CHRISTOPHE : LE PARRAIN DE LA POP EST DE RETOUR

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Le culte entourant la pop-star de Juvisy-sur-Orge se poursuit avec une nouvelle compile. Très originale, elle montre diverses facettes de Christophe, qui en avait plus d’une, comme il est bon de le rappeler.

Quiconque a déjà passé quelques soirées chez Christophe sait quel fourbe était l’homme aux lunettes bleutées. Très charmeur, joueur de poker, du genre truqueur, un peu menteur, le petit moustachu faisait semblant d’être dans la lune mais il était tout à fait lucide, plus rusé qu’un renard. Pas hyper rigoureux quand il s’agissait de déclarer les crédits, il était plus concentré quand il voulait piquer de l’argent aux maisons de disques – Valéry Zeitoun doit s’en souvenir avec douleur. Comme Gainsbourg avant lui, il aimait enfin rouler dans la farine ces nigauds de journalistes : il leur faisait croire à des confessions inédites, sauf qu’il refourguait les mêmes à tout le monde. Sans doute n’en revenait-il pas lui-même d’être devenu une telle icône après avoir traversé le désert. Le grand public l’avait lâché, mais avec les bobos il avait un succès fou. Il en tirait profit, en orchestrant lui-même sa légende. Lors des dernières années de sa vie, il a sorti un live dispensable (Intime), des fonds de tiroirs anecdotiques (Paradis retrouvé) et deux compiles où il reprenait son répertoire avec des acolytes finement choisis (Sébastien Tellier ou Raphaël en guise de fils spirituels, Julien Doré ou Juliette Armanet pour surfer sur leur réussite, Pascal Obispo, Laetitia Casta ou Philippe Katerine pour des raisons diverses). Tout, chez Christophe, était calculé. Certes, c’était une sorte de dandy, mais dans le genre rigolo. Il se voyait en héros de Fellini ? Il aurait pu être un personnage d’une comédie de Dino Risi.

TRUCULENT ET TORDANT

Malgré ses coups fourrés, Christophe nous manque. Le milieu de la musique est bien terne sans ses facéties. On s’ennuie. C’était quand même un sacré personnage, truculent et tordant. Il n’avait pas qu’un don de marionnettiste. Il a su se composer un personnage pittoresque et, plus difficile, créer un univers qui n’appartient qu’à lui. Le statut de parrain dont il jouit aujourd’hui n’est pas usurpé : son œuvre tient la route, sa postérité ne fait que débuter. Eva Peel lui consacre ce mois-ci un tribute qui vaut le détour, car il évite les clichés. La facilité aurait été de réunir Clara Luciani, Angèle, Feu ! Chatterton et autres vedettes du jour qui auraient massacré « Aline », « Señorita » ou « Tonight, Tonight ». Eva Peel a préféré monter un casting underground qui rappelle que, derrière ses côtés showbiz, Christophe est resté jusqu’au bout un vrai chercheur, obsédé par la singularité, la découverte, l’avant-garde. À la place de fantoches tels Christine, Orelsan, Eddy de Pretto ou Yseult, voici donc Étienne Jaumet, Alex Rossi, Romain Turzi, Charles-Baptiste, Judah Warsky, Patrick Vidal… Leurs reprises ne sont pas paresseuses et littérales, elles nous emmènent ailleurs – mentions spéciales à Judah Warsky qui tire Christophe vers Lou Reed, et à Turzi qui réinvente complètement « Les Mots Bleus » en se servant d’un vieux synthé de Christophe (son Prophet VS). Trêve de perfidies : le dernier des Bevilacqua reste le premier des crooners de la pop française.


Par Louis-Henri De La Rochefoucauld