PLOUC-GAROU

teddy

Dans Teddy, un prolo révolté se métamorphose en loup-garou. Un objet étrange et excitant, entre David Cronenberg et Bruno Dumont.

C’est le festival de Gérardmer sur le côte normande.
Après les zombies coréens de Peninsula, voici le loup-garou d’un village typique du Sud de la France. Dans Teddy, les frères Boukherma, qui avaient déjà réalisé l’excellent Willy 1er il y a quatre ans, revisitent le thème ultra-classique du lycanthrope poilu mais avec un pas de côté et un regard décalé. Comme un remix improbable du cinéma de Bruno Dumont, de David Cronenberg et de la Hammer. Un cadavre vraiment exquis… 
Il est donc question d’un prolo enragé et paumé qui bosse dans un institut de massage « parce qu’il n’y avait plus de place au Quick ». Mordu par une créature mystérieuse, Teddy commence bien sûr à avoir drôles de rêves où il boulotte les doigts de pieds de ses proches, se mutile copieusement avant la métamorphose finale.

Drôle et flippant

Teddy est à la fois drôle et flippant, gonflé et excitant, et les frères Boukherma distillent savamment un climat d’inquiétante étrangeté : des hommes disparaissent dans la nuit comme dans un plan de David Lynch, des chasseurs apparaissent des ténèbres, avec leurs gilets fluos, autour du cadavre d’un loup. Comme dans un songe, un cauchemar cotonneux, une photo de Philip Lorca diCarcia ou de Gregory Crewdson. C’est formellement somptueux. De plus, les frangins alternent des changements de tons risqués, font gicler l’hémoglobine puis filment une scène de sexe. Mais surtout, ils n’ont pas peur de l’émotion. Comme dans Willy 1er, ils filment le lumpenprolétariat avec amour, notamment quelques scènes entre Teddy et ce personnage quasi demeuré qui vit avec sa tante.

Malgré quelques défauts (des scènes de figuration mal réglées, 15 minutes de trop, un budget que l’on sent un peu maigre…), les frères Boukherma s’en sortent les honneurs. Ils font assurément partie la relève du cinéma français. Très intelligemment, ils ont également un atout de taille dans la manche, une arme de destruction massive en la personne d’Anthony Bajon, immense acteur découvert dans La Prière. Le crâne rasé et la vue basse, il compose un personnage de rebelle sans cause, véritable bombe à retardement qui va exploser lors d’une séance de Loto dans le gymnase craspec du bled…
Hautement recommandé.

Teddy de Ludovic et Zoran Boukherma, avec Anthony Bajon.

Par Marc Godin