RUBEN ALVES, RÉAL’ SENSIBLE : « JE VEUX QU’ON AIME MES PERSONNAGES »

RUBEN ALVES

Réal’ énergique, Ruben Alves a fait le pari (réussi) de traiter de sujets « graves » (le consentement, la prostitution…) avec tendresse et humour. Interview en toute détente.

La série débute par la mort du père. Est-ce un symbole psychanalytique ou une façon comme une autre d’entamer un scénario ?
Ruben Alves : Un peu des deux. C’était pour commencer sur deux personnages qui se retrouvent orphelins, Ben et Charlie, frère et sœur. L’idée était également d’ouvrir sur une tension : d’un côté le fils, joué par Guillaume Labbé, parti à Paris pour tenter une carrière d’acteur, et qui se sent incompris par son père, décédé, de l’autre, Mathias, joué par Simon Ehrlacher, qui travaille au domaine, qui n’a pas de père, et qui a pris la place spirituelle du fils.

Ton désir avec Escort Boys ?
Je souhaitais déconstruire la masculinité, il me fallait donc partir du début, c’est-à-dire du rapport qu’a l’homme avec son père, afin d’aller vers la question centrale de la série : en quoi les désirs féminins vont apprendre à ces quatre garçons à devenir des hommes.

Quelle est ta définition de la masculinité ?
Je trouve beau chez un homme dit « alpha » qu’il assume sa part de féminité. De façon très primaire, l’homme est le protecteur qui doit se défaire de son naturel de prédateur. Dans mon dernier film, Miss, j’abordais la question de la féminité. Pendant toute la construction du film, j’ai eu plein de théories pour y répondre, jusqu’à la fin où je navais plus aucune idée précise d’une définition. Ici, c’est pareil…

Tu mets à l’affiche quatre hommes. Pourtant, on est touché par l’importance des femmes dans la série. Elles sont fortes, rassurantes, et cachent leur fragilité avec pudeur (comme celles jouées par Rossy de Palma ou Carole Bouquet). Pourquoi n’avoir mis que des hommes à l’affiche ?
Ce qui m’intéresse n’est pas de traiter du rapport de l’homme à la prostitution, mais le rapport entre un homme qui se prostitue et une femme qui cherche du plaisir. C’est de regarder l’homme essentiellement à travers le désir de la femme, de basculer, de casser ces décennies de patriarcat où l’homme se payant une pute dérange moins que l’inverse. Je voulais dire : maintenant, les femmes ont le pouvoir, elles commandent des mecs pour leur plaisir ou un réconfort ou tout autre chose, peu importe, mais c’est la femme qui est au centre de ces désirs, de ces pulsions, sans jugement.

Montrer que les rapports de force sont interchangeables ?
Oui, je souhaite aussi montrer des femmes fortes, comme Romane jouée par Fleur Copin, ou Charlie, interprétée par Marysol Fertrad, une gamine de 17 ans, orpheline, mais qui porte tout, face à des hommes fragiles. Un jour, un ami m’a raconté une anecdote sur Sagan. À la fin d’un dîner chez elle où un couple d’amis a passé la soirée à se plaindre, Sagan leur demande de quitter la table. Elle se tourne vers mon ami et lui dit : tu vois Philippe, l’élégance c’est de ne jamais montrer à ses amis ce qui ne va pas, parce que pour ça, il y a des médecins, des psys et des prêtres. Cela m’a marqué, je voue une admiration pour les femmes fortes.

Si saison deux il y a, quel sujet aimerais-tu traiter ?
L’addiction. Ce sujet me touche, puisque j’ai des amis addicts. Mais avant tout, je veux qu’on aime mes personnages. S’ils peuvent avoir des travers ou être violent, mon regard sur eux sera nourri par de la tendresse. Exactement comme chez Sagan.

Escort Boys, disponible sur Prime Video


Par Alexis Lacourte
Photos Romin Favre