 

En France, tu remportes le championnat sept fois de suite, avant de connaître ta première défaite en 2008. 
Oui, c’était le 8ème championnat de France… Je me suis inspiré de mon expérience thaïlandaise pour remonter sur le ring par le suite. 

Comment ça ? 
Gagner, c’est avant tout un état d’esprit. Là-bas, quand ils ont un boxeur qu’ils veulent voir devenir un champion, ils sont très forts en ce qui concerne la manipulation positive. Ils t’apprennent véritablement à gagner. Ils choisissent tes adversaires pour tes premiers combats. Ce sont des adversaires durs mais qui te correspondent. Des adversaires qui peuvent te mettre en confiance avant de te faire prendre des risques, ils ne t’apprennent pas à perdre. Le jour où tu prends des coups, tu  ne sais même pas que c’est possible : « Qu’est-ce qu’il se passe là ? Il doit y avoir une erreur, je vais corriger » (rires). Ça te marque au sang, mais après, tu apprends à te relever, à retourner au combat et à re-gagner. C’est toute une mentalité à avoir : il faut refuser de perdre. Mais quand tu as une prédisposition pour quelque chose, il faut s’y donner à 3000 %. Ça vaut aussi pour le travail. 

CHAMPION CONNECTÉ ?_
Il a inventé le sac de frappe 2.0 : vous vous défoulez, il vous dira si vous faites des progrès.


Peux-tu nous expliquer ta méthode perso d’entraînement, que tu transmets dans ta salle de sport Champion Spirit ?
Quand j’ai commencé à enseigner, j’avais encore des compétitions à honorer en Thaïlande. Et je faisais beaucoup de voyages pour ces combats. À chaque fois, j’aimais bien partir deux ou trois mois avant, j’allais dans un camp d’entraînement là-bas, pour me préparer et revenir à fond. Donc j’étais absent de Paris pendant deux mois. Je trouvais des entraîneurs pour me remplacer, mais les élèves me disaient : « Ce n’est pas comme avec toi ». Ils voulaient s’entraîner avec un champion, avec un athlète qui a vécu des compétitions corsées, qu’il ait gagné ou perdu. C’est une expertise, une expérience, et surtout un seuil d’acceptation de la douleur qui est différent. C’est très important, car aujourd’hui on ne sait pas forcément souffrir. Quoi qu’il arrive en sport, tu es obligé de souffrir pour avoir une rétribution. Obligé ! Et plus tu t’entraînes dur, plus tu progresses.

Et ça, tes élèves le comprenaient ?
Quand ils venaient s’entraîner, ils me prenaient pour un fou. Ils me disaient : « Mais je vais pas faire tout ça ! ». C’était dur, mais en fin de compte, ils étaient contents de s’être défoulés. C’était un public qui n’avait pas forcément connu le dépassement avant de venir chez Champion Spirit. Après, ils me disaient : « Aujourd’hui, j’ai réalisé cet entraînement, je me suis dépassé, j’ai souffert, grâce à ça j’ai obtenu ça et je suis satisfait de moi ». J’ai alors compris l’intérêt de ce que j’avais appris en Thaïlande pendant mon parcours de sportif. Je l’ai inséré, actualisé et normalisé. Le boulot d’entraîneur, c’est ça : amener un personnage d’un niveau A à un niveau B. Le tout sans le blesser, évidemment.
 

« IL FAUT ACCEPTER LE SPORT COMME UNE EXPERTISE EN SOI. »

 

Grâce à ton expérience en Thaïlande et tes études, tu proposais un entraînement pour un public spécifique ?
Tout ça, c’était pour l’optimisation de la performance de l’athlète. Au début, j’étais focalisé uniquement sur les athlètes de haut niveau ou les gendarmes, policiers, etc., ceux qui pratiquent des interventions risquées. Après, j’ai ouvert l’entraînement aux pratiquants « de loisir ». Je me suis rendu compte que c’est un truc de ouf ! Ils démarrent avec très peu de connaissances et en un an, ils se transforment. C’est impressionnant. 

Tu es fan de montres ? Je vois que tu portes une Hublot.  
Ils sont venus dans mon club et m’ont proposé de démarrer une collaboration, parce qu’il y a beaucoup de gens qui s’entraînaient chez moi qui correspondaient à leur cible de marque.

Tu vends des vêtements avec ta marque Champion Spirit, comptes-tu te lancer dans la mode ? 
On vend des vêtements au Bon Marché, au Publicis Drugstore et à Beaugrenelle. On a lancé des collections, mais ce sont vraiment des tenues très simples, des must-have que tu peux mettre tous les jours. 

D’où ce sac estampillé Champion Spirit. 
J’ai toujours un sac à dos, et il y a beaucoup d’hommes qui veulent être sûrs de rien oublier. La batterie, le téléphone, les clés, le chargeur, un couteau suisse, ce genre de trucs. Sans parler des papiers, du courrier à poster, un biberon, une tétine ! Tu as besoin d’un sac, mais si tu te rends à un dîner, par exemple, après l’avoir trimballé toute la journée, il doit être présentable. Le look et la fonctionnalité sont deux facteurs importants et inséparables.

Tu as un modèle, aujourd’hui ?
Mon entraîneur, Kouider. C’est l’entraîneur que tout le monde rêve d’avoir. Exemplaire. À la fois Tortue Géniale, oncle, conseiller… Une fois que tu es « backé », tu peux y aller. Et il y a un grand samouraï, Miyamoto Musashi, j’ai lu son bouquin quand j’étais en Thaïlande : La Pierre et le Sabre. À 14 ans, ça te marque ! 

Tes projets pour 2022 ? 
Je lance une nouvelle gamme de produits connectés. On est les premiers à avoir créé un sac de frappe connecté. L’idée, c’est de rendre la pratique sportive ludique. Lorsque tu as un prof trop strict, tu apprends bien, mais tu vas te rendre à son cours à contre-cœur, tu n’auras pas envie, parce qu’il te saoule. C’est pareil pour le sport. On a donc créé des accessoires fun et efficaces. Avec le sac de frappe, on a des altères connectées qui analysent les mouvements pour suivre les performances de nos adhérents au quotidien… L’idée derrière tout ça, c’est de rendre l’entraînement sportif accessible, simple, et partagé avec les autres utilisateurs. 

Un conseil pour celles et ceux qui hésitent encore avant de s’inscrire dans une salle ? 
Tout d’abord, il faut accepter le sport comme une expertise en soi – quand vous vous rendez dans une salle, dites-vous que c’est pour échanger avec des experts. C’est le meilleur moyen d’avancer ! 

Champion Spirit, 14 boulevard Raspail, 75007 Paris – www.championspirit.com 


Entretien Julio Rémila
Photos Julien Grignon