Un doc chinois, le dernier Indiana Jones et Black Flies : trois propositions de cinéma, irrandiantes, passionantes ou décevantes.
Consacré aux galériens du textile chinois, le documentaire-fleuve de Wang Bing, révélé par la A l’ouest des rails, ausculte la Chine sous toutes les coutures et montre des jeunes de 20 – 25 ans qui se tuent à la tâche dans de sordides ateliers de confection. Il y a le bruit assourdissant des machines à coudre, la musique à fond les enceintes, les cadences infernales, l’argent qu’il faut réclamer aux patrons qui menacent de virer les employés trop vindicatifs, la violence qui éclate sporadiquement, les dortoirs miteux, mais aussi, parfois, des histoires d’amour entre les jeunes… Une vie d’esclave, quoi !
Tourné sur cinq ans, avant la Covid, Jeunesse – le printemps est une œuvre sublime et radicale (3h 30 quand même) qui sidère et épuise. Comme les ouvriers du film, on se retrouve plongé dans une expérience sensorielle, avec une répétition de scènes et une bande-son assourdissante pour finir complètement essoré. Très vite, le pauvre spectateur perd ses repères et oublie même qu’il assiste à un doc. Essentiel.
INDY SUR LA CROISETTE
Harrison Ford, 80 ans aux fraises, était visiblement ému quand tous les invités en smoking du Grand amphithéâtre Lumière se sont levés pour l’acclamer et qu’il a reçu sa palme d’or d’honneur, pour une carrière souvent placée sous le signe des grosses machines désincarnées (d’autant plus étonnant qu’il a refusé Alien, Tendres passions, Piège de cristal, Misery, JFK, La Ligne rouge, Traffic, Insomnia, A History of Violence…). Alors que l’on annonce depuis des années le cinquième volet d’Indiana Jones et après un faux départ avec Steven Spielberg, Ford reprend le rôle qui avait incarné pour la première fois à 39 ans, et déclare sobrement : « C’est le dernier film de la série, et c’est la dernière fois que j’incarne le personnage. Je pense que ce sera la dernière fois qu’il apparaîtra dans un film. » Eh bien, bon débarras car Le Cadran de la destinée est un ratage absolu, du cinéma de vieux, un poil réac. Pas très inspiré, James Mangold enchaîne les poursuites sur fond vert, aidé par une armée d’informaticiens formatés. La fraicheur des films de Spielberg s’est évaporée, il ne reste qu’un scénario boiteux, des poursuites hystériques décalquées sur Mission : impossible et un Harrison Ford qui ne semble même plus y croire, tandis que Mads Mikkelsen fait peine peine avec son look de Cruella nazi.
Lors de sa projection dans le Grand amphi, Black Flies a divisé. Une évidence car Jean-Stéphane Sauvaire, le cinéaste surdoué d’Une prière avant l’aube, fait dans l’immersif hardcore, la transe sanglante. Il raconte ici le parcours de deux ambulanciers – Sean Penn et Tye Sheridan – confrontés à la misère, la drogue, la folie, la violence dans le septième cercle des enfers : New York. Le scénario tient sur un ticket de métro mais Sauvaire assène les uppercuts, multiplie les séquences chocs, avec une successions de visions inoubliables et un travail dément sur le sound design. Alors oui, on peut lui reprocher quelques broutilles (le blouson du héros avec les ailes d’anges, son nom, Cross, ou le perso de sa fiancée tout le temps nue), mais il y a une puissance tellurique qui ronge les yeux et fait grimper tension du spectateur. Ça s’appelle le cinéma.
Jeunesse, le printemps – Prochainement
Indiana Jones et le cadran de la destinée, en salle le 28 juin
Black Flies – Prochainement
LA RÉPLIQUE DU JOUR
« Quoi que j’ai fait, je m’excuse. »
Harrison Ford dans Indiana Jones et le cadran de la destinée
Par Marc Godin