NIELS SCHNEIDER, AGENT TROUBLE : « CÔTOYER LE DANGER ! »

Comédien habité par ses rôles sombres, Niels Schneider sublime la série Totems avec ce personnage d’espion malgré lui. Entretien avec un acteur à suivre… en filature ?

Tu incarnes un scientifique embarqué dans l’espionnage. Qu’est-ce qui t’a plu dans le personnage de Francis Mareuil ?
Niels Schneider : Ce qui m’a tout de suite séduit c’est que c’est une des premières fois où l’on voit les services secrets français pendant la Guerre froide. C’est une série qui embrasse totalement les codes du film d’espionnage anglo-saxon, qui rappelle les romans de John Le Carré, certains films d’Hitchcock. Mais ce qui fait aussi la particularité de la série c est que Francis, au début, n’est pas espion. C est un ingénieur, un mari, un père, qui va être embarqué dans un monde qui le dépasse totalement et qui va le transformer. Une des forces de la série est de mêler l’intimité du personnage à l’aventure de l’espionnage.

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« ON FANTASME TOUS SUR LA DOUBLE IDENTITÉ DE L’ESPION. »

 

Tu as des points communs avec ton personnage ?
Le lien que j’aurais, c’est qu’on fantasme tous sur la double identité de l’espion. On est tous multiples, on a des besoins parfois contradictoires, entre l’envie d’avoir une vie de famille et le désir d’avoir une vie aventureuse où on côtoie le danger. On aimerait avoir plusieurs vies à la fois, c’est sûrement pour cela que je suis acteur, le côté un peu espion. 

Tu avais joué au théâtre avec Ana Girardot dans Roméo et Juliette en 2014, et travaillé avec Olivier Dujols en 2013 sur la série Odysseus. Comment s’est passé le tournage avec le reste de l’équipe ?
Ça s’est super bien passé ! C’était comique de retrouver Ana, avec qui j’ai joué le couple le plus passionné et tragique de l’histoire, et de se retrouver dans Totems, à jouer un couple qui bat de l’aile, usé. C’est un peu la suite qu’auraient eu Roméo et Juliette s’ils n’étaient pas morts et qu’ils encore ensemble. Avec José Garcia, c’était vraiment une grande rencontre, très dure au début, car il m’a fait tellement rire. J’en ai pleuré des larmes de rire incontrôlables et il peut te tenir pendant des heures. C’est déjà compliqué de garder son sérieux quand on se prend pour un espion, et encore plus avec José en face de toi. J’ai aussi adoré le fait de rencontrer des acteurs étrangers, comme Vera Kolesnikova et Aleksei Guskov. C’est enrichissant de tourner avec des acteurs d’une autre culture.

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JEU D’ESPION
Niels Schneider incarne un agent secret pendant la Guerre froide.
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T’es-tu inspiré de romans ou de films d’espionnage pour te mettre dans la peau de Francis ?
Francis n’est pas un professionnel de l’espionnage, donc pas trop. Il n’est pas un James Bond, ni un Jason Bourne. Jérôme Salle me le rappelait souvent. Il fallait garder une sorte de maladresse dans les premiers épisodes. 

Ton meilleur souvenir du tournage ?
On tournait en période de Covid à Prague. C’était très frustrant, parce que Prague est une ville vraiment géniale, que je crois hyper festive, magnifique culturellement. Là, tout était fermé. Après, on est parti tourner à Almeria en Espagne, et là on a profité des jours off pour se lâcher sur les déjeuners. On se mettait à table à midi, on quand sortait, il était 23 heures ! C’était une semaine merveilleuse. 

Ton personnage se retrouve tiraillé entre son cœur et ses obligations professionnelles. Tu penches plutôt côté cœur ou côté raison dans la vie ?
Le cœur c’est vraiment l’élan premier, une raison sans cœur ce serait très chiant, donc le cœur, forcément. Heureusement que parfois le cœur prend le dessus sur la raison. 

Francis devient espion malgré lui. Es-tu devenu acteur malgré toi, bien qu’issu d’une famille de comédiens ?
Quand tu as un père comédien, quand tu es petit, tu veux faire absolument tout, sauf ça, mais il y a quelque chose qui te rattrape. Le déclencheur a été vers 16 ans, âge à partir duquel j’ai tout mis en œuvre pour pouvoir jouer. Je savais que c’était ça, et je n’avais pas de plan B.

Étais-tu un fan d’espionnage quand tu étais petit ?
Je fantasmais là-dessus et je me souviens m’être demandé si mon père n’était pas un agent secret. D’ailleurs, quelqu’un lui avait proposé, je crois. C’est un métier qui fait rêver, mais je ne sais pas vraiment comment on y arrive. 

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Ton film d’espionnage favori ?
J’avoue que je n’ai jamais été un fan de James Bond. En revanche, j’ai bien aimé la série de films Jason Bourne, et j‘adore le film La Taupe avec Gary Oldman et Tom Hardy. Le film de Kubrick, Docteur Folamour, est hilarant dans le genre. 

Ton premier souvenir de cinéma ?
J’ai toujours regardé des films, mais le premier souvenir, je dirais Hook, de Steven Spielberg, ou Le Roi et l’Oiseau, de Grimault. La première fois où j’ai regardé le cinéma autrement, c’était un film de Gus Van Sant, qui s’appelait My Own Private Idaho… En fait, tous les films des auteurs américains indépendants des années 1990, dans lesquels il y avait quelque chose de particulier dans la forme. C’est là que je me suis dit qu’il y avait les films qui racontent une histoire, et puis le cinéma, où c’est une véritable œuvre. Mais j’aime aussi le cinéma très populaire, où je ne fais pas attention à la forme. 

Jouer dans un long-métrage, est-ce pareil que de jouer dans une série ?
C’est de plus en plus similaire. Les temps de tournage se rapprochent parce qu’ils diminuent au cinéma et se rallongent en série. La vraie différence, c’est que sur une série, on ne sait pas tout le temps ce qui va arriver. C’est parfois un peu déstabilisant, mais c’est aussi plus excitant, car c’est plus proche de la vie. Dans la vie, tu ne sais pas ce qui va arriver le lendemain, là je ne savais pas ce qui arriverait à mon personnage au prochain épisode. 
 

« J’AIME LES CHOIX CORNÉLIENS. »

 

Tu joues souvent des personnages tiraillés entre le cœur et la raison. Tu aimes cette complexité ?
J’aime les choix cornéliens. Tous les mouvements du cœur et de l’esprit qui sont contradictoires m’intéressent. Ces conflits intérieurs et psychanalytiques qui donnent l’impression qu’on est plusieurs dans notre tête, avec des envies et des besoins différents, me fascinent.

Olivier Mas, ancien agent de la DGSE, explique qu’il y a un certain plaisir à ce que sa fausse identité arrive à convaincre. C’est pareil pour un acteur ?
Totalement ! Je me souviens, quand j’avais joué dans Un amour impossible, de Catherine Corsini, qui était adapté du livre de Christine Angot, je jouais un personnage détestable et gerbant qui viole sa fille. Difficile de faire pire ! Quand quelqu’un sortait de la salle de cinéma en me disant : « J’ai tellement envie de prendre une pierre et de vous arracher la tête », j’en tirais un immense plaisir, puisque ça voulait dire que j’avais bien fait mon travail. Finalement, quand tu passes des castings, tu fais souvent croire des choses, la vérité est assez mouvante. Ce n’est pas vraiment du mensonge, parce qu’on sait qu’un film est artificiel. Il y a comme un pacte entre le spectateur et le film, mais le fait que le spectateur croit que c’est la vérité est ce qui me touche le plus. Le plus intéressant au cinéma est le sentiment de vérité, que l’acteur ne fait pas semblant mais qu’il vit vraiment la chose.

Le comédien et l’espion interprètent des rôles. Finalement, tu aurais pu être un agent secret ?
Pour être agent secret, il faut parler beaucoup de langues et il faut avoir une très bonne mémoire. Il faut quitter ceux qu’on aime. Je ne suis pas sûr que ce soit pour moi. 

Tu as joué au théâtre avec Ana Girardot qui incarne ton épouse dans Totems. C’est plus facile de jouer avec une partenaire qu’on connaît déjà ?
Je crois que c’est plus facile, mais que ça peut être plus compliqué quand on joue une rencontre, par exemple. Pour une rencontre amoureuse, il doit y avoir une sorte de timidité, il y a une séduction, on n’est pas forcément soi. On triche un peu avec ce qu’on est, et c’est plus dur de jouer cela quand on connaît bien l’autre. En revanche, pour jouer une familiarité, un couple qui se connaît par cœur, évidemment qu’il y a mille petites choses, comme la manière de toucher l’autre, qui deviennent plus simples quand tu connais bien ta partenaire. 

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PULL DIOR


Tu as joué dans deux films avec ta compagne Virginie Efira, Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait et Sybil. Comment compartimente-t-on bien vie privée et vie pro ?
Je ne suis pas sûr de compartimenter ma vie. Avec Virginie, on a envie de tourner ensemble, on a certains projets. Nous n’avons pas forcément envie d’avoir une séparation étanche entre les deux. Et puis, je crois que professionnellement, on rapporte toujours ce que l’on est dans la vie dans un film. Un des cinéastes que j’admire le plus est John Cassavetes, et ce qu’il a fait avec Gena Rowlands apporte une vérité dans ses films. Le cinéma s’inspire de la vie, il en est même le reflet. 

Tu as joué dans cinq séries qui n’ont connu qu’une seule saison à chaque fois. Peut-on espérer une saison 2 pour Totems ?
C’est la première fois que je tiens le premier rôle dans une série qui appelle une suite, donc, je l’espère !

Tu te vois incarner un personnage sur dix saisons ?
Je trouve souvent que, dans la majorité des cas, les saisons 2 et 3 des séries sont les meilleures. Pour Totems, j’aimerais faire au moins une deuxième saison et une troisième. J’ai très envie de savoir ce qu’il va arriver à Francis, comment il va évoluer. Le danger, c’est de s’étendre sur trop de saisons, et de finir par tourner en rond. Mais on n’y est pas encore.

Tu es habitué à des rôles dark, à quand un grand rôle comique ?
J’adorerais. Un jour, j’espère. Mais je reçois peu de propositions de comédies… Je n’aime pas trop les comédies où c’est juste de la vanne. J’aime les comédies où tu sens qu’à partir d’un drame, on offre un point de vue comique sur une situation. Ce sont des projets qui sont peu nombreux.

Après plus d’une décennie à jouer, envisages-tu de réaliser ?
J’ai réalisé un court-métrage juste avant le tournage de Totems. Ça donne tout de suite la piqûre. Après le tournage de la série, j’avais très envie de réécrire quelque chose très rapidement. En même temps, j’adore jouer, je ne suis pas du tout lassé. Je joue des personnages qui me passionnent. Je pense que réaliser demande de lever le pied sur ma vie de comédien, et je n’en ai pas encore envie.

Où te vois-tu dans dix ans ?
Quelque part dans le Nord, à l’abri des vagues de chaleur. À l’intérieur d’un bunker.

Totems, le 18 février sur Prime Video


Entretien Margot Ruyter
Photos : Emma Birski
D.A : Alexandre Lasnier