L’ALBUM DU MOIS : MELODIES ON HIATUS 

Melodies On Hiatus

On ne parle pas ici du fils de Rainier de Monaco, mais d’un héritier guitariste autrement plus doué : Albert Hammond Jr. Lequel sort un album mélancolique et inégal qui lui ressemble.

Il est toujours un peu pathétique de suivre la carrière des meilleurs athlètes. Après l’insouciance des débuts, les premiers coups d’éclat et la confirmation au plus haut niveau, vient inexorablement l’heure du déclin – défaites, blessures, prise de poids. Voici que le phénix d’hier se réincarne en entraîneur ou en consultant, grisonnant et bedonnant. En tennis, les vieilles gloires continuent de pousser la balle dans des tournois des légendes. La grâce fut éphémère, l’obsolescence programmée n’épargne personne, et ce qui vaut dans le monde du sport se vérifie également dans celui de la musique, où le charisme et l’inspiration sont aussi prompts à se faire la malle. Francis Scott Fitzgerald affirmait qu’il n’y a pas de second acte dans la vie d’un Américain. Albert Hammond Jr., 43 ans, peut-il faire mentir l’écrivain dépressif décédé à 44 ans ?

De 2001 à 2006, le jeune Albert connaît un âge d’or : avec les Strokes, il dégaine trois disques du tonnerre et entre dans l’histoire du rock. Ne se satisfaisant pas d’être le guitariste du groupe le plus classe de New York (et de la planète), il enregistre en parallèle un sublime album solo, Yours to Keep, où l’on sent un homme fêlé derrière ses fringues cintrées. En 2008, il récidive avec ¿Cómo Te Llama?, qui contient encore deux sommets (« You Won’t Be Fooled By This » et « Feed Me Jack »).

QUE FAIRE APRÈS ÇA ?

Albert, 29 ans, entre en cure de désintoxication – on apprend alors que ce doux rêveur souffre d’une triple addiction à l’héroïne, la cocaïne et la kétamine. À la suite de cette rude descente, Hammond Jr. n’a jamais vraiment remonté la pente. Sobre et amaigri, il a créé des costumes et des cravates. Il a lancé dans le commerce une boisson pétillante. Il s’est marié et a eu un enfant. Reprenant du service au sein des Strokes, il a sorti avec eux trois excellents albums – ils en enregistrent actuellement un nouveau avec Rick Rubin. En solo, deux autres albums au compteur, Momentary Masters (2015) et Francis Trouble (2018). Il y a toujours des bons moments, voire des grands, mais force est de reconnaître que la flamme s’est perdue. Melodies On Hiatus nous laisse un peu sur notre faim. Avec ce double album produit par son fidèle Gus Oberg, on pensait qu’Albert tiendrait peut-être son chef-d’œuvre. Le premier single nous a entretenu dans cet espoir, ou cette illusion. À l’arrivée, il y a deux excellentes chansons (« Libertude » et « False Alarm ») et quelques instants de grâce. On crierait au génie pour n’importe quel quidam, mais de la part d’Hammond Jr. on attend mieux.

SON PROBLÈME ?

Il souffrira toujours de la comparaison avec Julian Casablancas, dont il n’a ni la voix, ni l’aura. Alors que le roi Casablancas clôt en majesté l’aventure Daft Punk en vocalisant leur inédit « Infinity Repeating », le prince Albert a ici des airs de second couteau. Sans la force iconique des Strokes autour de lui, il reste à hauteur d’homme, sincère, touchant et attachant. Ce qui n’est pas rien dans le monde falsifié de la pop.


Melodies On Hiatus
(Red Bull Records)

 

Par Louis-Henri de La Rochefoucauld