CLOSE DE LUKAS DOHNT : FIN DE L’INNOCENCE PERDUE

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Deux mômes de treize ans partagent tout, mais se heurtent au regard des autres. Après Girl, la nouvelle merveille de Lukas Dhont, récompensée du Grand prix du festival de Cannes.

Dire l’ineffable, filmer l’invisible, montrer une intimité indicible sans la figer, c’est la prouesse que réalise Lukas Dhont avec son second long-métrage, le merveilleux Close. On y découvre deux garçons de treize ans, Léo et Rémi, qui vont voir leurs liens étroits mis à l’épreuve lors du difficile passage de l’enfance à l’adolescence. À la douceur de l’été, des jeux au milieu des champs et à la tiédeur de la chambre au petit matin, succèdent alors le bitume de la cour de récré, les regards scrutateurs, les jugements définitifs et la dure hiérarchie du collège. Lukas Dhont évoque ainsi avec une grande délicatesse cette épreuve qu’est la fin de l’enfance, cette expulsion du paradis, ce deuil premier et violent, destructeur pour certains. Le monde des garçons se fracture et l’on voit le jardin d’Éden se métamorphoser à mesure que la honte remplace l’innocence. 

Le titre anglais Close, équivoque, dit finalement bien toutes les facettes du film. Close renvoie à une relation simultanément proche et distante, mais aussi à sa fin. C’est tout à la fois l’intensité de ce lien et son terme qui sont conjointement exprimés, comme un chapitre que l’on referme, un souvenir d’enfance que l’on garde. Si le début de l’adolescence est un topos familier, l’envisager d’abord comme la fin de l’enfance l’est peut-être un peu moins. Sans nostalgie, tristesse ou accablement outre mesure, le film aborde la question de cette expiration dans toutes ses nuances. C’est peut-être cela la plus grande réussite du film, son refus systématique à fixer ou expliquer des réalités mouvantes, à mettre des étiquettes ou imposer des jugements à des sentiments définitivement inexplicables. C’est en effet à de pareils jugements que se heurte le lien de Léo et Rémi. N’appartenant qu’à eux, mettre un mot de l’extérieur sur cette relation revient à l’appauvrir, voire à l’anéantir, et c’est cet écueil qu’évite Lukas Dhont tout en le dénonçant. L’adjectif « close » ne qualifie ainsi aucun nom, aucun lien, rendant à cette relation toute sa richesse, sa vraisemblance et son intimité.

BEAUTÉ ET ÉMOTION

Récompensé du Grand prix à Cannes, Close est porté par des acteurs subtils, dont les performances décuplent l’émotion. Eden Dambrine notamment, qui joue le rôle solaire de Léo, est une véritable révélation, et son naturel porte, emporte le film, soutenu par Émilie Dequenne, une nouvelle fois admirable. Malgré quelques métaphores un peu faciles et un rythme qui se cherche parfois dans la deuxième partie, Lukas Dhont parvient à nous ouvrir le cœur en nous replongeant dans le paradis (perdu) de l’enfance et les tourments de l’adolescence. C’est sublime, simplement sublime, comme cette course des deux mômes dans un champ, avec des fleurs multicolores qui s’envolent et virevoltent. Vous ne verrez rien de plus beau cette année.

CLOSE
LUKAS DOHNT
Sortie en salles le 1er novembre


Par Marc Godin