PIERFRANCESCO FAVINO OU LE VISAGE DE LA NOSTALGIE

Vu dans Juste un baiser, Word War Z et bien sûr dans Le Traître, l’acteur italien Pierfrancesco Favino illumine de son charisme l’excellent Nostalgia, l’histoire d’un homme hanté par son passé, de retour dans sa ville natale, Naples, rongée par la mafia.

Comment se fait-il que vous parliez si bien français ?
Je fais semblant, je vous imite (rires). J’ai appris l’anglais à l’école mais j’ai pris des cours de français à Rome car j’aime beaucoup les langues. On parle comme on pense, c’est profondément identitaire, la langue nous construit. Il y a dans la structure de la langue, une mentalité, une façon de voir la vie. Le Français est élégant et vous voyez, quand je parle votre langue, je ne bouge pas frénétiquement mes mains comme le font habituellement les Italiens. Pour Nostalgia, j’ai appris l’Arabe.

Qui est Felice, votre personnage dans Nostalgia ?
Il revient après 40 années passées à l’étranger, il a cet accent arabe, il a perdu son identité, et il retrouve ses racines, sa langue maternelle.

C’est difficile d’incarner le visage de la nostalgie ?
Pas trop ! Et Felice ne revient pas à Naples parce qu’il est nostalgique, mais pour revoir sa mère. Et le passé revient à la surface. Ce qui était formidable, c’est que j’’avais peu de dialogue, tout devait passer par mes yeux. Certains acteurs veulent avoir un maximum de texte, et moi aussi, à mes débuts, je voulais le plus de répliques possibles, mais là, c’était formidable d’incarner un corps dans l’espace et j’ai beaucoup travaillé là-dessus.
 

« LA MAFIA RESPECTE DEUX CHOSES : LES CODES CRIMINELS ET LA RELIGION »

 

Où avez-vous tourné ?
À Naples, dans le quartier de la Sanità, gangrené par la mafia. C’était comme l’enfer de Dante. Nous n’avons pas eu de problème pour tourner, sauf un soir, une ombre passe derrière moi et chuchote, probablement à cause de mon rôle dans le film Le Traître, « Toi, tu n’as pas peur d’être là… », avant de s’évanouir. À partir de ce moment, le prêtre du quartier, dont on parle dans le film, est resté à mes côtés. Car la mafia respecte deux choses : les codes criminels et la religion.

Vous avez travaillé avec des non-professionnels ?
Nous étions cinq acteurs et tous les autres sont des habitants du quartier. C’était comme tourner un documentaire. Plus qu’un film, c’était une expérience humaine.

Vous êtes Napolitain ?
Je suis né à Rome, je suis Romain, mes parents viennent des Pouilles. J’ai été passionné par l’art dramatique dès mon enfance, je voulais jouer, raconter des histoires, échapper à ma vie par la fantaisie. Quand j’ai décidé de devenir acteur après mes études, personne n’était d’accord dans ma famille. Mais bon, ça fait 32 ans que je travaille dans ce métier et cela me plait toujours. C’est donc que j’avais raison. Le théâtre, c’est ma vie, c’est chez moi. Mais ça fait quatre ans que je ne suis pas monté sur les planches, la dernière fois, c’était pour une pièce de Bernard-Marie Koltès, La Nuit juste avant les forêts. J’ai dirigé un théâtre et j’ai même une école de théâtre à Florence. Car pour faire du cinéma, il faut faire du théâtre. 
 

« J’AI TOURNE DANS UN ZOMBIE MOVIE » 

 

 Vous avez une belle filmographie…
(Il fait mine de se lamenter) Je suis vieux…

Mais parmi tous ces films, il y a bien sûr un monument, Le Traître
C’est Marco Bellocchio le monument. Il a 82 ans et c’est un de nos plus jeunes réalisateurs italiens. Sa manière de voir la vie, le métier, sa curiosité, tout cela, c’est une leçon. Sur le tournage, même si je ne jouais pas, je venais pour le regarder travailler. C’était une rencontre extraordinaire, et un rôle génial qui m’a apporté plusieurs récompenses. 

C’est important les prix ? 
Pourquoi pas, ça fait plaisir. Mais surtout, ça peut donner envie aux gens d’aller voir le film. Dans ma filmo, je crois que trois ou quatre films vont rester. 

Lesquels ?
Romano Criminale (Michele Placido, 2005), qui a changé le cours de ma carrière, Le Traître, bien sûr, L’Ultimo Bacio (Juste un baiser, Gabriele Muccino 2001), Rush, un film américain important pour moi. Mais je ne fais pas du cinéma pour laisser une trace vous savez, je m’amuse. 

Vous vous êtes amusé sur World War Z ?
Oh oui, tellement ! J’ai été embauché pour des reshoots. La fin originale, tournée en Russie, posait problème donc ils ont tout refait, alors que le film était déjà monté. Ils voulaient un acteur italien pour un personnage français qui s’appelait Xavier, déjà, il y avait de la confusion (il se marre, NDR). On a tourné à Sandwich, en Angleterre, dans une vieille usine abandonnée. Je vois Brad Pitt dans ce décor géant, je m’approche pour me présenter, il se tourne mais ce n’était pas lui, mais sa doublure ! Quand Brad est entré en scène, je n’avais plus d’appréhension car je lui avais déjà parlé (rires.) Mais Brad est un mec très généreux, très sympa. Pour ce film, je n’avais pas de scénario, on me donnait chaque matin les pages que je devais apprendre, je ne savais absolument pas de quoi ça parlait. J’essayais d’interroger le scénariste pour obtenir des infos… Mais c’était drôle et maintenant, je peux dire que j’ai tourné dans un zombie movie

Nostalgia de Mario Martone
En salles le 4 janvier 202


Par Marc Godin