PIERRE LOTTIN : « IL EST PLUTÔT SIMPLET… »

pierre lottin technikart

Gros benêt des Tuche, Pierre Lottin est un acteur magnétique qui illumine les films de Dominik Moll ou de François Ozon. On va le revoir dans le thriller Un homme en fuite et au festival de Cannes.

Qu’avez-vous fait avant le cours Florent ?
Pierre Lottin : Je devais tenir la boulangerie de mon père, Eugène & Fils, à Louvois, près de Reims. À l’école, j’étais hyperactif et je faisais marrer tout le monde. Il m’arrivait de m’enfuir par une fenêtre quand un cours m’ennuyais. Je pars de Louvois vers 15 ans, j’arrête l’école et je quitte mes parents. J’avais envie d’aller voir ailleurs… Alors que je bossais comme serveur à la Coupole, un pote m’a parlé du cours Florent et je suis allé y faire un tour.

Vous avez alors la révélation ?
Oui, je m’éclate, j’y reste trois ans et ils m’ont offert la quatrième année parce qu’ils m’aimaient bien. Pour payer mes cours, je bossais la nuit comme serveur, ouvreur dans un cinéma, je faisais de l’intérim dans les jeux vidéos…

À partir de 2007, vous multipliez les courts-métrages. 
J’en ai fait beaucoup, c’est vrai. C’était un laboratoire pour tester des trucs. 

Et pour votre premier long-métrage, vous tournez dans Les Tuche. Pas mal, non ? 
Quand j’ai gagné le prix Olga Horstig au cours Florent, il y avait 150 professionnels, et une directrice de casting qui a parlé de moi à Olivier Baroux. Le premier Tuche a fait 1, 5 million de spectateurs, mais c’est à la télé que ça a vraiment cartonné. Le second a fait, 4, 6 millions et le troisième volet, 5, 6 millions. C’était historique ! Mais le quatrième a moins marché (2, 4 millions, ndlr) à cause du Covid. 

Vous aimez jouer le fils teubé de Jean-Paul Rouve, Wilfried Tuche ?
Il n’est pas teubé, plutôt simplet. Moi, à la base, je voulais faire du comique, donc ça me plaît beaucoup. Et je sais que dans la rue, on m’appellera Wilfried Tuche toute ma vie. 

Êtes-vous également Wilfried Tuche pour les professionnels de la profession ?
Absolument pas. Je ne joue que des rôles sombres, des petites frappes, des voyous, de sales connards et parfois des rôles plus profonds. 

À partir de 2011, vous n’arrêtez plus de tourner.
C’est, je crois, plus grâce aux courts-métrages qu’aux Tuche. Après mes gros rôles dans des courts, j’ai eu de petits rôles dans des longs. 

Très vite, on vous retrouve dans de très bons coups. Chez François Ozon, Abdel Raouf Dafri, Nine Antico, Philippe Faucon, Jean-Jacques Annaud…
Mais attention, j’aime autant jouer dans Les Tuche que chez Faucon ou Moll. C’est important de faire rire les gens, et il n’y a pas autant de films marrants que ça. Je sais que la série des Tuche est critiquée, mais seulement par des gens qui ne l’ont pas vue. Et quand ils découvrent un épisode des Tuche, ils trouvent ça vachement bien. 

Qu’est-ce qui fait que vous dites oui à un film ? 
Je choisis mes rôles avec attention. Le parcours du réalisateur est bien sûr très important. Abdel avait écrit Un prophète, Moll est un grand directeur d’acteurs et il avait signé Harry, un ami qui vous veut du bien, Nine Antico vient de la BD, elle a un univers… Ça a vraiment commencé à décoller il y sept ou huit ans et je fais maintenant trois ou quatre films par an. 

Dans La Nuit du 12, vous avez un petit rôle, mais dès que vous êtes à l’écran, votre intensité attire tous les regards. 
C’est gentil. J’arrivais de la série Polar Park. Je bossais le matin sur le film de Moll et l’après-midi sur un projet pour Netflix. Au début, j’essayais de composer un personnage très calme, mais ça ne marchait pas. Mais le rôle était puissant, bien écrit, et je donne la réplique à Bouli (Lanners, ndlr).

C’est vrai que vous avez développé un passion pour Patrick Dewaere ?
Pas vraiment, même si c’est un énorme acteur. Moi, je suis fou de Mads Mikkelsen dans Pusher 2 ou dans la comédie Les Bouchers verts. Mais aussi de Tom Hardy dans Bronson et Dustin Hoffman dans Macadam Cowboy. 

Un homme en fuite est un premier film. 
Absolument. Le réalisateur, Baptiste Debraux, m’avait vu dans Un Triomphe et j’ai adoré ses courts-métrages. Et donc ça a marché. 

Votre personnage est un rebelle, très charismatique, qui a braqué un fourgon, dans une ville au bord de l’implosion. Vous auriez pu jouer celui de Bastien Bouillon, le narrateur de l’histoire ?
Bien sûr, mais j’étais plus attiré par le personnage de Johnny, avec les nerfs à vif. Il se révolte, veut faire avancer les choses à sa manière, plutôt directe. Je crois que je lui ressemble mais j’ai seulement la moitié de ses couilles.

Donc une seule couille ? 
Oui, mais une couille de Johnny, ça vaut deux chez pas mal de gens. 

Vous êtes également dans le prochain Ozon, Quand vient l’automne ?
C’est dans la boîte. Je joue un mec assez tordu qui sort de prison, et je donne la réplique à Josiane Balasko.

En fanfare, d’Emmanuel Courcol, avec Benjamin Lavernhe, sera présenté à Cannes. 
Je suis hyper content pour le réalisateur et sa femme qui ont écrit le scénario à deux. Ils méritent que leur film soit sélectionné, ce sont des gens qui s’impliquent pour aider les autres. Et c’est une petite revanche sur Un triomphe que l’on avait fait ensemble deux ans plus tôt, mais dont la sortie avait été malmenée par le Covid.

Et Les Tuche 5, God save the Tuche ?
J’ai commencé cette semaine. On tourne à Lille, à Roubaix, un peu en Belgique, trois jours en Angleterre. Ça va durer deux mois. Et je te rassure, Wilfried est toujours aussi con. Même s’il est très lucide dans son monde. 

Wilfried parle anglais ?
Ah bah non, il croit qu’il parle anglais, ce qui est vraiment différent, et personne ne le comprend. 

Jean-Paul Rouve a finalement viré Olivier Baroux, le réalisateur des quatre volets précédents ? 
Tu veux me faire parler ? On va dire qu’il y a eu une passation à l’amiable (rires)


Un homme en fuite
de Baptiste Debraux
Sortie en salles le 8 mai


Par Marc Godin
Photo Julien Grignon