Yann Moix : « À table avec Gégé en Corée du Nord ! »

Nouilles aux glaçons, saké de patates et ragoût d’autruche… De retour de Pyongyang où il est allé fêter avec Depardieu les 70 ans du régime de Kim jong-Un, l’auteur à scandales raconte en exclusivité les festins du comédien dans un pays pourtant peu réputé pour sa gastronomie.

Yann Moix, Vous venez de passer quelques jours en Corée du Nord avec un grand gastronome, Gérard Depardieu. Comment est la cuisine là-bas ?

Yann Moix : Essentiellement des nouilles froides avec des glaçons et de la sauce piquante… Vous risquez d’être déçus !

C’est une spécialité de Pyongyang ?

Oui, je crois qu’on appelle ça le Mul Naengmyeon. Les nouilles sont bouillies puis démêlées à l’eau froide et mélangées à un bouillon de boeuf avec de la glace pillée, des radis blancs, des concombres, du piment rouge, etc. C’est étonnant, même les Coréens du Sud n’en font pas un pareil.

Vous avez goûté autre chose avec Gérard ?

Oui, on a mangé du Kimchi, un plat qu’on trouve aussi en Corée du Sud à base de chou farci, piments et légumes fermentés, du Bibimbap avec des pousses de soja, d’épinards et des haricots verts servis sous une couche de riz avec un oeuf et de la viande d’autruche sur le dessus. On mélange tout ça avec de la sauce piquante ou de la sauce soja dans un pot en terre cuite ultra brûlant, c’est excellent !


Et quoi d’autre ?

Je crois que j’y ai mangé le meilleur pain perdu de ma vie. Et au petit-déjeuner, ils servent un porridge extraordinaire…

C’était dans l’hôtel avec tous les journalistes ?

Non, il y a quand même plusieurs hôtels à Pyongyang. Celui où tous les médias nous sont tombés dessus comme des mouches, c’est pour les touristes. Je parle d’autres hôtels plus tranquilles, ceux que j’avais pu fréquenter lors de mon dernier séjour en Corée du Nord il y a quatre ans.

On verra des scènes de bouffe dans le film que vous avez tourné là bas avec Depardieu ?

Oui, parce que même en Corée du Nord, lorsqu’on passe à table, il veut tout. C’est à dire qu’il commande littéralement toute la carte et plusieurs fois. Il prend le menu, appelle la serveuse et dit : « je veux ça, ça, ça, ça trois fois, non quatre fois. » . Donc, on se retrouve avec un truc absolument orgiaque. Il goûte tout ce qui existe, touche les plats, les sauces, les produits… Et comme il ne supporte pas les intermédiaires, il mange tout avec les mains !

Vous avez apprécié l’autruche Nord-Coréenne ?

Le problème, c’est qu’ils ne disent pas forcément que c’est de l’autruche. Parfois, ils disent même que c’est du boeuf. En fait, je ne sais pas si on trouve beaucoup d’élevages de boeufs en Corée du Nord. Par contre, il y a beaucoup d’élevages d’autruches.

Et vous buviez quoi ?

Rien de très alcoolisé à part de la bière Nord Coréenne et du Soju, un alcool de riz comme le Saké mais avec de l’amidon de pommes de terre. Sinon à l’aéroport, il y avait aussi de la gnôle à 80 degrés avec des serpents à l’intérieur…

En fait, vous n’êtes pas très gourmand ?

Non, pas vraiment.

Et Depardieu, la cuisine lui a plu ?

Ah non, il n’a pas aimé du tout. Sauf une fois, dans un restaurant populaire de Pyongyang interdit aux touristes. On a pu quand même y aller et après il voulait tout le temps y retourner… On était toujours accompagnés par un type qui jouait le rôle d’ambassadeur, enfin pas vraiment un diplomate en place mais plutôt une sorte d’antenne locale. Un certain Mr Om que Gérard appelait « Zoum-Boum ». Et dès qu’il voyait une toque en papier dépasser du resto, Gérard savait que c’était une cantine pour étrangers avec une pseudo cuisine à la française, et il refusait d’y rentrer. « Tu m’emmerdes ! » qu’il disait à Mr Om. « Hors de question, je n’irai pas bouffer dans ton truc, je veux aller dans le boui-boui de la dernière fois. » Alors, on retournait dans le boui-boui grâce au chauffeur qui connaissait bien le chemin. Et la délégation suivait… Il faut dire que c’était vraiment très bon, les fameuses nouilles froides y étaient préparées par des grand-mères.

C’est épicé comme cuisine ?

On épice si on veut. Comme à la base, il n’y a rien, on rajoute toutes les sauces possibles. Et Gérard, lui, il mélange tout. Il peut passer du dessert à une entrée, mélanger les plats entre eux et goûter tout en même temps. Ce qui était drôle, c’est que la seconde fois où on est retournés dans ce restaurant – comme il n’aime absolument pas attendre – il demandait au chauffeur du minibus de commander à l’avance… « Tu vas prendre quoi toi ? » En fait, il a tellement hâte de goûter qu’il ne supporte pas qu’on puisse prendre du temps pour choisir sur place. Une fois à table, il savait exactement ce que chacun voulait, allait directement aux bonnes pages pour montrer les photos des plats, etc.


Vous êtes revenus de Corée du Nord avec combien d’heures de rush ?

60 heures ! D’habitude, j’ai trois ou quatre heures de rush. Mais comme j’ai décidé de faire deux films, un sur la Corée du Nord et un autre sur Gérard là-bas, ça fait quarante heures sur Gérard et 20 heures de plus sur mon premier film. Avec les images de mon précédent voyage, ça fait presque cent heures au total. De toute l’histoire des voyages en Corée, je crois que personne n’a autant filmé la République Populaire Démocratique…

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Le régime vous laisse filmer plus facilement ?

Non, rien n’a changé depuis mon précédent séjour, c’est même beaucoup plus sévère. Mais Gérard a réussi à ouvrir des brèches qu’on a pu filmer. Rien d’interdit au sens strict, mais des choses qu’ils n’aiment pas généralement qu’on filme.

Quand va sortir ce film sur Gérard Depardieu en Corée du Nord ?

Je ne sais pas, je suis en train de faire la tournée des producteurs. Tout ce que je peux vous dire, c’est que ça s’appellera « 70 » comme les 70 ans de Gérard et les 70 ans de la République Populaire Démocratique de Corée du Nord…